• Je rentrai ma voiture dans le garage. Rosalie était allongée sous sa BMW pour une énième modification.

    Je ne pus saisir le fond réel de sa pensée cette fois, elle s'appliquait à penser à autre chose. Elle était toujours furieuse que j'ai découvert la véritable raison pour laquelle elle ne supportait pas Bella. Et la seule raison pour laquelle elle ne m'avait pas encore arraché la tête, c'est parce que j'avais su garder sous silence cette révélation. Malgré sa concentration pour me cacher ses pensées, je pouvais y déceler beaucoup de peine et de colère. Et moi qui pensais avoir tout compris sur Rosalie, apparemment il y avait encore des choses qu'elle ne voulait pas que je sache. J'essayais alors de faire de mon mieux pour respecter son intimité. Elle ne me prêta aucune attention, ce qui me facilita la tâche. Mes angoisses me reprirent. La seconde d'après j'étais dans le bureau de Carlisle.

    ----- - Bonsoir Edward, que puis-je faire pour toi ? Pourquoi as-tu l'air si inquiet ? Il ne s'est rien passé de grave au moins ? Je ne veux pas penser au pire, j'ai confiance en toi, tu le sais. Mais je connais ce regard, et il n'annonce rien de bon.
    ----- - Et bien, pour le moment, il n'y a rien de grave, ce n'est qu'un avertissement.
    ----- - J'ai du mal à te suivre, qui nous met en garde ?
    ----- - Je reviens à l'instant de chez Bella, et un des anciens de la tribu Quileute, Billy Black, m'a vu avec elle. Il considère mon comportement envers elle comme une provocation. Bien sûr, techniquement, je ne transgresse pas le pacte, mais c'est très dangereux pour Bella, ainsi que pour nous et leur tribu. J'ai clairement vu dans son esprit qu'il avait la ferme intention d'éloigner Bella de moi. De la protéger de moi. Je ne peux pas le lui reprocher, mais si elle venait à m'éviter je ne sais pas comment j'arriverais à la supporter... Et si une guerre venait à éclater par ma faute...

    Carlisle me coupa, il en avait assez entendu pour comprendre ma bataille intérieure.

    ----- - Ça me fait mal de te voir souffrir ainsi, tu ne le mérites pas. Tu as parfaitement droit au bonheur, et n'aies pas peur, Bella t'aime pour ce que tu es et rien de ce que pourra lui dire le vieux Quileute n'y changera. D'ailleurs, elle en sait sûrement plus sur toi que lui.
    ----- - Je sais que tu as raison, mais je ne peux m'empêcher d'y penser. Et le fait de passer une journée entièrement seul avec elle samedi ne va pas arranger mon état de stress.
    ----- - Et bien moi je sais ce qui pourra te détendre : une bonne partie de chasse, rien de tel pour un vampire stressé comme toi ! Intervint joyeusement Alice.
    ----- - Je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur moment pour me détendre, mais tu as raison, c'est nécessaire.

    Et comme pour confirmer ce que je venais de dire, je pouvais voir notre partie de chasse qui se déroulerait le lendemain après-midi dans une de ses visions.

    ----- - Carlisle, je souhaiterais parler à tout le monde.
    ----- - Très bien, allons dans la salle à manger.

    Il aurait été plus juste de dire, la salle de conférence, mais d'apparence, elle était plus proche d'une salle à manger. Sauver les apparences, c'est tout ce qui comptait pour assurer notre existence parmi les humains.

    Tous le monde était assis autour de l'immense table, Carlisle à la place d'honneur, celle du chef de famille, Esmée à sa droite, moi à sa gauche. Alice et Jasper aux côtés d'Esmée. Emmett et Rose à mes côtés. Les couples se tenaient la main, tandis qu'Alice avait des visions de Bella, tantôt toutes deux main dans la main, tantôt Bella avec des yeux rouge sang.

    ----- - Alice, arrête ça s'il te plaît. Je ne supportais pas de voir Bella ainsi. Cette vision me faisait trop mal. Il était hors de question qu'il arrive une chose pareille à Bella. Je changerai le futur, je voulais passer du temps avec elle plus que tout au monde, mais jamais je ne mettrais fin à ses jours pour mon intérêt personnel, je serais vraiment un monstre de lui ôter toute chance de vivre une vie normale.
    ----- - Tu sais très bien que je ne contrôle pas mes visions ! me répondit-elle sèchement.
    ----- - J'ai pris ma décision sur ce point. Elle est ferme et définitive, ce ne peut donc pas être une vision que tu viens d'avoir. Tu aimerais que ça se passe ainsi, mais jamais je ne le permettrai !
    ----- - Tu te crois plus fort que tu ne l'es mon cher ! Votre destin est arrivé à un carrefour, et tu sais toi-même (même si tu refuses de l'admettre) que ce carrefour deviendra dans quelques jours une route à sens unique !
    ----- - C'est bon gamin, on a compris que tu ne voulais pas qu'il arrive quelque chose de mal à ta belle. Maintenant, ce qu'on aimerait savoir, c'est pourquoi tu nous as réunis ici.
    ----- - Quel idiot égoïste ! Je parie que c'est encore en rapport avec la fille ! J'aurais dû m'en charger moi-même bien avant qu'elle nous pose tant de problèmes! Le jour où ça tournera mal, ce sera trop tard !

    Un grondement sourd roula dans ma gorge. Le plus égoïste de nous deux n'était certainement pas moi ! Et j'avais vu juste sur mes pronostics, seule Alice me soutenait vraiment. Carlisle me laisserait faire ce que je pensais être le plus juste, et Esmée ne s'opposerait ni à moi ni au reste de la famille. Ce qui me gênait le plus chez Alice étaient ses motivations !

    ----- - Si je vous ai demandé de venir, c'est pour vous annoncer que je passerai la journée de Samedi seul avec Bella. J'ai bien conscience que vous êtes indirectement concernés quand je passe du temps avec elle. Je ne vous demande pas votre approbation, je tenais juste à vous en informer.

    J'essayais ensuite de concentrer mes émotions au maximum afin que Jasper ressente que mes avertissements étaient toujours valables. Inutile de me mettre à dos Alice qui était la seule à me soutenir, en les lui disant à voix haute !

    ----- - Même si je trouve que c'est stupide, je ne ferais jamais rien contre la volonté d'Alice, et pour une raison que je n'explique pas, elle est autant attachée que toi à cette fille ! Et je ne tiens pas non plus à me battre contre toi.

    Cette fois, je m'appliquais à ressentir du soulagement et de la reconnaissance. Il y répondit par un bref mouvement des yeux. Cet échange n'avait pris qu'une seconde, et personne ne remarqua mes changements d'humeur.

    ----- - J'avais raison, tu n'es qu'un imbécile égoïste !! Comment oses-tu prévoir de passer du temps seul à seule avec elle ? Tu ne la vois pas suffisamment au lycée ? Tu es inconscient des risques que tu nous fais prendre à tous, juste pour une amourette, et si ça se trouve tu n'arriveras peut-être pas à résister si longtemps à son odeur ! Au moins, elle ne nous causera plus de problème si ça tourne mal ! lança rageusement Rosalie.
    ----- - Rose, je t'en prie, calme toi ! Tu es injuste avec Edward ! Il a déjà prouvé qu'il savait se contrôler en présence de Bella ! Me défendit Esmée. En fait, j'ai plus peur pour son cœur que pour sa soif.

    Ma rancœur contre Rose ne cessait d'augmenter, à chaque seconde elle atteignait des sommets ! Je savais que j'exposais ma famille à de graves problèmes à chaque minute que je passais avec Bella. Mais de là à réagir comme elle venait de le faire... elle ne se rendait pas compte du mal que ses paroles me faisaient ou le faisait-elle exprès ? Calme toi Edward, me rassérénais-je n'écoute pas Rosalie et tout ira bien. Et qu'entendait Esmée par « J'ai plus peur pour son cœur que pour sa soif » ? Il fallait que je réagisse, car tous venaient de remarquer ma seconde d'inattention.

    ----- - Je t'interdis de t'approcher d'elle Rose ! Et je te ferais remarquer que si je n'avais pas su contrôler mes réflexes au contact de son odeur, comme tu sembles le prétendre, il y aurait longtemps que Bella serait morte !

    Je frissonnai de terreur à cette pensée. Et une autre image me vint à l'esprit, celle de Bella, pâle comme la mort avec un regard rouge sang... je me ressaisis. Cette soirée devenait très pesante !

    A mon grand soulagement, Carlisle prit enfin la parole, comme un père pour faire taire les chamailleries de ses enfants.

    ----- - Edward, tu as droit au bonheur autant que chacun d'entre nous. J'ai confiance en toi et tu le sais. Si tu es vraiment certain que ce sera sans danger pour chacun d'entre vous, je n'ai aucune raison de m'y opposer. Je t'ai toujours soutenu dans tes choix et je te soutiendrai toujours.

    Comme d'habitude, Carlisle me vouait une confiance aveugle que je ne méritais pas. Comment pouvait-il cautionner le fait que je passe une journée entière avec une humaine qui a un pouvoir si particulier sur moi, alors qu'il m'aurait été si aisé de lui faire du mal ?

    ----- - Rose, poursuivis-t-il, tu pourrais être plus compréhensive avec ton frère ! Tu vois de quoi je veux parler ?

    Sur ce, elle se leva de table, me fusilla du regard en pensant à toutes les injures qu'elle connaissait, et partit se réfugier dans le garage. Carlisle venait de lui remémorer le jour où elle avait sauvé Emmett, qui se faisait tuer par un ours. Mais malgré cela, elle refusait de comprendre ce qui pouvait retenir mon attention chez Bella.

    ----- - Tu sais gamin, même quand je fais l'effort d'essayer de te comprendre, j'ai beaucoup de mal ! Mais après tout, c'est toi qui sais ce qui est le mieux à faire. Fais tout de même attention.
    ----- - Bien sûr que je vais faire attention ! Pour qui me prends-tu ? Je sais me contrôler ! Arrêtez de croire le contraire !

    Et c'est moi qui venais de dire ça, alors que je n'étais absolument sûr de rien !

    ----- - Je te crois Edward, me dit Esmée. Je sais que tu es beaucoup attaché à cette jeune fille. Et que pour rien au monde tu ne voudrais lui faire de mal intentionnellement. Je te soutiens, tu ne te rends pas compte à quel point tu as changé grâce à elle, et rien que pour ça, je l'apprécie déjà beaucoup !
    ----- - Tu sais déjà ce que je pense de tout ça, je n'ai rien d'autre à ajouter. Je pense que tu fais une grosse erreur en t'impliquant dans la vie de cette fille. Mais peut-être que je me trompe. Si on se fie aux visions d'Alice, elle ne s'en tire pas trop mal.

    Évidemment, Jasper avait pris soin de ne pas dire ça devant Alice !

    Après ce tour de table, je n'avais qu'une envie : partir pour réfléchir au calme. Faire le point sur les évènements de ces derniers jours. Je ne me reconnaissais plus, que m'arrivait-il ?

    ----- - Alice, commençais-je, je te remercie pour ton soutien, Carlisle pour ta confiance sans faille et Esmée pour ta compassion. Emmett, quant à toi, merci de m'écouter m'apitoyer sur mon sort sans broncher !
    ----- - Quand tu veux mon frère !
    ----- - Pour ce qui est de passer la journée de samedi avec Bella, ma décision est prise. Alice, peux-tu me dire si c'est sans risque ?
    ----- - Je ne te vois pas en train de la tuer si c'est ce que tu veux savoir. Dit-elle en scrutant un avenir trop flou pour que j'y voie quelque chose.
    ----- - Merci. Pour ce qui est de l'avenir après cette journée, je ne peux rien dire pour l'instant. Tout dépendra des évènements.

    Les pensées de chacun se bousculaient dans ma tête comme dans un hall de gare. Les pensées étaient si différentes d'une personne à l'autre et en même temps, si semblables. Tous craignaient que cette journée se termine mal, mais tous n'avaient pas les mêmes raisons. Carlisle malgré sa foi en moi avait peur pour la fille Swann, Esmée avait peur que cette fille me détruise de l'intérieur, Alice se sentait mal de ne pas pouvoir voir l'avenir précisément tant il y avait encore de décisions à prendre, Rose craignait de devoir déménager encore une fois, Emmett craignait que je perde la raison, et Jazz avait peur que je prenne la mauvaise décision.

    Nous quittâmes alors la table pour retourner à nos occupations nocturnes.

    Je m'assis au piano et jouai la berceuse de Bella. Cette mélodie était si belle, je ne m'en lassais pas. Mes doigts volèrent au dessus des touches, et prirent la direction d'un nouveau couplet, qui complétait l'histoire de la jeune fille endormie, par une perspective d'avenir à deux. Tout cela n'était que rêveries, mais la mélodie n'en était que plus enivrante. Esmée se plaça derrière moi pour m'écouter jouer. Elle aimait me voir au piano.

    ----- - Oh...ta berceuse a évolué... c'est vraiment magnifique, ne t'arrête pas.

    Je ne répondis pas, et elle comprit que j'avais besoin de me retrouver seul pour le moment. Elle ne m'en voulut donc pas lorsque je sortis de la maison pour aller dans la forêt.

    A peine traversé la rivière d'un bond, je me mis à courir, le plus vite possible, afin d'échapper à mes sentiments que je n'arrivais pas à comprendre. Tout ce qui m'était arrivé depuis l'arrivée de Bella me dépassait complètement. J'avais l'impression de perdre le contrôle de mon esprit et de mon corps. Certes, je pouvais maîtriser mon corps de vampire face au délicieux et enivrant parfum de Bella, mais je ne pouvais pas maîtriser mon corps d'homme face à son charme. Pour la simple et bonne raison que je n'y avais jamais été préparé en plus de 100 ans d'existence !

    Je m'arrêtai enfin, dans une petite clairière, suffisamment éloignée de toute civilisation pour éviter de me laisser déconcentrer par quoi que ce soit et réfléchir en paix. J'aimais beaucoup cet endroit. C'est ici que je comptais emmener Bella samedi. J'étais sûr que l'endroit lui plairait. Du moins, je l'espérais, car je me trompais assez souvent pour anticiper ses réactions.

    Je m'allongeai dans l'herbe humide, un petit vent caressa mes cheveux. Tout ceci était si agréable que j'en oubliai presque l'objet de ma venue.

    Ma mémoire étant aussi précise qu'un film, je me repassai dans ma tête tous les moments passés avec Bella, essayant de trouver son secret. Pourquoi m'attire-t-elle à ce point ? Moi qui suis resté insensible au charme de dizaines de femmes ? Qu'est-ce qui avait changé ? Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ?

    Je restais ainsi immobile pendant de longues heures, à chercher des réponses que je ne trouverais sûrement pas ce soir. Je laissai alors ces questions sans réponse pour un autre jour. D'autres questions étaient également sans réponse depuis bien trop longtemps. Il fallait que je comprenne le but de cette vie sans fin.

    Pourquoi Carlisle m'a choisi moi ? Il y avait tant d'autres jeunes hommes en train de mourir de la même façon que moi. Et pourquoi ma mère a tant insisté pour qu'il me sauve ? Connaissait-elle l'avenir qui m'attendait en agissant ainsi ? Comment pouvait-elle savoir que Carlisle était un vampire ? Non c'était impossible ! Elle devait sûrement délirer à cause de la fièvre et elle était inconsciente que je me trouvais dans le même état qu'elle. Elle devait sûrement penser que je n'étais pas touché mortellement et qu'une guérison était possible. Et Carlisle a pris son délire pour une révélation. Il pensait qu'elle savait quel avenir j'allais avoir en s'adressant ainsi à un vampire. Mais elle l'ignorait !

    Dois-je en conclure que toute ma vie n'est qu'un mal entendu ? Et pourquoi l'immortalité me pèse à ce point ? Quand je vois le reste de ma famille qui vit dans le bonheur, je me sens vraiment à part. J'ai parfois l'impression d'être un étranger. Bien sûr ma mère et mon père font tout ce qu'ils peuvent pour que je me sente le mieux possible. Mais je vois bien qu'ils ne comprennent pas ma solitude. Je ne la comprends pas moi-même ! Esmée se demande s'il ne m'a pas manqué quelque chose à mon accomplissement, tandis que Carlisle a peur de m'avoir transformé trop jeune. Ils ont peut-être raison.

    En plus de cent ans, je n'ai jamais rien ressenti pour personne, à part de l'affection fraternelle.

    Les questions se bousculaient dans ma tête sans parvenir à trouver de réponses. Étais-je une cause perdue ? Et si c'était le cas, qui se battrait pour moi ? J'avais souvent entendu les humains dire dans des cas désespérés : « nulle cause n'est perdue tant qu'il y a encore un fou pour se battre pour elle » qui serait mon fou dans ce cas ?

    Soudain, mes pensées allaient de plus en plus vite, j'étais sur le point de comprendre quelque chose d'important, pourtant je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus... j'étais frustré au plus haut point de ne pas comprendre plus vite. Je fis alors le cheminement de mes interrogations à l'envers, et je compris enfin...Bella !

    C'était elle la clé. Une partie alors de mes questions trouvèrent enfin une réponse. Je mis alors en parallèle mes interrogations sur elle et celles sur moi-même. Le but de ma vie était en rapport avec elle, c'était évident. Sinon pourquoi serait-elle venue jusqu'ici alors que Forks est un condensé de tous ce qu'elle déteste ? Nos destins sont apparemment étroitement mêlés, mais je doute qu'ils se rejoignent un jour. Nos espèces étaient incompatibles. Pourtant elle seule a su toucher mon cœur, elle a su me faire voir l'existence autrement que comme un tunnel sans fin. Elle est la lumière qui manquait à ma vie. Ma mission, ou plutôt le but de ma vie, serait alors de la protéger jusqu'à sa mort. Je devrais veiller à son bonheur sans pour autant pouvoir le partager. Cette pensée me fit vraiment mal, mais je devais être réaliste. La vision d'Alice ne se réalisera jamais tant que j'existerais.

    Je continuai ainsi de faire le lien entre Bella et mes questions existentielles, lorsqu'un sentiment d'angoisse s'empara de moi. Je ne mis que quelques dixièmes de secondes pour comprendre. Le jour allait se lever dans 4h et je n'avais toujours pas été rendre une visite nocturne à Bella. Avait-elle déjà parlé ? Déjà rêvé ?

    Je me remis à courir en direction de Forks. Elle dormait paisiblement lorsque j'entrai par la fenêtre. Un grand sourire s'étira sur mes lèvres, et tout mon être se détendit à la vue de cet ange endormi. Je ne m'étais pas trompé, le but de mon existence était lié à elle. Mais dans quelles proportions ? Je n'arrivais pas à détacher mes yeux d'elle. J'aurais pu la contempler ainsi durant des heures, la regarder était si apaisant, que j'en oubliai bientôt toutes mes incertitudes de la nuit pour me souvenir uniquement de son doux visage entouré de cheveux ondulant sur l'oreiller.

    Je restai ainsi jusqu'au réveil de Charlie. Ma muse n'avait pas dit un mot, juste des murmures incompréhensibles, même pour une oreille sensible comme la mienne, mais qu'importe, le principal était de pouvoir la contempler, elle était si apaisante pour moi.

    Je dus m'arracher de ma contemplation pour aller chercher ma voiture et la laisser se préparer.

    Arrivé à la villa, Alice m'attendait. Elle voulait me demander quelque chose mais s'appliquait à me le cacher.

    ----- - Arrête de tricher ! Tu m'enlèves tout mon plaisir à tout savoir avant que j'aie eu le temps de l'annoncer ! Samedi sera une journée ensoleillée ! C'est bien ce que tu voulais non ?
    ----- - Oui, merci Alice. Tu voulais me dire autre chose ?
    ----- - N'oublie pas notre partie de chasse de cet après-midi !
    ----- - Ne t'inquiète pas, je sais que cela est nécessaire pour limiter les risques de demain. D'ailleurs, j'aurais dû aller chasser avant, c'est idiot de ma part d'exposer Bella à pareil danger.
    ----- - Ne t'en fais pas, tout va bien se passer. Pour aujourd'hui, je peux t'assurer qu'il ne lui arrivera rien !
    ----- - Merci sœurette ! À tout à l'heure alors !

    Je me garai ensuite à la place que Charlie venait de quitter. Je pouvais entendre Bella siffloter, je souris encore, mes tourments de cette nuit étaient bien loin à présent.

    Elle descendit les marches en toute hâte, elle se rua dehors et vint s'installer sur le siège à côté de moi. Lorsque je lui souris pour l'accueillir, son cœur cessa de battre. L'avais-je encore éblouie ? Le fait d'avoir ce pouvoir sur elle me plaisait, et d'une certaine manière rendait les choses un peu plus équitables. Nous étions éblouis l'un par l'autre. Son humeur joyeuse me gagna et balaya toutes mes pensées négatives au passage.

    ----- - Tu as bien Dormi ? Demandai-je
    ----- - Comme un loir. Et toi, ta nuit ?

    Son haleine vint me chatouiller la gorge, je ressentis la brûlure habituelle, cependant, j'avais fait l'erreur de ne pas aller chasser plus tôt... comme aujourd'hui était encore ma journée de questions, j'inspirai profondément, mes muscles réagirent immédiatement, mais je pouvais garder le contrôle... c'est ce que je voulais vérifier. Alice avait raison, aujourd'hui (ou plutôt, ce matin seulement) il n'arriverait rien à Bella.

    ----- - Agréable, rigolai-je. Si on peut qualifier d'agréable le fait de se morfondre toute une nuit. Mais la seule image qui me revenait en mémoire était celle de Bella, paisiblement endormie. Oui, c'était agréable.
    ----- - Ai-je le droit de te demander à quoi tu l'as consacrée ? demanda-t-elle avec des yeux curieux.
    ----- - Non, m'esclaffai-je. Aujourd'hui est encore mon jour.

    Aujourd'hui mes questions étaient plutôt ciblées sur les personnes qui ont fait partie de la vie de Bella. Je choisis de commencer par les personnes les plus proches d'elle, c'est-à-dire Renée. Je voulais tout connaître, ses passions, les activités qu'elles faisaient ensemble, les choses qu'elles aimaient toutes les deux. Je m'intéressai ensuite à ses grands-parents. Elle m'apprit qu'elle n'avait connu qu'une seule de ses grand-mères. Je trouvais ça triste, c'est tellement intéressant de connaître ses ancêtres, pouvoir savoir d'où l'on vient. Pour moi, c'était presque vital, mais j'avais également l'éternité pour ça !

    La matinée passa à un rythme hallucinant, je retrouvai Bella à la cafétéria à l'heure du déjeuner, une petite routine s'était installée entre nous sans que je m'en aperçoive. Nous avions même notre table ! J'en profitai pour continuer mon flot de questions.

    Après la famille, je passai ensuite aux amis d'école. A ma grande surprise, ils n'étaient pas nombreux. Je tombai alors de haut lorsque mes questions portèrent sur les garçons avec lesquels elle était sortie et qu'elle m'apprit qu'elle n'avait eu aucune aventure. Je vis que je l'embarrassais avec ce sujet, lorsque ses joues se parèrent d'un rose ravissant. A son âge, toutes les jeunes filles ont déjà eu un petit-ami. Mais n'étais-je pas le mieux placé pour comprendre le désert de sa vie sentimentale ?

    ----- - Personne ne t'a jamais attirée ? insistai-je tout de même avec gravité. Des fois qu'elle aurait voulu me cacher quelque chose. Je voulais qu'elle ait confiance en moi, et qu'elle n'hésite pas à me faire des confidences.
    ----- - Pas à Phœnix, reconnu-t-elle à contrecœur.

    Alors, si ce n'était pas à Phœnix, c'était ici, et bien sûr c'était moi ! Cette fille était vraiment un aimant à problèmes. Il fallait que le seul garçon dont elle tombe amoureuse soit un vampire. Dans d'autres circonstances, j'aurais sûrement ri à tant d'ironie, mais là, la situation était trop dangereuse.

    Et, le rose de ses joues signifiait deux choses pour moi. D'une, je la mettais mal à l'aise, et je détestais ça. Et de deux, elle devenait vraiment appétissante pour un vampire qui n'avait pas chassé depuis trop longtemps... cette pensée me rendait malade... pour toutes ces raisons, je fis tourner court ce sujet.

    Elle profita de mon silence pour mordre dans son beignet avec appétit.

    ----- - N'oublie pas notre partie de chasse Edward ! Me prévint silencieusement Alice.

    La partie de chasse ! J'avais failli l'oublier. Bella me fascinait tellement que j'en oubliais le reste. Et comment allait-elle rentrer ce soir ? Je ne serai pas là pour la raccompagner.

    ----- - Nous aurions dû prendre ta voiture, annonçai-je.
    ----- - Pourquoi ? demanda-t-elle surprise.
    ----- - Je pars avec Alice après le déjeuner.
    ----- - Oh, murmura-t-elle visiblement déçue. Ce n'est pas grave, je rentrerai à pied.
    ----- - C'est exclu ! Me vexai-je, jamais je ne l'aurais laissée faire tant de route seule et à pied, j'étais un gentleman ! Nous irons chercher ta camionnette et la laisserons sur le parking.
    ----- - Je n'ai pas les clés sur moi. Je t'assure, ça m'est égal de marcher.

    Pensait-elle réellement qu'une simple clé pouvait m'arrêter ? Elle aurait sa voiture, ce ne serait pas la première fois que j'explorerais sa maison, j'en connaissais quelques recoins, et j'aivais un odorat infaillible, (ne l'oublions pas). Alors si avec tous ces atouts je ne suis pas capable de mettre la main sur ses clés, ce serait un comble !

    ----- - Ta voiture sera là, et la clé sur le contact. A moins que tu craignes qu'on te la vole, plaisantai-je. Rien que l'idée de me voir en train de voler son antiquité, alors qu'une Aston Martin Vanquish m'attendait au garage, je ne pus retenir un sourire.
    ----- - D'accord, accepta-t-elle en pinçant les lèvres.

    Me mettait-elle au défi de trouver ses clés et de lui apporter sa voiture ? Si c'était le cas, ça serait vraiment un jeu d'enfant !

    ----- - Où allez-vous ? me demanda-t-elle ensuite pour changer de sujet. Elle devait être sûre que je ne trouverais jamais ses clés. Elle me le demanda sur le ton de la conversation comme si la réponse ne l'intéressait guère, mais ses yeux curieux la trahissaient.
    ----- - Chasser, lui répondis-je le plus honnêtement possible. Si je dois passer une journée seul avec toi, je préfère prendre un maximum de précautions.

    Elle devait connaître le risque qu'elle encourait en désirant ma compagnie.

    ----- - Tu peux toujours annuler, tu sais... murmurai-je. J'aurais voulu qu'elle me réponde qu'il serait plus raisonnable de ne pas sortir seuls toute une journée, qu'elle me dise qu'elle avait peur, que j'avais eu raison de la mettre en garde, et qu'il était préférable qu'elle suive mes conseils pour une fois. Mais une autre partie de moi redoutait qu'elle prononce ces mots, ils auraient été tellement douloureux. Et il fallait que ce soit elle qui les prononce, car j'en étais incapable.
    ----- - Non, refusa-t-elle aussitôt. J'en suis incapable.
    ----- - Malheureusement, c'est sans doute vrai.

    Nous étions incapables de nous détacher l'un de l'autre. Je n'arrivais toujours pas à comprendre ce phénomène d'ailleurs. Ce qui était sûr par contre, c'est que sa réponse était tout sauf une bonne nouvelle, hormis le fait que je jubilais qu'elle désire ma compagnie, je prenais conscience de ce que cela signifiait pour nous.

    ----- - A qu'elle heure seras-tu là, demain ? S'enquit-elle.
    ----- - Tout dépend... c'est samedi, tu ne veux pas faire la grasse matinée ? Après tout, elle était humaine, et comme tous les humains, elle appréciait sans doute de dormir plus tard le week-end. Mais étant donné qu'elle ne faisait rien comme les humains ordinaires, une fois encore je me trompais peut-être.
    ----- - Non. Son empressement pour me contredire me fit rire.
    ----- - Comme d'habitude, alors. Charlie sera là ?
    ----- - Non, il part à la pêche.

    Ainsi, personne ne l'attendrait chez elle. Je n'aimais pas cette perspective.

    ----- - Et si tu ne reviens pas, lançai-je sèchement, que va-t-il penser ?
    ----- - Aucune idée. Il sait que j'avais projeté des lessives. Il se dira que je suis tombée dans le lave-linge.

    Sa plaisanterie eu pour seul résultat de me mettre colère. Comment pouvait-elle prendre à la légère quelque chose d'aussi grave ! Je venais de lui suggérer que je pouvais la tuer à loisir sans témoin, et elle me riait au nez.

    Elle me rendit mon regard noir, mais le sien n'était rien comparé au mien. Ce qui eut au moins pour effet de lui montrer que je ne plaisantais pas.

    ----- - Que chasserez-vous, ce soir ? S'intéressa-t-elle, comme s'il s'agissait d'une chose anodine. J'avais vraiment beaucoup de mal à déchiffrer sa logique !
    ----- - Ce que nous trouverons dans le Parc régional. Nous n'avons pas l'intention d'aller très loin. Répondis-je un peu perplexe.
    ----- - Pourquoi y vas-tu avec Alice ?
    ----- - Elle est celle qui... me soutient le plus, avouai-je tristement. J'aurai préféré qu'elle ne me pose pas la question, mais je ne voulais pas lui mentir. Il s'agissait de ma famille, et j'aurais préféré qu'ils soient plus tolérants avec elle.
    ----- - Et les autres ? Comment réagissent-ils ?
    ----- - Avec scepticisme, pour la plupart, nuançai-je, pour ne pas dire avec colère ! Inutile de lui dire que la majorité de mes frères et sœurs me prenait pour un fou, incapable de ramener Bella chez elle saine et sauve.

    Je la vis inspecter brièvement mes frères et sœurs, assis à leur place habituelle.

    ----- - Ils ne m'aiment pas, affirma-t-elle.
    ----- - Ce n'est pas ça, objectai-je, essayant malgré tout de les défendre. Ils ne comprennent pas pourquoi je ne te fiche pas la paix.
    ----- - Ça alors, moi non plus, figure toi !

    Je secouai la tête, exaspéré. Pourquoi avait-elle toujours une opinion si négative d'elle-même et surtout si fausse ?

    ----- - Je te l'ai déjà dit, tu n'as aucune conscience de qui tu es. Tu ne ressembles à personne. Tu me fascines.

    Elle me lança un regard désapprobateur, mais si peu crédible, je ne pus m'empêcher de rire.

    ----- - Avec mes talents... particuliers, murmurai-je en effleurant discrètement mon front, j'ai une capacité hors du commun à saisir la nature humaine. Les gens sont prévisibles. Mais toi... tes réactions sont déconcertantes. Tu m'intrigues. Ce n'est qu'une partie du problème, la plus facile à expliquer. Il y en a une autre cependant... pas aussi aisée à décrire...

    Soudain j'entendis les vociférations de Rosalie hurler dans ma tête. Elle m'en donna presque la migraine !

    ----- - Il est encore avec elle ! Mais qu'est-ce qu'il lui trouve à la fin ? Edward, tu n'es qu'un imbécile égoïste ! Je te préviens, je refuse de quitter cette ville et de tout recommencer à zéro juste parce que tu n'auras pas su te maîtriser demain ! Après tout vous serez seul et sans témoin, donc ce ne sera pas la peine de déménager ! Et qu'est-ce qu'elle a à me fixer comme ça ?

    Sa tirade continua en un flot d'injures envers Bella. Je la fis taire d'un grognement étouffé que seules des oreilles de vampire étaient capables d'entendre, à l'exception de Bella qui se trouvait trop près de moi. Je tournai ensuite les yeux vers elle. Elle était terrorisée par Rose, et complètement déboussolée par le regard qu'elle lui avait lancé ! Il va falloir qu'on ait une petite discussion.

    ----- - Désolé, m'excusai-je pour ma sœur, même si elle ne le méritait pas. J'avais du mal à maîtriser ma colère, et en plus je devais lui trouver une raison valable d'agir ainsi ! Elle est inquiète, continuai-je, rien de plus... c'est que... ce ne serait pas dangereux uniquement pour moi si, après m'avoir fréquenté de façon aussi ostensible, tu... je n'arriverais jamais à prononcer ces mots...
    ----- - Je ? Insista-t-elle
    ----- - Les choses se terminaient... mal.

    Je cachai mon visage, je ne voulais pas l'effrayer avec mes expressions qui devaient être celles d'un homme torturé, par l'image de celle qu'il aime, tuée par lui. Le mélodrame de l'amour impossible se jouait alors dans ma tête, le tout ponctué par les visions embrumées d'Alice.

    ----- - Ne crains rien Edward, je ne te laisserai jamais lui faire de mal. Jasper a senti ton angoisse, mais je peux t'assurer que tout va bien se passer demain. Et surtout n'écoute pas Rose, elle ne comprend pas et elle a peur que tu commettes quelque chose de dangereux pour nous. Pensa-t-elle à mon attention.

    Je ne savais pas comment interpréter ce qu'elle venait de penser. D'un côté elle disait que je ne lui ferais aucun mal, et d'un autre, qu'elle protègerait Bella de moi, si je venais à perdre le contrôle. L'avenir était trop flou pour qu'elle me voie précisément. Je devais prendre des décisions. Je sentais qu'elle me cachait encore quelque chose.

    ----- - Tu dois absolument partir maintenant ? demanda-t-elle le plus naturellement possible, mais elle ne parvenait pas à dissimuler sa frustration.
    ----- - Oui...
    ----- - Ressaisis toi Edward, me coupa Alice, nous devons partir maintenant. Je sais que tu souffres de ta soif et je te rappelle qu'il reste encore un quart d'heure de ce film en Biologie. Tu ne le supporterais pas.
    ----- - ...C'est mieux ainsi, continuai-je. Il reste encore un quart d'heure de ce maudit film à visionner en biologie, et je ne crois pas que j'arriverai à le supporter.

    Rien que d'y penser, j'eus des frissons tout le long du dos, et le dos de ma main me picotait à nouveau, tandis que la brûlure de ma gorge s'intensifiait.

    ----- - Présente-moi, s'il te plaît. Pensa Alice, qui était déjà arrivée derrière moi.

    Bella sursauta, elle ne l'avait pas vue venir.

    ----- - Alice, la saluai-je.
    ----- - Edward. Allez, ne te fais pas prier, présente-moi. Tu me dois bien ça ! Je suis la seule à te soutenir je te signale !
    ----- - Alice, Bella ; Bella, Alice, les présentai-je finalement. Elle avait vraiment le don de marchander à son avantage.
    ----- - Salut ! Ravie de te rencontrer enfin, dit-elle à Bella. Merci Edward, je sens que bientôt nous serons inséparables.

    J'aurais voulu lui répondre de ne pas trop s'emballer, mais Bella aurait intercepté le moindre souffle sortant de ma bouche, et je ne voulais pas qu'elle pense que je lui cachais quelque chose.

    ----- - Bonjour, murmura Bella, intimidée par ma sœur.
    ----- - Tu es prêt ? me lança Alice. Nous devons partir avant la reprise des cours.
    ----- - Presque. Je te retrouve à la voiture, dis-je sans quitter Bella des yeux. Je voulais m'assurer avant de partir, qu'il ne lui arrivera rien en mon absence.

    Alice s'éloigna, impatiente de commencer la chasse, elle souffrait cependant beaucoup moins que moi de la soif, et le fumet de chevreuil était écœurant comparé à celui qui me brûlait la gorge.

    ----- - Aurais-je dû lui souhaiter de bien s'amuser ou ça aurait été déplacé ? S'enquit-elle.
    ----- - Non, ça aurait convenu, rigolai-je.
    ----- - Amuse-toi bien, alors, me dit-elle, feignant l'entrain. Elle était vraiment mauvaise comédienne. Elle devait aussi souffrir de l'éloignement, mais ce n'était rien comparé à moi ! Mais étant donné mon manque de sang, une partie de chasse était le remède idéal pour me changer les idées. Et demain je passerai la journée avec elle. Ce qui rendit encore plus acceptable mon activité de cet après midi.
    ----- - J'y compte bien. Quant à toi, tâche de rester en vie.
    ----- - A Forks ? Quel défi ! Se moqua-t-elle.
    ----- - Pour toi, c'en est un, dis-je le plus sérieusement possible. Je voulais pouvoir chasser l'esprit en paix. Et chanceuse comme elle était, je ne voulais prendre aucun risque. Elle en prendrait suffisamment le lendemain sans avoir besoin d'en rajouter aujourd'hui ! Promets !
    ----- - Je promets de rester en vie, ânonna-t-elle. Je m'occuperai de la lessive ce soir, voilà qui ne devrait pas être trop dangereux.
    ----- - Ne tombe pas dedans, raillai-je.
    ----- - Je ferai mon possible.

    Nous nous levâmes

    ----- - A demain, soupira-t-elle d'un air désespéré.
    ----- - Ça te semble si loin que ça ? Plaisantai-je. Je ne pouvais pas concevoir que ce soit plus pénible pour elle que pour moi.

    Pour toute réponse, elle hocha la tête d'un air lugubre.

    ----- - Je serai là à l'heure, jurai-je en lui souriant. J'y serais même avant !

    Je ne pouvais pas me permettre de lui déposer un baiser sur le front en guise d'au revoir. J'aurais tellement voulu pourtant. Je devais lutter contre mon envie presque instinctive de me pencher vers elle pour lui déposer un délicat baiser sur son front si doux et si fragile. Je me contentai alors d'effleurer sa joue. Son contact était tellement agréable. Tellement plaisant. Trop plaisant. La brûlure de ma gorge s'intensifia. Je devais partir à présent, avant de me laisser emporter par mes instincts destructeurs.

    Alice m'attendait dans la voiture, immobile, les yeux perdus dans le futur proche qu'elle scrutait. Je reconnus la clairière où j'avais l'intention d'emmener Bella le lendemain. J'avais toujours la sensation qu'elle me cachait quelque chose, mais elle s'appliquait trop pour que je puisse voir ce que c'était.

    ----- - Que me caches-tu ? C'est à propos de Bella ? De demain ?
    ----- - Sois patient s'il te plaît, je ne suis sûre de rien pour le moment, je t'en parlerai tout à l'heure. Et arrête de m'espionner !!
    ----- - Très bien. Je vais essayer. Mais tu sais que je déteste quand tu fais ça !

    Je ne voulais rien laisser paraître, mais en réalité, j'étais terrifié. Qu'avait-elle vu qui l'inquiétait ? Je me rappelai ensuite ce qu'elle avait dit la nuit dernière. Des décisions restaient à prendre, notre relation devait prendre une direction. Elle ne pouvait pas rester ainsi, instable et dangereuse pour tout le monde. JE devais prendre une décision.

    Je m'arrêtai à côté de la camionnette de Bella, cette fois je n'entrerai pas par effraction. Toutes les maisons américaines avaient une cachette secrète pour la clé de la porte d'entrée. Celle-ci ne faisait sûrement pas exception. En effet, Alice ne mit pas longtemps à la trouver. J'entrai, ma sœur sur les talons. Alice s'occuperait du rez-de-chaussée, et moi de l'étage. Je pénétrai d'abord dans sa chambre, et utilisai mon odorat. Rien. La dernière fois que j'avais vu Bella avec sa camionnette, elle portait un jean. Je me dirigeai alors dans la salle de bain, et là, je ne mis qu'une seconde pour prendre la clé qui était dans la poche du fameux jean !

    Je rejoignis Alice et lui confiai les clés. Dans la cuisine, je rédigeai un petit mot à l'attention de Bella, pour qu'elle pense à moi, et qu'elle soit prudente. C'était certes un geste égoïste de ma part, mais je ne pouvais m'en empêcher.

    ----- - Pourras-tu déposer ceci sur le siège conducteur en laissant les clés sur le contact ?
    ----- - Bien sûr, ne t'inquiète pas, je sais ce que j'ai à faire. On fait la course ? dit-elle d'un ton espiègle.


    Arrivé à la maison, Alice avait déjà franchit la rivière. Elle m'avait devancé malgré le fait qu'elle conduise l'antique Chevrolet de Bella. Elle était vraiment pressée. Mais qu'elle était sa priorité, me dire ce qu'elle avait vu ou chasser ? Je la suivis, et la rattrapai rapidement. Elle me cachait toujours ses pensées. J'en profitai donc pour essayer de prendre la fameuse décision manquante.

    A vrai dire, je n'avais aucune idée de la façon dont se passerait la journée de demain. La meilleure chose à faire serait de montrer à Bella ma vraie nature. Elle devait me voir tel que j'étais réellement, un vampire, un monstre. Ensuite, ce serait à elle de faire son choix...

    ----- - NON !!!

    Alice venait de pousser un cri de douleur qui la stoppa net dans sa course. Et étant donné que je lui avais dit que je ne l'espionnerais pas, je n'avais pas vu ce qui l'avait effrayé à ce point, mais ce dont j'étais sûr, c'est que ça provenait de sa vision.

    ----- - Je t'en prie Alice, dis-moi ! Dis-je désespérément.
    ----- - Edward, c'est horrible, je... j'ai vu... hoqueta-t-elle
    ----- - Alice, la suppliai-je.
    ----- - Je t'ai vu avec Bella, demain, dans la clairière...
    ----- - Jusque là, tout est normal, mais ce n'est pas ça qui t'a tant effrayé.
    ----- - Edward, promets-moi de faire attention.
    ----- - Alice, la pressai-je.
    ----- - Je t'ai vu tuer Bella !

    A cet instant, j'eus l'impression que la terre s'était arrêtée de tourner. Je ne voyais plus rien, n'entendais plus rien, ne ressentais plus rien. Tout mon être était anesthésié par la douleur qui venait de me transpercer. Comment Alice pouvait-elle m'avoir vu tuer Bella alors que je n'avais pris aucune décision. Sauf celle de me montrer à Bella tel que j'étais. Je voulais qu'elle voie ma vraie nature. C'était le seul moyen pour que notre relation prenne une direction. A cet instant, la véracité de la prédiction d'Alice me frappa une nouvelle fois. Encore plus douloureuse, car je m'apercevais qu'en voulant me montrer honnête, je planifiais le meurtre de ma muse. Je me dégoutais moi-même.

    ----- - Je n'irais nulle part demain, dis-je d'une voix que je ne reconnus pas.
    ----- - Oh que si, tu iras dans cette clairière ! La décision que tu as prise ne conduit pas nécessairement à ma vision. Je te rappelle qu'elles sont changeantes selon les choix que nous faisons.
    ----- - Mon choix est fait et je ne peux en changer. Je dois montrer à Bella ma vraie nature. C'est essentiel. L'image qu'elle se fait de moi est complètement fausse. Il faut que je lui montre que les vampires ne sont pas des anges.
    ----- - Je suis d'accord avec toi, Edward. Il faut que tu te comportes naturellement avec elle. Cependant, je t'en prie. Fais attention... je l'aime tu sais.
    ----- - Je sais que tu tiens à elle, mais n'exagère pas. Tu ne l'aimes pas comme je l'aime. Et qu'as-tu en tête ? Je ne peux pas passer la journée avec elle alors que tu me vois la tuer !
    ----- - Ma vision se basait sur le moment présent pour interpréter l'avenir. Tu viens de prendre une décision et tu es dans un état critique pour un vampire. Tu es vraiment en manque de sang. Si tu étais resté en cours avec Bella cet après-midi, je ne te garantis pas qu'elle s'en serait sortie indemne ainsi que toi d'ailleurs. Mais demain, quand tu serais seul avec elle, tu auras fait le plein d'hémoglobine, ce qui changera la donne. Mais ça, je ne peux pas le prévoir pour le moment. Comme je te l'ai déjà dit, mes visions changent, et en ce qui vous concerne, j'ai l'impression de tout le temps voir flou !

    Je voyais bien qu'elle essayait de me rassurer comme elle le pouvait, mais rien n'y fit. Et la meilleure chose à faire était de mettre tout de côté pour le moment. Ma gorge me brûlait horriblement et mes instincts étaient à l'affût d'un Puma qui se trouvait 500 mètres plus à l'est. Quant à Alice, elle suivit la trace d'un troupeau de biche. Elle commença par le cerf qui était en chef de file.

    Dans le parc national, nous pûmes trouver nos mets préférés. Après quelques pumas et un petit troupeau de biches et chevreuils, nous fûmes rassasiés. J'avais l'impression d'être gorgé de sang au maximum, à tel point, que j'en étais presque écœuré. Mais au moins maintenant j'avais l'esprit plus clair. Je n'étais plus esclave de ma soif. Alice avait également l'air plus sereine. Elle eu encore une vision. Moi dans la clairière, caché à l'ombre des arbres, le regard noir, et Bella dans les rayons du soleil, me regardant avec ses yeux curieux. Elle ne semblait pas effrayée, elle m'attendait.

    ----- - C'est demain que tu devras prendre une décision Edward. Me dit Alice. Tu devras choisir entre elle vivante ou elle morte.
    ----- - Comment peux-tu me demander un choix pareil ? C'est de la torture ! Et mon choix est fait d'avance : elle restera en vie ! Dis-je d'un ton catégorique.
    ----- - Nous verrons ça demain mon cher. Mais je t'en supplie, fais attention, n'oublie pas qui tu es !

    J'avais vraiment du mal à suivre son raisonnement. Je tremblais presque à l'idée que demain pourrait être fatal à Bella. Je ne voyais pas comment cette fameuse décision ne pouvait être prise que demain.

    Je me repassais la vision d'Alice dans la tête, la posture que j'adoptais dans la clairière me faisait presque peur à moi-même. Qu'avait fait ou dit Bella pour me mettre dans un état pareil ?

    Alice quant à elle, continuait de scruter l'avenir, mais ne trouva rien d'autre qui aurait pu m'aider.

    Nous restâmes dans le parc un moment, à analyser les possibilités de l'avenir proche. Alice avait confiance en ses visions, et j'aurais aimé pouvoir dire la même chose.

    De retour à la villa, je voulais éviter de passer par le salon où Rose passait en revue toutes les chaînes du câble. Je ne supporterais pas une nouvelle dispute avec elle dans mon état de nerfs. Mais à mon grand étonnement, Rosalie n'était pas d'humeur hostile ce soir. Ses pensées étaient toutes focalisées sur la télévision.

    ----- - Elle m'a promis de ne plus te harceler jusqu'à demain, pensa Emmett.
    ----- - Merci, lui soufflai-je.

    Les pensées de Rose me laissaient cependant entrevoir qu'il y avait un pari dans l'air. Je préférais partir en courant plutôt que de laisser exploser ma colère. C'est sur la vie de Bella qu'elle pariait !

    C'est uniquement lorsque j'atteignis la maison de Bella que je ralentis mon allure. Cette fois je ne savais pas si j'allais franchir sa fenêtre. J'étais conscient plus que jamais des risques que je lui faisais prendre. Et mes craintes avaient redoublé face aux révélations d'Alice. La journée de demain serait vraiment un tournant pour nous deux.

    Je faisais les cents pas sous sa fenêtre, indécis. Tout ce que je désirais, c'était de la voir dormir. Je le faisais toutes les nuits, et je ne lui avais jamais rien fait de mal, je n'avais jamais fait quelque chose qui aurait pu la mettre en danger. J'avais toujours su respecter une distance avec elle lorsque je venais en douce. Non, je ne devais pas faire d'erreur. Je me contentai alors de tendre l'oreille, pour essayer tout de même d'entendre ses merveilleux murmures. Mais hélas, je n'entendais rien d'autre que sa respiration calme et régulière. Elle dormait profondément.

    C'est alors, que face à cette situation qui me semblait sans risque, je me glissai par la fenêtre. Je pris ma place habituelle, et la contemplai ainsi jusqu'au moment où il était temps pour moi de la laisser se réveiller.

    A la villa, rien n'avait bougé. Rose était toujours devant la télévision avec Emmett, cependant, ils ne la regardaient plus. Ils se contemplaient l'un l'autre, dans un silence gênant pour moi. Je montai vite dans ma chambre, pour leur laisser leur intimité. Je les enviais. J'aurais aimé passer la nuit à regarder Bella dans les yeux, et non plus clandestinement. Pour les oubliés, je mis un CD de Debussy, et j'écoutai ma chanson préférée. Au milieu du morceau, cependant, je n'étais pas satisfait, une autre musique se jouait dans ma tête. La berceuse.

    Je profitai qu'Emmett et Rose aient gagné leur chambre, pour m'installer au piano.


     

    Oriane Cléry

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