• Bella Swan, the vampire's girl

    13 septembre 1988 (as a human)

    10 septembre 2009 (as a vampire)

     

     

    Bella is THE teenager that we want to be: in one day the every boys try to have her as a girlfriend, she has a very very very good friend,she meet too the perfect love in two weeks (who's the most beautiful boy in the High School). She's very beautiful and clever even if she attracts troubles. So, don't ask more questions, we all want to be like her !!!

     

    Warning SPOILER

     

     

    Isabella Marie Swan, was born 13 september 1988 in Forks, small town in the state of Washington, a very rainy town. Her mother, Renée, has left her father, Charlie (who will never really recover from this separation) with the little baby that she was...

    In the novel, Bella would have long brown hair, a ivory skin and translucent...

    But this young girl, who has 17 years, went into exile in her personal hell, her home town, leaving her mother with her new husband, Phil, who's a proffesional baseball player (okay, the Cullen play better but...) in his lots of travels !

    In Forks, where the hapiness is impossible, she's fall in love with her Red Chevrolet, which is a present from her father... But not just with it, she doesn't know that...

    That played tomorrow, when she arrives in her new Highschool, that Bella discorvers the brotherhood : the Cullens. Bella falls immediately in love with the younng Edward and his bronze hair, and with the profile of the god Appollon.

    But Bella don't understand : in the biology hour, he seemed etrangely tense and he killed her whith the gaze... Additionnally, his eyes chhange colors : they are going from gold to black, and after from black to gold...

    At the end of an investigation, helped by the Quileute's legends, Bella discovers that the beautiful Cullens (in apparence) are vampires... But when she accepts to look the true, it's too late : the girl is already under the influence of the beauty of Edward (and of  his all quality).

    After have risk their lifes, Edward having gone to left Bella because he thinks he is too dangerous for her, they marry.

    After the marriage, Edward and Bella go on the Esme's isle, for their honeymoon. And so Bella becomes pregnant. It is close to death, but Bella becomes a vampire ! She has got a girl : Renesmee. And Bella's best friend (or second lover...) Jacob permeates her daughter. 

     

    The Cullens meet the Volturi, the royal vampires familly, because the 3 brothers want kill them because they become too many. Bella learns to use her physic shield if the chatting turn on a battle. But the Volturis go back and so Edward, Bella and Jacob too forever to take care of Renesmee.

     

    FOREVER


    votre commentaire
  • ATTENTION !!! Stephenie Meyer n'est pas l'auteur de se chapitre !! il a été inventé par une personne qui ne fait pas partie de l'equipe de rédaction,voici son blog: http://midnightsunsuite.skyrock.com

     

    Cette nuit là me parut très longue. Je voulais faire ce que je faisais toutes les nuits. Voir Bella dans son sommeil, la regarder dormir était si apaisant pour moi. Mais je redoutais d'être encore confronté à ce courant électrique qu'il y avait eu entre nous. Je pouvais encore le sentir. Si intense, si dévastateur pour ma volonté.

    Je me bornais à trouver des distractions pour résister, pour ne pas faire d'erreur. J'essayais d'imaginer les questions que je lui poserai demain, les réponses qu'elle pourrait me donner, ou plutôt que j'allais lui arracher. Bella en dévoilait tellement peu sur elle-même, que j'allais sûrement devoir la questionner sur la moindre petite chose pour connaître enfin ses secrets. Je voulais gagner sa confiance afin qu'elle se confie à moi.

    Ma rêverie m'entraîna sur le chemin interdit des projets. Je m'imaginais seul avec Bella. Je n'avais plus les yeux dorés, mais vert, leur couleur naturelle de ma vie d'avant. Ce serait tellement plus simple ainsi, si je n'étais pas un vampire. Je pourrais enfin la toucher sans avoir peur de la blesser ou de la tuer à chaque seconde. Je secouais la tête pour chasser ces pensées qui me faisaient souffrir inutilement. Je souffrais déjà assez de ne pas pouvoir être avec elle comme je le souhaitais... inutile d'en rajouter.

    Mes tentatives de distraction avaient été vaines. Il fallait que je voie Bella, maintenant. C'était un besoin vital pour ma santé mentale seulement, étant donné que c'était la seule chose qui me restait. Cette décision m'emplit de joie, ce qui anéantit toutes mes résolutions de ne pas commettre d'erreur.

    Au moment où j'essayai de remettre de l'ordre dans mes idées, de poser des limites fermes quand je serai près de Bella endormie, Alice m'interrompit.

    ----- - Tu vas la rejoindre n'est-ce pas ?
    ----- - Oui.
    ----- - Tu ne veux toujours pas que je lui parle ? Ça ne fait rien, continua-t-elle avant même que j'aie pu répondre, ce n'est plus qu'une question de temps maintenant.

    J'ignorai ses pensées et me focalisai sur les miennes, je préférais ne pas penser au moment où Alice et Bella seraient de grandes amies, comme le prédisaient les visions d'Alice.

    Je courus jusqu'à la maison de Bella, passai rapidement et sans bruit par sa fenêtre. J'allais m'installer comme à mon habitude dans le rocking-chair, ma peau recommença à me picoter.

    Bella était très agitée dans son sommeil, je ne l'avais jamais tant vu bouger en dormant. J'espérais que ce ne soit pas des cauchemars où je serais le méchant. Après tout, son subconscient pouvait peut-être avoir réellement saisi le danger que je représentais, et qu'elle refusait de voir. Elle murmura alors mon prénom avec tellement de tendresse que je n'avais plus de doute sur l'objet de ses rêves. Elle rêvait de moi, non pas comme le méchant de l'histoire, mais comme le prince charmant. Cela me fit rire malgré moi. C'était tellement ironique. Je n'avais rien d'un prince charmant, mais c'était plutôt flatteur.

    Ses doux murmures reprirent, cette fois plus explicites :

    ----- hm mm mon Apollon. Mmm Edward, je t'aime. Non, ne t'en va pas ! sa main tendue vers son rêve

    Elle m'aimait ! J'avais du mal à en croire mes oreilles, comment pouvait-elle objectivement tomber amoureuse de moi ? Cette fois encore, le bonheur me submergea avec une force que je n'avais pas prévu. Mes pieds se dirigeaient toustseuls vers son lit, je mourrais d'envie de la serrer contre moi, de répondre à son appel. Non, pas d'erreur. Je me l'étais promis. Il était hors de question que je la réveille.

    Soudain, comme pour répondre à ma bataille intérieure, elle ouvrit les yeux. Je me figeai. Bien sûr dans la pénombre de sa chambre, il était impossible qu'elle me voie. Cependant, il fallait que je me glisse hors de sa vue, juste au cas où. Elle m'offrit alors la seconde que j'attendais, elle détourna les yeux pour allumer sa lampe. Une fois dehors, l'atmosphère était différente, je le remarquais seulement maintenant : j'avais ressenti la même tension, la même électricité, le même désir, que lors du cours de science nat.

    Que pouvais-je conclure de cette constatation ? Bella et moi étions-nous attirés tel des aimants ? Comment pouvais-je lutter contre cette attraction si forte ? Cela me donnait une excuse supplémentaire pour retourner dans sa chambre dès qu'elle eut éteint la lumière. Mais la magie avait été rompue, elle dormit enfin sereinement le reste de la nuit. Peut-être avait-elle senti ma présence ? Cette seule pensée me combla de joie.

    Alors que je m'apprêtais à partir, ses lèvres remuèrent une dernière fois.

    -----  C'est trop vert !

    Je ne pus retenir un éclat de rire qui se perdit dans la nuit, tandis que je me dirigeais vers la fenêtre ouverte. Heureusement, je n'avais pas ri assez fort pour la réveiller une seconde fois. Elle dormait paisiblement et profondément. Je pouvais partir l'esprit tranquille.

    Avant que le jour ne se lève complètement, je retournai chez moi, pour me changer et prendre ma voiture afin d'accompagner Bella au lycée. Hors de question qu'elle échappe à mon interrogatoire !

    Je me garai devant chez elle et attendis dans ma voiture, je voulais lui laisser le choix. C'était à elle de choisir ma compagnie, même si j'étais sûr de ce qu'elle choisirait. Je l'entendais déjà dévaler l'escalier et la vis se précipiter dehors. Elle approcha d'un pas hésitant, puis ouvrit la portière et s'installa à côté de moi. De nouveau un sentiment de plénitude me submergea.

    -----  Bonjour, lui dis-je, comment vas-tu aujourd'hui ? Je constatai sur son visage les traces de sa nuit agitée.
    -----  Bien, merci, dit-elle comme si de rien n'était.
    -----  Tu parais fatiguée, pourtant, lançai-je finalement. Entre amis, on pouvait remarquer les cernes de l'autre, c'était normal. "Amis", ce terme ne me convenait décidément pas !
    -----  Je n'ai pas dormi, avoua-t-elle.

    Ça, je le savais déjà, c'était la cause que je voulais connaître. Mais si je le lui avais demandé directement, elle aurait deviné que je lui cachais quelque chose.

    Elle mit sa main dans ses cheveux, ce qui amplifia sa délicieuse odeur. J'arrivais à me contrôler un peu plus maintenant, essayant de me concentrer sur autre chose.

    -----  Moi non plus, rigolai-je en mettant le contact.
    -----  J'ai quand même dû dormir un peu plus que toi, objecta-t-elle.
    ----- J'en suis persuadé.

    J'en étais sûr en fait, puisque j'avais été aux premières loges.
    -----  Alors, à quoi as-tu consacré ta nuit ?

    La voilà qui recommençait avec ses questions, cette fois c'était mon tour, elle savait déjà assez de choses sur moi. De plus, elle avait toujours l'art et la manière de poser la question à laquelle je ne voulais pas répondre.

    -----
    Bien tenté, mais c'est à mon tour de poser les questions, je te rappelle.

    -----  Oh, j'avais oublié. Que veux-tu savoir ? demanda-t-elle comme si la question allait être vite réglée... mais elle se trompait ! Une journée n'y suffirait pas. Une excuse supplémentaire pour passer du temps avec elle. J'en jubilais intérieurement.
    -----  Quelle est ta couleur préférée ? Autant commencer par des choses simples, la connaissant, elle ne me faciliterait pas la tâche. Je décidai donc d'y aller crescendo.
    ----- Ça varie selon les jours.

    En effet, je ne m'étais pas trompé, elle commençait déjà à esquiver des questions toutes simples. Tout compte fait même deux jours entiers n'y suffiraient pas !

    ----- - Quelle est ta couleur préférée aujourd'hui ? Insistai-je. Je voulais obtenir des réponses, cette fois, elle n'y couperait pas.
    ----- - Le marron, sans doute.
    ----- - Ah bon ? Je ne compris pas son hésitation. Une fois de plus sa réponse me surpris, je m'étais attendu au jaune, couleur du soleil qui lui manque tant.
    ----- - Oui. C'est une couleur chaude, expliqua-t-elle. Elle me manque. Tout ce qui est censé être brun, les troncs, les rochers, la boue, est couvert de mousse verte, ici.

    Ainsi, tout s'expliquait ! Je ne pus retenir un sourire en repensant à son expression de cette nuit : "c'est trop vert !"
    Je n'étais pas loin de la vérité tout compte fait. Mon esprit rapide de vampire me permis à la fois d'analyser sa logique fascinante qui associait le vert à l'humidité et le marron à la chaleur, tout en me perdant dans son regard chocolat. En temps normal, j'aurais associé la couleur du sable ou du soleil à la chaleur. Mais ses yeux et ses cheveux brun irradiaient tellement à côté de moi, que je ne pouvais contester ce qu'elle venait de me dire.

    ----- - Tu as raison, reconnus-je, le brun est chaud. Ceci était d'autant plus vrai que je pouvais sentir la chaleur irradier de sa peau derrière ses mèches brunes. Je voulus alors vérifier par moi-même, je repoussai une mèche de ses cheveux derrière son épaule, puis je me souvins que je devais lui éviter tout contact qui pouvait lui être désagréable. Ne venait-elle pas de reconnaître que la chaleur lui manquait ? Être chaud, moi aussi, ce serait vraiment plus pratique. Elle n'esquiva pas mon geste. Au contraire, elle se rapprocha comme une invitation à la caresse. Comme pour réaliser son rêve. J'en étais bouleversé. Son corps me donnait les réponses que ses pensées me refusaient.

    Nous étions arrivés au lycée, elle ne sembla pas le remarquer aussitôt. Je réfléchissais à une question précise à laquelle elle ne pourrait pas se dérober.

    ----- - Qu'as-tu comme musique en ce moment dans ton lecteur de CD ? J'espérais vraiment qu'elle accepte enfin de se confier à moi. Ma question était assez précise et simple à mon avis pour qu'elle y réponde sans esquive.

    Elle me répondit qu'elle avait laissé le CD de Miyavi que lui avait offert son beau-père dans son lecteur. Je connaissais ce groupe, mais ce n'était pas un de mes favoris. Je le sortis du compartiment, pour le lui montrer.

    ----- - Tu préfères ça à Debussy ? Pour moi, c'était incomparable. J'allais devoir lui apprendre à aimer le piano !

    Je continuai ainsi toute la journée, sans me lasser, elle était tellement passionnante. Mais bien évidement, elle essaya d'esquiver une bonne partie de mes questions. Elle se trahissait quand elle ne voulait pas me répondre honnêtement en rougissant d'une manière adorable.

    Ainsi, grâce à ce détecteur de mensonge, je pouvais aisément la questionner d'avantage sur les sujets qu'elle voulait éviter. Ce fut le cas lorsque je voulus savoir quelle était sa pierre précieuse préférée. Je ne compris pas pourquoi cela la gênait. Elle me répondit que c'était la topaze, et ses joues s'embrasèrent immédiatement. Je pris alors un malin plaisir à connaître les raisons de ce rougissement spontané. La topaze est une belle pierre, pourquoi serait-elle embarrassée ? Elle refusait de me dire la vérité. Je fis alors appel à mes talents de persuasion. Malheureusement pour moi, elle avait anticipé cela aussi, car elle refusait de me regarder dans les yeux, il m'était alors impossible de l'éblouir. Mon inaptitude à lire ses pensées était de plus en plus frustrante. Je me bornai alors à lui demander pourquoi elle était si embarrassée. A ma plus grande surprise, et satisfaction, elle obtempéra enfin, elle évitait cependant de me regarder, je le regrettais, j'aimais tellement lire dans ses yeux ce qu'elle voulait me cacher. Elle était concentrée sur la mèche de cheveux qu'elle tortillait.

    ----- - C'est la couleur de tes yeux aujourd'hui, soupira-t-elle. Si tu me posais la question dans deux semaines, j'imagine que j'opterai pour l'onyx.

    Elle en avait dit plus que ce que j'avais espéré. Ce petit aveu en disait long, très long. J'avais du mal à réaliser tout le sens qu'il prenait. Je comprenais mieux pourquoi elle n'osait pas me dire ce qui la gênait, pourtant, il n'y avait pas à avoir honte. Moi aussi, ma couleur préférée en cet instant aurait pu être la couleur de ses yeux. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Je n'avais cependant pas l'intention de laisser paraître mon trouble. Il était hors de question que mon interrogatoire s'arrête maintenant. Je n'en savais pas encore assez sur elle.

    ----- - Quelles sont tes fleurs préférées ? Continuais-je

    Je posais donc mes questions inlassablement jusqu'au cours de science nat, et ses réponses me fascinaient toujours autant. J'avais vraiment beaucoup de mal à me détacher de l'emprise qu'elle avait sur moi. Je devrais cependant attendre la fin du cours pour reprendre là où l'on s'était arrêté. J'aurais aimé que Bella propose de sécher le cours de Mr Banner, mais ce n'était pas dans son caractère, elle était responsable, je ne pouvais pas le lui reprocher. N'empêche, ce film me paraissait interminable.

    C'était l'instant redouté. J'espérais que la magie de la pénombre refasse effet, ce sentiment était tellement nouveau pour moi, mais en même temps je l'appréhendais. Cette tension électrique entre nos deux corps était réellement perturbante, et pas seulement pour moi vu la façon dont s'était figée Bella la dernière fois, cela avait dû lui être vraiment inconfortable.

    Comme au dernier cours, je n'éloignai pas ma chaise d'elle, je me rapprochai un peu au contraire, mais pas assez pour qu'elle le remarque néanmoins. Je ne gardais qu'un espace suffisant pour respirer. Je sentais la chaleur de son corps sur mon flanc. Ce n'était pas désagréable, mais au contraire comparable à une caresse qui me réchauffait. Nous étions si proche l'un de l'autre, isolés des autres par l'obscurité de la pièce. Je vis ma main se tendre vers Bella, l'effleurer ne lui ferait pas de mal, je pensais même qu'elle serait plutôt d'accord. Cependant, je ne pouvais pas me le permettre. Je ne voulais pas lui imposer la froideur de ma peau.

    Pour éviter tout mouvement incontrôlé, je croisais mes bras et serrais les poings. Je sentais ce désir qui n'était pas la soif, si nouveau pour moi, qui grandissait et défiait mon self-contrôle. Je tentais de lutter contre lui. Pour m'aider, je décidai d'étudier la position de Bella, cela m'en apprendrait peut-être plus sur elle. Grâce à elle, je percevais une nouvelle façon de lire les sentiments humains. C'était plus subtil et en même temps plus fort. Et je progressais de jour en jour !

    Elle était penchée sur sa paillasse, menton sur ses bras croisés, doigts agrippés au rebord de la table, elle semblait très tendue et très concentrée en même temps. Elle avait le regard rivé sur l'écran sans voir le film pour autant. Cette fois encore le fait de ne pas lire ses pensées m'agaça au plus haut point. Et je ne pouvais pas le lui demander, la salle était trop silencieuse. Elle ne croisa mon regard à aucun moment. Ce n'était pas plus mal, car si j'avais plongé mes yeux dans la profondeur des siens, je n'aurais pu m'en détacher, et j'aurais sûrement perdu mon self-contrôle.

    Par moments son corps se penchait très légèrement vers moi. Était-ce dû à cette attraction électrique, ou était-ce un mouvement pour déraidir ses muscles ? Seul un vampire était capable de rester pétrifié des heures ainsi, il était donc normal qu'elle bouge, ne serait-ce qu'un mouvement infime, pour relaxer un tant soit peu son corps crispé par la concentration. Je me demandais pourquoi elle déployait tant d'effort. Je me souvins alors de cette nuit, nous étions attirés comme des aimants. Elle ressentait la même tension que moi, le même désir, mais elle n'était pas obligée de lutter comme moi, ou alors, avait-elle perçu les conséquences que cela pouvait avoir sur sa vie ? Je ne pense pas, elle était trop confiante pour ça !

    Finalement, l'heure s'écoula, lentement d'un sens et rapidement pour d'autres raisons. Je luttais contre moi-même entre rationalité, désir et prudence. La prudence arracha la victoire de justesse quand les lumières se rallumèrent.

    Bella me regarda enfin, d'un regard interrogateur. Elle ne comprenait pas mieux que moi ce qui venait de se reproduire alors que nous nous trouvions dans le noir.

    Je l'accompagnai jusqu'au gymnase pour son prochain cours, en silence, ce désir si fort m'avait fait perdre le fil de mes questions. Bella marchait à côté de moi, assez près pour que je sente sa chaleur sur mon bras, mais pas assez pour que je passe mon bras autour de ses épaules, je voulais lui prendre la main, lui caresser le bras, mais là encore je ne pouvais obéir à mon désir.

    Je me contentai alors de la regarder, elle avait encore cette petite ride entre les deux yeux, qui signifiait qu'elle était soucieuse et que j'aurais aimé effacer d'une caresse de mes doigts. Je ne voulais pas qu'elle s'inquiète pour quoi que ce soit.

    Comme le jour précédent, une fois devant le gymnase, elle plongea ses yeux dans les miens, et cette fois encore, le désir remporta la victoire. Ma main se leva pour aller caresser sa joue, aussi fragile que le plus fin des verres, aussi fragile et délicate qu'une bulle. Je fis glisser le dos de ma main de sa tempe jusqu'à son menton avec une douceur sans égal. Je voulais plus cependant, ma main se réchauffait au contact de sa peau, mon désir grandissait, je sentais battre son sang sous sa peau fine. Je voulais glisser ma main sur sa nuque, prendre une mèche de ses cheveux et la faire descendre le long de sa gorge. Plus d'erreur. Il m'était vraiment difficile de retirer ma main, tant son contact était agréable. Ses yeux étaient encourageants, ce qui me décida à arrêter, elle avait beaucoup trop confiance en moi. La même confiance absolue que me vouait Carlisle. Je ne méritais pas une telle confiance. Je m'éloignai alors en silence, sentant son regard sur mon dos.

    ----- - Eh gamin, t'en fais une tête ! C'est encore à cause d'elle ? pensa Emmett juste avant de rentrer en cours d'espagnol.
    ----- - Ça se voit à ce point là ? Évidemment que ça se voyait ! Je n'arrivais pas à gommer mon trouble. D'ailleurs quand je repensais à la douceur et à la chaleur de sa peau, j'en étais encore tout troublé. Pourquoi me faisait-elle un tel effet ? Moi qui étais resté insensible au charme de centaines de femmes, humaines ou immortelles. Je m'étais fait à l'idée d'être dépourvu d'émotions envers les femmes, ce qui avait son avantage.

    En effet, je n'avais pas à obéir à mes pulsions comme mes cousines de Dénali, qui avaient tué beaucoup trop d'hommes avant de pouvoir maîtriser leur force.

    ----- - Alors tu m'expliques ce qui ne va pas cette fois ? Lança Emmett beaucoup trop vite et beaucoup trop bas pour que des oreilles humaines puissent comprendre quoi que ce soit.

    Comme souvent, nous étions installés dans le fond de la classe, ce qui nous permettait de discuter tranquillement sans que nos voisins de devant nous entendent.

    ----- - C'est compliqué, tu sais. Tout me fascine en elle, ses yeux, sa peau, son odeur, ses cheveux, ses réponses inattendues à mes questions, son sang... elle a une emprise totale sur moi. J'ai beaucoup de mal à gérer ça tu sais. C'est complètement nouveau pour moi. Vous connaissez tous ce sentiment dans la famille, mais pas moi. Si seulement Bella n'était pas humaine et fragile... et paradoxalement c'est une partie d'elle qui me fascine. Je m'efforce de l'avertir du danger que je représente, mais j'ai l'impression qu'elle est dépourvue d'instinct de survie.
    ----- - En effet c'est vraiment compliqué ton histoire. Je comprends un peu plus pourquoi tu n'as pas voulu la tuer. Mais je ne comprends toujours pas comment tu as pu résister. T'en fais pas gamin, tout finira par s'arranger, j'en suis sûr. Et fais confiance à Alice pour nous prévenir s'il devait se passer quoi que soit. Elle est aussi très attachée à cette humaine, bizarrement.
    ----- - Merci d'essayer de soulager ma conscience Emmett, mais j'ai du mal à visualiser une fin heureuse pour cette histoire. Tu peux m'expliquer objectivement comment une humaine peut avoir une relation amoureuse avec un vampire, même végétarien, sans qu'elle ne soit blessée ou pire... je n'ose même pas y songer.
    ----- - Tu réfléchis trop Edward, tu ferais mieux de focaliser ton attention sur elle si c'est ce que tu veux et non sur tes angoisses. Je n'ai jamais vu un vampire aussi stressé que toi quand il s'agit de cette fille.

    Je voyais bien qu'Emmett essayait de faire de l'humour pour m'apaiser, mais rien n'y fit. Le cours passa avec une lenteur déconcertante, ce qui me laissa le temps de réfléchir sur l'attitude que je devais adopter vis-à-vis de Bella. Mais avant, ma curiosité l'emporta, je me concentrai sur les pensées de Mike, et je fus surpris par l'hostilité qui y régnait. Il me détestait au plus haut point, chose qui était réciproque, mais ce qui le mettait le plus en colère c'était le fait que Bella me préfère à lui. Ce qui suffit à me redonner le sourire. Bella quant à elle, n'avait pas pris le risque de participer au match, ce qui me rassura.

    ----- - Sa santé mentale m'inquiète de plus en plus chaque jour . Pensa Emmett à côté de moi en me voyant sourire alors qu'à peine quelques minutes plus tôt je déprimais.

    Je dois avouer que c'était assez déroutant pour moi aussi de passer continuellement d'un stade à l'autre.

    Dès que la sonnerie se fit entendre, je me précipitai vers le gymnase tout en essayant de garder une allure humaine. Une fois devant la porte, j'entendis l'empressement maladroit de Bella. Ainsi je n'étais pas le seul à être impatient, ce qui n'était pas pour me rassurer. Mais j'avais décidé de laisser mes angoisses de côté pour le moment, j'aurais toute la nuit pour y réfléchir. Pour l'instant je voulais en savoir encore plus sur Bella. Je connaissais à présent ses préférences dans presque tous les domaines, et les détails de sa vie, maintenant je voulais connaître ce qui lui manquait de sa vie à Phoenix.

    Elle sortit précipitamment du gymnase et se dirigea droit vers moi en m'offrant un sourire rassuré, comme si elle avait eu peur que je ne sois pas là à l'attendre. C'est pourtant ce que je me destinais à faire pour l'éternité. Je lui souris à mon tour avant de relancer une nouvelle batterie de questions, auxquelles elle répondit avec beaucoup de sincérité. Elle prenait le temps de réfléchir avant de répondre, et elle essayait de me faire partager ses émotions en me décrivant des détails comme l'odeur des créosotes, ou le chant des cigales. Elle utilisa même des gestes pour me montrer l'ampleur de ces paysages qu'elle aimait tant.

    De temps en temps je voyais l'hésitation briller dans ses yeux, je l'encourageai alors à se livrer sans retenue, je ne voulais pas qu'elle ait peur ou honte de me faire partager ses pensées. Je voulais même qu'elle en prenne l'habitude, ce qui calmerait ma frustration de ne pas entendre ses pensées moi-même.

    ----- - Tu as terminé ? lança-t-elle soulagée après en avoir fini avec le désordre de sa chambre de Phoenix.
    ----- - Loin de là, mais ton père va bientôt rentrer. Il était certainement déjà en route et je n'allais sûrement pas tarder à l'entendre.

    Elle soupira en regardant le ciel sombre, elle n'avait pas dû prendre conscience de l'heure. J'avais moi-même tendance à perdre la notion du temps quand je me retrouvais avec elle. Elle avait un tel pouvoir sur moi, c'était très nouveau et très perturbant pour quelqu'un comme moi. Mon cœur avait cessé de battre depuis cent ans, et voilà que maintenant il commençait à peser lourd dans ma poitrine.

    ----- - C'est le crépuscule, murmurais-je le regard fixé sur l'horizon.

    C'était exactement ce qu'était Bella pour moi, mon crépuscule. Elle était la lumière de ma nuit sans fin. Avant de la connaître, ma vie était une nuit éternelle et sans but. Comment lui dire la passion qu'elle m'inspirait tout en lui faisant prendre conscience du danger que je représentais pour elle. Elle m'avait sauvé de ma nuit, et moi je risquais à tout moment de la plonger à son tour dans cette nuit éternelle.

    Elle me fixait d'un regard interrogateur, elle avait surpris mon trouble et se demandait sûrement quelle en était la cause. Je pouvais voir à son visage qu'elle brûlait de me questionner comme à son habitude, et la seule raison qui l'empêchait de le faire, était que j'avais demandé à ce que se soit mon jour de poser les questions.

    ----- - C'est le moment de la journée le plus sûr pour nous, dis-je pour répondre à la question qui brillait dans ses yeux. Je ne pouvais m'empêcher de satisfaire sa curiosité, c'était d'ailleurs l'une de mes faiblesses. Le plus agréable, le plus triste aussi, en quelque sorte... la fin d'un jour, le retour de la nuit. L'obscurité est tellement prévisible, tu ne trouves pas ?

    Je resongeais à toutes ces nuits passées à étudier, à bricoler les voitures avec Rose, les parties de chasse avec Emmett ou encore les combats avec mes frères. Ne pas dormir la nuit laissait énormément de temps, trop de temps pour quelqu'un qui avait déjà l'éternité devant lui... maintenant pour me distraire la nuit, j'avais une nouvelle occupation, une nouvelle passion, ce n'était peut-être pas une bonne chose, mais j'étais incapable de m'en passer...

    ----- - J'aime la nuit, décréta-t-elle. Sans elle, nous ne verrions pas les étoiles. Bien qu'ici ce ne soit guère facile.

    Je ne pus m'empêcher de rire devant la réponse surprenante comme à chaque fois, face à ce que je venais de lui dire. Elle semblait déçue, ainsi elle aimait regarder les étoiles. Je m'imaginais alors, l'emmenant les voir, la serrant contre mon torse, par une chaude nuit d'été pour éviter que je ne la glace avec ma peau de marbre.

    ----- - Charlie sera ici dans quelques minutes. Donc à moins que tu ne tiennes à lui révéler que tu passeras ton samedi avec moi... ce que j'aurais préféré pour me donner une raison supplémentaire de ramener Bella en vie.
    ----- - Non merci.

    Lorsqu'elle récupéra ses affaires, je m'aperçus à ses mouvements raides qu'elle était restée tout ce temps dans la voiture presque aussi immobile que moi. Cette fille n'avait vraiment pas des réactions normales pour une humaine. Elle aurait dû se plaindre de l'inconfort de sa position. Elle me tira de mes réflexions.

    ----- - Demain, c'est mon tour, hein ? demanda-t-elle pleine d'espoir.
    ----- - Certainement pas ! M'outrageais-je. Je n'en ai pas terminé avec toi !
    ----- - Qu'y a-t-il de plus à savoir ? dit-elle surprise.
    ----- - Je te le dirai demain.

    Elle ne parvenait pas à comprendre que je désirais connaître chaque minute de la vie qu'elle avait eue sans moi. C'était important pour moi de savoir tout de ce qu'elle aimait ou n'aimait pas, les personnes qu'elle avait connues avant moi et toutes les choses qui avaient façonné sa vie.

    Comme je me penchai devant elle pour lui ouvrir la portière, en parfait gentleman, cette proximité lui déclencha des palpitations dans la poitrine. Plus je m'approchais d'elle et plus son cœur s'emballait. Si cela avait été encore possible, mon cœur aussi se serait sûrement affolé. Je sentais son arôme sur ma langue, mais je pouvais résister, j'étais plus fort que le monstre.

    ----- - A qui peut bien appartenir cette voiture garée chez Charlie ? C'est une voiture neuve, et qui doit sûrement valoir cher. Elle ne peut appartenir qu'au Cullen. Comment un Cullen ose-t-il approcher la fille de Charlie ? Ont-ils oublié le traité ? Parce que si c'est le cas et que l'un d'eux l'enfreint, ce sera la guerre ! S'emportait intérieurement Billy Black.
    ----- - Je me demande à qui appartient cette belle voiture... et surtout pourquoi elle reste garée là... peut-être que Bella a des problèmes avec sa camionnette...j'y jetterais un coup d'œil... c'est étrange je croyais pourtant connaître la majorité des jeunes du coin... mon père a dû reconnaître le conducteur, et à la façon dont il le regarde, j'ai l'impression qu'il ne l'aime pas beaucoup... pourtant il y a peu de gens que Billy n'aime pas. Les pensées de Jacob n'étaient qu'interrogations.

    Ma main se figea sur la poignée

    ----- - Aïe ! Marmonnai-je
    ----- - Que se passe-t-il ? S'inquiéta Bella.

    Evidemment elle avait remarqué que quelque chose me perturbait ! Je n'avais pu retenir l'inquiétude s'emparer de moi. Elle était vraiment très attentive. Pourtant je ne pouvais rien lui dire pour le moment, il ne valait mieux pas qu'elle sache, et puis je n'avais pas vraiment le temps non plus, Charlie se rapprochait, ainsi que Billy Black, et il valait mieux pour tout le monde que je sois parti avant qu'ils n'arrivent.

    ----- - Des complications... répondis-je mâchoires serrées.

    Je lui ouvris la portière rapidement et repris ma place loin d'elle. Je ne devais pas me laisser distraire par elle.

    La situation deviendrait trop grave si les Quileutes décidaient de nous déclarer la guerre. Je ne pouvais pas prendre cet avertissement à la légère. La voiture noire de Billy Black vint se garer en face de nous. Je ne pouvais en détacher mon regard. Billy Black continuait d'imaginer le pire. Il me voyait déjà en train de rompre le pacte. En réalité il n'avait jamais vraiment cru que nous puissions nous passer éternellement de sang humain. Il était certain que nous faisions régulièrement des écarts lors de nos fréquentes randonnées. Il avait peur pour Bella et ça je pouvais très bien le comprendre. Je combattais continuellement pour que ma raison soit plus forte que mon instinct et je tremblais de la blesser, même involontairement... Alors oui, j'entendais parfaitement les pensées de Billy Black.

    ----- - Charlie est au carrefour, l'avertis-je. Il fallait que Bella sorte de ma voiture à présent. Il fallait que je prévienne Carlisle. Bella sortit précipitamment. Avait-elle senti la tension que je ressentais ? Avait-elle réalisé à quel point mon état d'esprit frôlait le chaos ? Comment pouvais-je la protéger de moi-même alors que j'étais incapable de m'éloigner d'elle ?

    Je démarrai aussi vite que possible. Les pensées de Billy Black m'assaillaient. Je pouvais sentir tout un mélange d'émotions. La peur en était la principale, mais il y avait aussi la haine, la suspicion, la méfiance, et le désir de protéger ceux qu'il aimait. Charlie étant son meilleur ami, il se faisait le devoir de mettre en garde Bella à mon sujet. Il pensait qu'elle ignorait tout de ce que j'étais réellement : un vampire. Il voulait qu'elle rompe tout contact avec moi... je ne pouvais pas lui reprocher de vouloir la protéger... mais je ne supportais pas l'idée qu'elle s'éloigne de moi. Bien sûr si c'était son désir, je partirais, son bonheur était tout ce qui comptait pour moi.

    Un sentiment d'angoisse s'empara de moi... et si Billy Black réussissait à lui faire prendre conscience du danger que je représentais pour elle...elle me quitterait, c'est évident ! Je voulais qu'elle prenne conscience des risques qu'elle courait en acceptant de se retrouver si souvent seule avec moi, mais je désirais, égoïstement je le reconnais, que malgré ça elle accepte de rester à mes côtés. Si mon cœur pouvait encore battre, il aurait la même vitesse que celle indiquée par le compteur de ma Volvo.

    Il fallait que j'arrive à faire le vide dans ma tête pour pouvoir parler calmement à Carlisle. Il fallait que je puisse rester maître de mes émotions, c'était la condition pour être avec Bella. Et maîtriser mes angoisses était un bon entraînement. Si Emmett me voyait ainsi, il dirait sûrement que j'étais le vampire le plus stressé qu'il connaisse depuis l'arrivée de Bella dans ma vie!

    Oriane Cléry


    votre commentaire
  • Chapitre 12. Complications (Part. 1)

        Bella et moi marchâmes en silence jusqu’à la salle de sciences nat. J’essayai de me concentrer sur ce moment, sur la fille à mes côtés, sur ce qui était réel et solide, sur tout ce qui pourrait empêcher les visions décevantes et sans importance d’Alice d’envahir ma tête.
        Nous passâmes devant Angela Weber qui s’attardait sur le trottoir, discutant de son devoir avec un garçon de son cours de maths. Je scannai précautionneusement ses pensées, m'attendant à une nouvelle déception, mais je fus surpris par le plus sage des ténors.
        Ah, il y avait tout de même quelque chose qu’Angela voulait. Malheureusement, ce n’était pas quelque chose que je pourrais mettre facilement dans un papier cadeau.
        Je me sentis étrangement réconforté par ce moment, en entendant le désir désespéré d’Angela. Une bouffée de solidarité dont elle n'aurait jamais connaissance me traversa, et, durant cette seconde, je ne fis qu’un avec cette gentille humaine.
        Il était étrangement consolateur de savoir que je n’étais pas le seul à vivre une histoire d’amour tragique. Le chagrin amoureux était un sentiment universel.
    
    Dans la seconde qui suivit, je fus abruptement et absolument irrité. Parce que son histoire d’amour n’avait rien de tragique. Elle était humaine, il était humain, et la différence qui semblait insurmontable dans sa tête était ridicule, vraiment ridicule comparée à ma propre situation. Il n’y avait pas de raison pour qu’elle ait le cœur brisé. Quelle tristesse inutile, alors qu’il n’y avait pas de raison valide pour qu’elle ne soit pas avec celui qu’elle voulait. Pourquoi n’aurait-elle pas ce qu’elle désirait ? Pourquoi cette histoire-là n'aurait-elle pas une fin heureuse?
        Je voulais lui faire un cadeau... Eh bien, j’allais lui donner ce qu’elle voulait. Sachant ce que je savais de la nature humaine, ce ne serait probablement même pas difficile. Je  passai au crible la conscience du garçon à côté d’elle, l’objet de son affection, et il ne semblait pas réticent, il était juste bloqué par la même difficulté qu’elle. Désespéré et  résigné, tout comme elle.
        Tout ce que j’aurais à faire serait de suggérer…
     â€¨    Le plan se mit en place facilement, le scénario s’écrivait tout seul, sans effort de ma part. J’aurais besoin de l’aide d’Emmett – l'embarquer dans mes plans serait la seule difficulté. La nature humaine était tellement plus facile à manipuler que celle des vampires.
        J’étais content de ma solution, et de mon cadeau à Angela. C’était une bonne façon d'oublier mes propres problèmes. Si seulement les miens avaient été aussi faciles à résoudre.
     â€¨    Mon humeur s'améliora légèrement quand Bella et moi nous assîmes à nos places. Peut-être devrais-je être plus positif. Peut-être y avait-il une solution quelque part qui m’échappait, tout comme la solution évidente d’Angela lui semblait invisible. Ce n’était sûrement pas le cas… Mais pourquoi perdre du temps avec le désespoir ? Je ne pouvais me permettre de le gâcher quand il s’agissait de Bella. Chaque seconde comptait.
        M. Banner entra en tirant une ancienne télévision surplombée d’un lecteur de cassettes. Il entamait un cours qui l'intéressait particulièrement – les problèmes génétiques – en nous montrant un film durant les trois prochains jours. Lorenzo’s Oil n’était pas une œuvre très joyeuse, mais cela ne réfréna pas l’enthousiasme dans la pièce. Pas de notes, pas de contrôles. Trois jours de liberté. Les humains exultaient.
        Tout cela m'était égal. Je n’avais pas eu l’intention de prêter attention à autre chose que Bella.
        Je n’éloignai pas ma chaise d’elle aujourd’hui, pour me donner assez d'espace pour respirer. À la place, je restai proche d’elle comme n’importe quel humain l’aurait fait. Plus proche que lorsque nous étions dans ma voiture, assez proche pour que le côté gauche de mon corps soit irradié par la chaleur de sa peau.

        C’était une expérience étrange, à la fois plaisante et angoissante, mais je préférais cela plutôt que d’être assis de l’autre côté de la table. Je n’étais pas satisfait. J'étais plus proche d'elle que de coutume, mais l'être autant me donnait seulement envie de l’être encore plus. Cette attirance s'accentuait au fur et à mesure que je me rapprochais.

        Je l’avais accusée d’être un aimant à danger. À cet instant, cela semblait vrai, littéralement. J’étais le danger, et son attraction se décuplait à chaque millimètre que je m'autorisais à supprimer entre nous.
    
    Puis M. Banner éteignit les lumières.
        C’était bizarre de voir à quel point cela fit une différence, étant donné le fait que le manque de lumière ne signifiait rien à mes yeux. Je pouvais voir aussi parfaitement qu'auparavant. Chaque détail de la pièce était très clair.
    
    Alors pourquoi cette soudaine tension dans l’air, dans ce noir qui n’était pas sombre pour moi ? Était-ce par ce que je savais que j’étais le seul à pouvoir voir clairement ? Que Bella et moi étions invisibles aux autres ? Comme si nous étions seuls tout les deux, cachés dans cette salle sombre, assis si près l’un de l’autre…
     â€¨    Ma main bougea vers elle sans permission. Juste pour toucher sa main, la tenir dans l’obscurité. Serait-ce une erreur si horrible ? Si ma peau la gênait, elle n’aurait qu’à la repousser…
     â€¨    Je retirai ma main d’un coup sec, croisant mes bras sur ma poitrine, serrant mes poings très fort. Pas d’erreurs. Je m’étais promis que je ne ferais pas d’erreurs, aussi infimes soient-elles. Si je tenais sa main, j’en voudrais plus – une autre caresse insignifiante, un autre mouvement pour me rapprocher. Je pouvais le sentir. Un nouveau genre de désir grandissait en moi, essayant de surpasser mon self-control.

        Pas d’erreurs.
        Bella croisa ses bras en sécurité sur sa poitrine, et ses poings se serrèrent, tout comme les miens.
        À quoi penses-tu ? Je mourais d’envie de lui chuchoter ces mots, mais la pièce était trop silencieuse pour que je puisse ne serait-ce qu'une conversation murmurée.
     â€¨    Le film commença, éclairant légèrement la pénombre. Bella me jeta un coup d’œil. Elle remarqua la façon dont je me tenais – tout comme elle – et sourit. Ses lèvres s'étirèrent légèrement ; ses yeux semblaient pleins d’une chaude invitation.

        Ou peut-être ne voyais-je que ce que je voulais voir.
        Je lui souris moi aussi ; sa respiration se transforma en faible halètement, et elle détourna rapidement le regard.

       Cela empira les choses. Je ne savais pas ce qu’elle pensait, mais soudainement je fus persuadé que je ne m’étais pas trompé auparavant, et qu’elle voulait que je la touche. Elle avait ressenti ce dangereux désir aussi bien que moi.

        Entre son corps et le mien, l'électricité bourdonnait.
       Elle ne bougea pas durant toute l’heure, gardant une pose raide et contrôlée, tout comme la mienne. Occasionnellement, elle me jetait un coup d’œil, et le courant bourdonnant me frappait comme un éclair.

        L’heure s’écoulait – doucement, et pourtant pas assez lentement. C’était tellement nouveau, j’aurais pu rester assis avec elle comme cela pendant des jours, juste pour ressentir pleinement cette expérience.
        Je me disputai avec moi-même sur une vingtaine de sujets différents alors que les minutes passaient, la rationalité luttant avec le désir lorsque j’essayais de justifier mon envie de la toucher.
     â€¨   Finalement, M. Banner ralluma les lumières.
        Sous la lumière des néons, l’atmosphère de la pièce redevint normale. Bella soupira et étira ses doigts devant elle. Cela avait du être inconfortable pour elle de rester aussi longtemps dans cette position. C’était plus facile pour moi – l'immobilité me venait naturellement.

        Je gloussai devant son soulagement.
        - Eh bien, ce fut intéressant.
        - Hmm, murmura-t-elle, comprenant clairement ce à quoi je référais, sans faire de commentaire.
        Que n'aurais-je pas donné pour entendre ce qu’elle pensait à ce moment.
        Je soupirai. J’aurais beau espérer de tout mon corps, cela ne changerait rien.
        - On y va ? demandai-je, déjà debout.

        Elle fit une grimace et se leva, perdant un peu l’équilibre au passage, les mains écartées comme si elle avait peur de tomber.
        Je pourrais lui offrir ma main. Ou je pourrais la placer sous son coude – tout doucement – et la retenir. Ce ne serait sûrement pas une infraction si terrible.

        Pas d’erreurs.
    
        Elle resta très silencieuse en se dirigeant vers le gymnase. La ride entre ses yeux était très marquée, signe qui prouvait qu’elle était profondément songeuse. Moi aussi, je réfléchissais beaucoup.

        Toucher sa peau ne la blesserait pas, soutenait mon égoïsme.
         Je pourrais facilement contrôler la pression de ma main. Ce n’était pas vraiment difficile, tant que je gardais un contrôle ferme sur moi-même. Mon sens tactile était plus développé que celui des humains ; je pouvais jongler avec douze coupes de cristal sans en casser une seule ; je pouvais caresser une bulle de savon sans la faire éclater. Tant que j’avais le contrôle...
        Bella était comme une bulle de savon – fragile et éphémère. Temporairement.
        Combien de temps arriverais-je à justifier ma présence dans sa vie ? Combien de temps avais-je ? Aurais-je une autre chance comme celle-ci, un autre moment comme celui-là, comme cette seconde ? Elle ne serait pas toujours à portée de mes bras...
        Bella se retrouva vers moi devant la porte du gymnase, les yeux grands ouverts devant mon expression. Elle ne parla pas. Je me vis dans le reflet de ses yeux et sus qu'elle pouvait voir le conflit qui se jouait dans les miens. Je regardai mon visage se transformer alors que mon meilleur côté perdait la bataille.
     â€¨    Ma main se leva inconsciemment. Aussi doucement que si elle avait été faite du plus fin des verres, fragile comme une bulle, mes doigts caressèrent la peau chaude qui recouvrait ses joues. Elle se réchauffa à mon contact, et je pus sentir le sang battre sous sa peau transparente.

        Assez, m'ordonnai-je, alors que mes mains mouraient d'envie d'épouser la forme de son visage. Assez.

        Il fut difficile de retirer ma main, de m'arrêter de m’approcher d’elle. Un millier de possibilités envahirent mon esprit en un instant – un millier de façons de la toucher. Tracer le contour ses lèvres du bout des mes doigts. Prendre son menton en coupe dans mes paumes. Retirer la barrette de ses cheveux et les laisser se répandre sur le dos de mes mains. Enserrer sa taille de mes bras, la retenir contre mon corps.
    
        Assez.
        Je me forçai à me retourner, à m'éloigner d’elle. Mon corps se raidit – avançant malgré lui.

        Je laissai mon esprit s’attarder en arrière pour la regarder alors que je marchais vivement, courant presque pour m’éloigner de la tentation. Je saisis les pensées de Mike Newton - elles étaient les plus bruyantes – alors qu’il regardait Bella lui passer devant  sans le remarquer, les yeux perdus et les joues rouges. Ses yeux à lui se mirent à lancer des éclairs et soudain mon nom se retrouva mêlé à un flot de jurons dans sa tête ; je ne pus m'empêcher de sourire en réponse.
        Ma main me picotait. Je l’étirai puis serrai le poing, mais les piqûres continuaient, indolores.
        Non, je ne lui avais pas fait mal ; mais la toucher constituait tout de même une erreur.
        C’était comme du feu – comme si la brûlure provoquée par la soif dans ma gorge se répandait dans tout mon corps.
        La prochaine fois que je serais près d’elle, serais-je capable de me retenir de la toucher ? Et si je la touchais ne serait-ce qu’une fois encore, serais-je capable de me contenter de ça?
        Plus d’erreurs. C’était fini. Savoure ce souvenir, Edward, me dis-je avec gravité, et garde tes mains pour toi. C’était cela ou me forcer à partir... d'une façon ou d'une autre. Parce que je ne pouvais pas me permettre d’être près d’elle si je m’obstinais à faire des erreurs.

        Je pris une grande inspiration, tentant de mettre de l’ordre dans mes pensées.

        Emmett m’attrapa à l'extérieur du bâtiment d’anglais.

        - Hé, Edward. Il a une meilleure mine. Une mine bizarre, mais c’est mieux. Il a l’air heureux.
        - Salut, Em.

         Avais-je l’air heureux ? Je supposai que, malgré le chaos dans ma tête, je me sentais ainsi.
         T’as bien fait de tenir ta langue mon gars. Rosalie veut te l’arracher.
   
         Je soupirai.
        - Désolé de t’avoir laissé gérer ça. Tu m'en veux ?
     â€¨    - Nan. Rose s’en remettra. Ça devait arriver de toute façon
    . Avec ce qu’Alice a vu...
         Les visions d’Alice n’étaient vraiment pas ce à quoi j’avais envie de penser à présent. Je regardai au loin, les mâchoires verrouillées.

        Alors que je cherchais une distraction, je vis Ben Cheney entrer en classe d’espagnol juste devant nous. Ah – je tenais ma chance de donner son présent à Angela Weber.
   
        Je m'arrêtai de marcher, attrapant le bras d’Emmett.
         - Attends une seconde. 
   
         - Qu’est-ce qu'il y a ? 
  
         - Je sais que je ne le mérite pas, mais est-ce que tu accepterais de me faire une faveur? 
    - Qu’est-ce que c’est ?
    demanda-t-il, curieux.
   
         Dans un souffle – à une vitesse qui rendait ces mots incompréhensibles à tout humain, aussi fort que je les aie prononcés – je lui expliquai ce que je voulais.
   
         Il me fixa le regard vide que j’eus fini, les pensées aussi inexpressives que son visage.
      - Alors ? le pressai-je. Tu veux bien m’aider à le faire ? 
   
         Il prit une minute avant de me répondre.
         - Mais pourquoi ? 
   
         - Allez quoi, Emmett. Pourquoi pas ? 
  
     
         Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de mon frère ? 
   
         - Ce n'est pas toi qui te plains que l’école soit toujours pareille ? Voici quelque chose de différent, non? Considère ça comme une expérience – une expérience sur la nature humaine.
     â€¨    Il me fixa pendant un long moment avant de céder.
        - Bon, c’est différent, mais qu’est-ce que ça t’apporte… Ok, d’accord, grogna Emmett en haussant les épaules. Je vais t’aider.
     â€¨    Je lui souris, encore plus enthousiaste à propos de mon plan maintenant qu’il était de la partie. Rosalie était pénible, mais je lui serais toujours redevable d’avoir choisi Emmett ; personne n’avait un meilleur frère que moi.
        Emmett n’avait pas besoin de répéter. Je lui soufflai son texte en entrant en classe.

        Ben était déjà à sa place derrière moi, rassemblant le devoir qu’il devait rendre. Emmett et moi nous assîmes tout deux et l’imitâmes. La classe n’était pas encore silencieuse ; les conversations tamisées continueraient jusqu’à ce que M. Goff réclame l’attention. Elle n’était pas pressée, notant les contrôles de sa dernière classe.
        - Donc, dit Emmett, la voix plus forte que nécessaire – s'il n’avait vraiment parlé qu’à moi. Est-ce que tu as déjà demandé à Angela Weber de sortir avec toi ?
     â€¨    Les bruissements de papier venant de derrière moi s'arrêtèrent bruyamment tandis que Ben se figeait, son attention soudainement rivée sur notre conversation.
        Angela ? Ils parlent d’Angela ?
     â€¨    Bien. J’avais son attention.
        - Non, dis-je, secouant doucement ma tête pour paraître plein de regrets.
        - Pourquoi ? improvisa Emmett. T’es pas une poule mouillée, quand même ?
     â€¨    Je lui fis une grimace.
        - Non. J’ai entendu dire qu’elle était intéressée par quelqu’un d’autre.
     â€¨    Edward Cullen allait demander à Angela de sortir avec lui ? Mais… non. Je n’aime pas ça. Je ne veux pas qu’il s’approche d’elle. Il n’est pas… bien pour elle. Pas… sain.
        Je n’avais pas anticipé sa galanterie, son instinct protecteur. J’avais parié sur la jalousie. Mais peu importe ce qui marcherait.
        - Et tu vas laisser ça t'arrêter ? demanda Emmett avec arrogance, improvisant de nouveau. Pas cap d'affronter la concurrence ?
        Je lui jetai un regard furieux, mais j’étais habitué à ce qu’il était en train de faire.
        - Écoute, je crois qu’elle apprécie vraiment ce type, Ben. Je ne vais pas essayer de la convaincre du contraire. Il y a d’autres filles.
        La réaction derrière moi fut électrique.
        - C'est qui ? demanda Emmett, de nouveau fidèle au script.
        - Ma partenaire de labo dit que le gars s’appelle Cheney. Je ne suis pas sûr de savoir de qui il s’agit.
    
  
      Je ravalai mon sourire. Seuls les hautains Cullen pouvaient s’en sortir en prétendant ne pas savoir qui était chaque étudiant de ce minuscule lycée.
        La tête de Ben tourbillonnait sous l’effet du choc. Moi ? Face à Edward Cullen ? Mais pourquoi me préférerait-elle ?
     â€¨    - Edward, marmonna Emmett très bas, roulant ses yeux en direction du garçon. Il est juste derrière toi, articula-t-il, de façon si évidente que tous les humains pouvaient facilement lire sur ses lèvres.
     â€¨    - Oh, marmonnai-je à mon tour.
        Je me retournai sur mon siège, et jetai un coup d’œil rapide au garçon derrière moi. Pendant une seconde, les yeux noirs derrière les lunettes furent effrayés, puis il se raidit et bomba ses épaules étroites, clairement atteint par cet examen désobligent. Son menton se souleva et sa peau chocolat se fonça encore plus quand il rougit sous l’effet de la colère.
     â€¨    - Pff, dis-je d'un ton arrogant en me retournant vers Emmett.

        Il pense qu’il est meilleur que moi. Mais Angela ne le pense pas, elle. Je vais lui montrer...
     â€¨    Parfait.

        - Mais tu n’as pas dit qu’elle emmenait Yorkie au bal ? demanda Emmett, grognant en prononçant le nom du garçon que beaucoup méprisaient pour sa gaucherie.

        - Apparemment, c’était une décision de groupe.
        Je voulais être sûr que Ben comprenne bien ça.
        - Angela est timide. Si B… eh bien si ce gars n’a pas le courage de lui demander de sortir avec lui, elle ne le fera jamais.
     â€¨    - Tu aimes les filles timides,
    dit Emmett, de retour à son improvisation. Les filles discrètes. Les filles comme… hmm, je ne sais pas. Peut-être Bella Swan ?
        Je lui fis une grimace.
        - Exactement.
        Puis je retournai à mon interprétation.
        - Peut-être qu’Angela en aura marre d’attendre. Peut-être que je l’inviterai au bal de fin d’année.
        Non, tu ne le feras pas, pensa Ben, se redressant sur sa chaise. Ce n’est pas grave si elle est plus grande que moi. Si elle s’en fiche, alors moi aussi. Elle est la fille la plus gentille, intelligente et jolie de l’école, et elle me veut, moi.
        J’aimais ce Ben. Il semblait vif et bien intentionné. Peut-être même était-il digne d’une fille comme Angela.
     â€¨    Je levai les deux pouces vers Emmett sous le bureau tandis que Mme Goff se levait et saluait la classe.

        Ok, j’admets – c'était plutôt fun, pensa Emmett.

        Je me souris à moi-même, content d’avoir pu provoquer une fin heureuse à l'histoire d’amour de quelqu’un. J’étais sûr de ce que Ben allait faire, et Angela recevrait son cadeau anonyme. Ma dette était payée.
     â€¨    Comme les humains étaient bêtes, de laisser une différence de taille de quinze centimètres mettre en péril leur bonheur.

        Mon succès me mit de bonne humeur. Je souris de nouveau en m’installant dans ma chaise, prêt à être diverti. Après tout, Bella m’avait fait remarquer au cours du déjeuner que je ne l’avais jamais vue en action durant le cours de gym.

     

    Chapitre 12. Complications (Part. 2)

        Les pensées de Mike furent les plus faciles à localiser dans l’essaim des voix qui gazouillaient dans le gymnase. Son esprit m'était devenu bien trop familier ces dernières semaines. En soupirant, je me résignai à écouter à travers lui. Au moins, je pouvais être sûr qu’il prêterait attention à Bella.
        J’arrivai juste à temps pour l’entendre lui proposer d’être son partenaire de badminton ; en faisant la suggestion, d’autres associations de partenaires lui traversèrent l’esprit. Mon sourire s’évanouit, mes dents se serrèrent, et je dus me souvenir qu'assassiner Mike Newton n’était pas dans mes options.
     â€¨    - Merci, Mike. Tu n’es pas obligé de faire ça, tu sais.
     â€¨    - Ne t’inquiète pas, je m’écarterai de ton chemin.

     â€¨    Ils se sourirent mutuellement, et les souvenirs de nombreux accidents – toujours liés à Bella, d’une façon ou d’une autre – fusèrent dans la tête de Mike.

        Mike joua seul au début, pendant que Bella hésitait à l’arrière du terrain, tenant sa raquette délicatement, comme s’il s’agissait d’une sorte d’arme. Puis le coach Clapp passa près de Mike et lui ordonna de laisser Bella jouer.
        Oh, oh, pensa Mike alors que Bella avançait en soupirant, tenant sa raquette avec un angle bizarre.
        Jennifer Ford servit le volant directement sur Bella, un petit air suffisant dans son esprit. Mike vit Bella tanguer vers le volant, faisant vaciller la raquette loin de la direction dans laquelle le volant arrivait, puis il se jeta en avant pour essayer de sauver cette volée.
        Je regardai la trajectoire de la raquette de Bella, alarmé. Evidemment, la raquette heurta le filet, rebondissant sur le front de Bella, avant de faire une pirouette pour s’attaquer au bras de Mike dans un bruit sourd.

        Aïe. Ouille. Hou. Je vais avoir un bleu.
        Bella se massait le front. Il m’était difficile de rester assis ici en sachant qu’elle était blessée. Mais que pourrais-je faire si j'y allais ? Et ça n’avait pas l’air sérieux... J’hésitai, continuant à regarder. Si elle comptait continuer à jouer, je devrais trouver une excuse pour la sortir de son cours.
        Le coach rigola.
        - Désolé, Newton. Cette fille porte la poisse comme personne. Je ne devrais pas l’infliger aux autres...
     
        Il tourna le dos délibérément, et s'éloigna pour regarder un autre match afin que Bella puisse retourner à son ancien poste de spectatrice.
        Oh, pensa de nouveau Mike, massant son bras. Il se tourna vers Bella.
        - Ça va ?
     â€¨    - Ouais, et toi ?
    demanda-t-elle honteusement, en rougissant.

        - Je pense que je vais m’en tirer. Je ne vais quand même pas passer pour un pleurnichard. Mais, la vache, ce que ça fait mal.
        Mike balança son bras, grimaçant.
        - Je pense que je vais rester en arrière, dit Bella, l’embarras et la peine se lisant sur son visage, au lieu de la douleur.
        Peut-être que Mike avait eu droit au pire. J'espérais en tout cas que c’était le cas. Au moins, elle ne jouait plus. Elle maintint sa raquette si prudemment derrière son dos, les yeux pleins de remords... que je dus cacher mon rire derrière une toux.
        Qu’est-ce qui est si drôle ? voulut savoir Emmett.
        - Je te le dirai plus tard, murmurai-je.
        Bella ne s’aventura plus dans le match. Le coach l’ignora, et Mike joua seul.
        L'interro de fin de cours fut un jeu d’enfant, et Mme Goff me laissa sortir plus tôt. J’écoutai intensément Mike en marchant à travers le campus. Il avait décidé d’affronter Bella à mon sujet.

        Jessica jure qu’ils sortent ensemble. Pourquoi ? Pourquoi l’a-t-il choisie ?
        Il ne voyait pas la réalité en face – c'était elle qui m’avait choisi.
        - Alors.
        - Alors quoi ?
    demanda-t-elle.

        - Toi et Cullen, hein ? Toi et le monstre. Enfin, si c’est un gars riche qui t’intéresse...
     â€¨    Je grinçai des dents à sa dégradante supposition.
        - Ça ne te regarde pas, Mike.
     â€¨    Défensive. Alors, c’est vrai. Merde.
        - Je n’aime pas ça.
     â€¨    - Tu n’as pas à aimer ça ou pas,
    dit-elle sèchement.

        Pourquoi ne voit-elle pas que c’est une bête de foire ? Comme eux tous. La façon dont il la regarde. Ça me donne des frissons rien que de voir ça.
        - Il te regarde comme si... comme si tu étais quelque chose à manger.
     â€¨    J’eus un mouvement de recul, attendant sa réponse.

        Son visage devint rouge, ses lèvres se pincèrent comme si elle retenait sa respiration. Puis, soudainement, un gloussement s’échappa de ses lèvres.
        Maintenant elle se moque de moi. Génial.
        Mike se retourna, renfrogné, et s’éloigna pour aller se changer.
        Je m’appuyai contre le mur du gymnase, essayant de me ressaisir.
        Comment avait-elle pu rire à l’accusation de Mike – tellement juste que je commençai à me demander si Forks n’en savait pas trop... Pourquoi rirait-elle à la suggestion que je pouvais la tuer, alors même qu’elle savait que c’était totalement vrai ? Où se trouvait l’humour là-dedans ?
        Qu’est-ce qui n’allait pas chez elle?
        Avait-elle un sens de l’humour morbide ? Cela ne ressemblait pas à l’idée que je me faisais d’elle, mais comment en être sûr ? Ou peut-être que ma rêverie à propos de l'ange écervelé était vraie, puisqu’elle n’avait peur de rien. Brave était un mot pour qualifier ce comportement. D'autres auraient dit stupide, mais je savais à quel point elle était intelligente. Mais peu importait la raison, ce manque de peur, ou ce sens de l’humour tordu n’était pas bon pour elle. Était-ce cet étrange manque qui la mettait constamment en danger? Peut-être aurait-elle toujours besoin de moi près d’elle...
     â€¨    À penser cela, mon humeur s’améliora. Si je pouvais me discipliner, devenir inoffensif, alors peut-être serait-il bien pour moi de rester avec elle.
     â€¨    Quand elle passa les portes du gymnase, ses épaules étaient courbées, et ses lèvres une fois de plus entre ses dents, un signe d’anxiété. Mais dès que ses yeux rencontrèrent les miens, ses épaules raides se relaxèrent, et un grand sourire illumina son visage. C’était une expression bizarrement paisible. Elle marcha jusqu’à moi sans hésiter, s’arrêtant seulement lorsque son corps fut assez près de moi pour que sa chaleur s’écrase sur moi comme un raz de marée.
     â€¨    - Salut, murmura-t-elle.
        Le bonheur que je ressentis à ce moment était, une fois de plus, sans précédent.
        - Bonjour, dis-je, puis – parce que je me sentais soudain de si bonne humeur, je ne pus m'empêcher de la taquiner – j'ajoutai :
        - Comment s’est passé le cours de gym ?
     â€¨    Son sourire vacilla.
        - Bien.
     â€¨    Elle était mauvaise menteuse.
        - Vraiment ? demandai-je, prêt à insister sur le sujet – j'étais toujours préoccupé par son état ; souffrait-elle ? – mais les pensées de Mike Newton étaient si bruyantes qu’elles troublèrent ma concentration.
        Je le déteste. J’aimerais qu’il meure. J'espère qu’il jettera sa jolie petite voiture du haut d’une falaise. Pourquoi ne peut-il pas simplement la laisser tranquille ? Rester avec ceux de son espèce – les monstres.
        - Quoi, demanda Bella.

        Mes yeux se concentrèrent de nouveau sur elle. Elle regarda Mike qui s'éloignait, puis me lança un regard interrogateur.

        - Newton commence vraiment à m’énerver, admis-je.
        Elle resta bouche bée et son sourire disparut. Elle avait dû oublier que j’avais le pouvoir de voir sa dernière heure calamiteuse, ou espérer que je ne l’aurais pas utilisé.
        - Tu as encore écouté ?
     â€¨    - Comment va ta tête ?
     â€¨    - Tu es impossible !
    dit-elle à travers ses dents ; puis elle se retourna, et commença à traverser le parking.
        Sa peau vira au rouge soutenu ; elle était embarrassée.
        Je suivis son rythme, espérant que sa colère passerait vite. En général, elle me pardonnait assez rapidement.

        - C’est toi qui m'as dit que je ne t’avais jamais vue en cours de gym, lui expliquai-je. Ça m’a rendu curieux.
     â€¨    Elle ne répondit pas les sourcils froncés.
        Soudain, elle s'arrêta au milieu du parking quand elle réalisa que le chemin pour accéder à la voiture était bloqué par un attroupement de garçons.
     â€¨    Je me demande à combien il monte avec cet engin...
        Regardez-moi ce boîtier de vitesse SMG. Je n’en avais jamais vu que dans les magazines...

        Jolies jantes...
        J’aimerais bien avoir 60 000 dollars à débourser...

        C’était exactement la raison pour laquelle il était préférable que Rosalie utilise sa voiture en dehors de la ville.

        Je me frayai un chemin jusqu’à ma voiture à travers la foule d’envieux ; après une seconde d’hésitation, Bella me suivit.

        - Ostentatoire, murmurai-je pendant qu’elle grimpait à l'intérieur.
        - C’est quoi comme voiture ? demanda-t-elle.
     â€¨    - Une M3.
        Elle fronça les sourcils.
        - Je n’ai pas pris Auto-Moto deuxième langue.
        - C’est une BMW.

        Je levai les yeux au ciel, me concentrant sur ma marche arrière pour n'écraser personne. Je fixai des yeux quelques garçons qui semblaient ne pas vouloir s'écarter de mon chemin. Une demi-seconde à affronter mon regard sembla suffire pour les convaincre.
        - Es-tu toujours en colère ? lui demandai-je.
        Elle ne fronçait plus les sourcils.
        - Evidemment, répondit-elle brusquement.
        Je soupirai. Peut-être n’aurais-je pas dû lancer le sujet. Oh, et puis tant pis. Je pouvais bien me faire pardonner, j’imagine.
        - Tu me pardonneras si je m’excuse ?
        Elle y pensa pendant un moment.
        - Peut-être… si tu le penses vraiment, décida-t-elle. Et si tu promets de ne plus recommencer.
     â€¨    Je n’allais pas lui mentir, et il était hors de question que je lui promette ça. Peut-être que si je lui offrirais un accord différent…
      
    - Et si je le pense vraiment et que j’accepte de te laisser conduire samedi ?
        Je frémis rien qu’en y pensant.
       
    La ride se dessina à nouveau entre ses yeux alors qu’elle considérait le nouveau pacte.
        - Marché conclu, dit-elle après un moment de réflexion.
        Maintenant pour mes excuses… Je n’avais jamais consciemment essayé d’éblouir Bella, mais maintenant cela semblait être le bon moment. Je plongeai mon regard dans le sien, me demandant si je le faisais bien. J’utilisai mon ton le plus persuasif.
        - Alors, je suis vraiment désolé de t’avoir contrariée.
     â€¨    Son rythme cardiaque se mit à faire un bruit sourd et saccadé. Ses yeux s’agrandirent, stupéfaits.

        Je fis un demi-sourire. Il me semblait que j’avais réussi. Bien sûr, j’avais un peu de mal à me détourner de ses yeux, moi aussi. Tout aussi ébloui. C’était une bonne chose que je connaisse cette route par cœur.
        - Et je serai sur le pas de ta porte à la première heure samedi matin, ajoutai-je, scellant l’accord.
        Elle cligna des yeux promptement, secouant la tête, comme pour s’éclaircir les idées.
        - Hmm, dit elle, ça ne va pas m’aider avec Charlie si une Volvo non identifiée se gare dans l’allée.         
         Ah, comme elle me connaissait peu.
        - Je ne comptais pas amener de voiture.
        - Comment…
    commença-t-elle à demander.
        Je l’interrompis. La réponse serait difficile à expliquer sans démonstration, et ce n’était vraiment pas le moment.
        - Ne t’inquiète pas pour ça. Je serai là, sans voiture.
     â€¨    Elle pencha sa tête sur le côté, et pendant une seconde sembla sur le point de demander plus, mais soudain elle sembla changer d’avis.

        - Est-ce que nous sommes plus tard ? demanda-t-elle, se remémorant notre conversation inachevée à la cafétéria aujourd’hui ; elle avait délaissé une question importante uniquement pour se rabattre sur une autre tout aussi peu attirante.
        - Je suppose que oui, acquiesçai-je de mauvaise grâce.
        Je me garai en face de sa maison, contracté en pensant à la façon de lui expliquer… sans rendre ma nature monstrueuse trop évidente, sans l’effrayer une nouvelle fois. Avais-je tort? De minimaliser cette partie sombre de moi-même ?
        Elle attendit avec le même masque de politesse intéressée qu’elle avait porté au déjeuner. Si j’avais été moins anxieux, son calme grotesque m’aurait fait rire.
        - Tu veux toujours savoir pourquoi tu ne peux pas me voir chasser ? demandai-je.
        - Eh bien, je me posais surtout des questions sur ta réaction, dit elle.
        - Est-ce que je t’ai effrayée ? demandai-je, sûr qu’elle allait le nier.
        - Non.
     â€¨    J’essayai de ne pas sourire, et échouai.
        - Je m’excuse de t’avoir effrayée.
        Puis mon sourire s’évanouit ainsi que mon humour momentané.
        - C’était juste le fait de t’imaginer là bas… pendant que je chasse.
     â€¨    - Ce serait si grave ?

     â€¨    La vision mentale était trop – Bella, si vulnérable dans les ténèbres vides ; moi, hors de contrôle… Je tentai de la bannir de ma tête.
        - Extrêmement.
        - Parce que… ?

        Je pris une profonde inspiration, me concentrant pendant un moment sur la soif qui me brûlait. La sentir, la contrôler, prouver que je la dominais. Elle ne me contrôlerait plus jamais – j'espérai que c'était vrai. Je ne serais pas une menace pour elle. Je regardai les nuages bienvenus sans vraiment les voir, espérant pouvoir croire que ma détermination ferait une quelconque différence si je croisais son odeur en chassant.
     â€¨    - Quand nous chassons, nous nous laissons guider par notre instinct, lui dis-je, pesant chaque mot avant de le prononcer. Nous ne sommes plus dirigés par nos esprits. C’est notre odorat qui prend le dessus. Si tu étais près de moi, quand je perds le contrôle de cette façon…
     â€¨    Je secouai ma tête, agonisant à la pensée de ce qui allait – pas pourrait, allait – sûrement arriver alors.
        J’écoutai l’envolée de son rythme cardiaque, puis me retournai, nerveux, afin de lire
 dans ses yeux.

        Le visage de Bella était calme, ses yeux graves. Sa bouche était plissée dans ce que je pris pour de l’inquiétude. Mais de l'inquiétude pour quoi ? Sa propre sécurité ? Ou mon angoisse ? Je continuai de la fixer, essayant de traduire son expression ambiguë.

        Elle me fixa elle aussi. Ses yeux s’élargirent après un moment, et ses pupilles se dilatèrent, alors que la lumière n’avait pas changé.

        Ma respiration s’accéléra, et soudain le silence de la voiture sembla bourdonner, comme la pénombre de la salle de biologie, cet après-midi. Le courant crépita entre nous, et mon désir de la toucher fut, brièvement, plus fort que jamais, plus fort même que l’exigence de ma soif.
        L'électricité lancinante me donna l'impression que j’avais de nouveau un pouls. Mon corps chantait avec elle. Comme si j’étais humain. Plus que tout au monde, je voulus sentir la chaleur de ses lèvres contre les miennes. Pendant une seconde, je luttai désespérément pour trouver la force, le contrôle, pour être capable de mettre ma bouche aussi près de sa peau.

        Elle aspira une grande bouffée d’air, et je ne réalisai qu'à ce moment-là que lorsque j’avais commencé à respirer plus vite, elle avait complètement arrêté de respirer.

        Je fermai les yeux, essayant de rompre la connexion entre nous.
        Plus d’erreurs.
        L’existence de Bella était liée à un millier de procédés chimiques délicatement équilibrés, tellement faciles à perturber.  L’expansion rythmique de ses poumons, son flux d'oxygène, était une question de vie ou de mort pour elle. La cadence du battement de son cœur fragile pouvait être arrêtée par tellement d’accidents stupides, de maladies… ou par moi.

        Je ne pensais pas qu’un membre de ma famille hésiterait si il ou elle se voyait offrir une nouvelle chance – si il ou elle pouvait échanger l’immortalité contre la mortalité de nouveau. Chacun de nous se laisserait brûler pour ça. Brûler autant de jours, ou de siècles que nécessaire.

        La plupart de ceux de notre espèce chérissait l’immortalité par-dessus tout. Il y avait même des humains qui mouraient de désir de devenir immortels, cherchant dans les ténèbres ce qui leur donnerait le plus sombre des présents…
     â€¨    Pas nous. Pas ma famille. Nous échangerions n’importe quoi pour être humains.
        Mais aucun de nous n’avait aussi désespérément souhaité trouver un moyen de revenir en arrière que moi en cet instant.
        Je fixai les microscopiques défauts dans le pare-brise, comme si la solution était cachée dans le verre. L'électricité ne s’était pas atténuée, et je dus me concentrer pour garder mes mains sur le volant.
     â€¨    Ma main droite recommença à picoter sans douleur, comme lorsque je l’avais touchée.

        - Bella, je pense que tu devrais rentrer maintenant.
        Elle obéit vite, sans commentaire, sortant de la voiture et fermant la portière derrière elle. Avait-elle perçu le potentiel désastre aussi clairement que moi ?
        Cela la faisait-elle souffrir s'en aller, comme je souffrais de la laisser partir ? La seule consolation venait du fait que je la reverrais bientôt. Plus tôt qu’elle ne me verrait. Je souris à cette pensée, puis baissai la vitre et me penchai en avant pour lui parler une dernière fois – c'était moins risqué maintenant, avec la chaleur de son corps en dehors de la voiture.
    Elle se retourna pour voir ce que je voulais, curieuse.
        Toujours curieuse, même si elle m’avait posé tant de questions aujourd’hui. Ma propre curiosité était entièrement inassouvie ; répondre à ses questions aujourd’hui avait seulement révélé mes secrets. J’avais tiré très peu d’elle, si ce n’étaient mes propres conjectures. Ce n’était pas juste.

          - Oh, Bella ?
     â€¨    - Oui ?
     â€¨    - Demain, c’est mon tour.

     â€¨    Son front se plissa.
          - Ton tour de quoi ?
     â€¨    - De poser les questions.

        Demain, quand nous serions en sécurité, entourés de témoins, j’aurais mes propres réponses. Je souris à cette pensée, puis me tournai car elle ne faisait aucun mouvement pour partir. Même si elle se trouvait en dehors de la voiture, l'écho de l'électricité sifflait dans l’air. Je voulais sortir, moi aussi, la raccompagner jusqu’à sa porte, une bonne excuse pour rester près d’elle....

        Plus d’erreurs. Je démarrai, puis soupirai en la regardant disparaître derrière moi. Il me semblait que je courais toujours vers Bella ou loin d’elle, ne restant jamais en place. Je devrais trouver un moyen de tenir le coup si nous voulions un jour avoir la paix.


    votre commentaire
  • Chapitre 11. Interrogations (Part. 1)

    Ce fut CNN qui lâcha le scoop.
        J’étais content d’avoir la nouvelle avant de partir pour le lycée, anxieux d’entendre ce que les humains allaient dire à ce sujet, et quelles proportions cela prendrait.
        Heureusement, l’actualité était chargée aujourd’hui. Il y avait eu un tremblement de terre en Amérique latine, et un kidnapping politique au Moyen-Orient. La nouvelle ne prit donc que quelques secondes, quelques phrases, et une bien piètre photo.
        - Alonzo Calderas Wallace, violeur et tueur en série présumé, recherché dans les états du Texas et de l’Oklahoma, a été appréhendé la nuit dernière à Portland, dans l’Oregon, grâce à un témoignage anonyme. Wallace a été retrouvé inconscient, dans une allée, tôt ce matin, à quelques pas du commissariat de police. Les autorités sont pour le moment incapables de dire s'il sera extradé vers Houston ou Oklahoma City pour son procès.
        La photo était floue, une pièce d’identité judiciaire, il avait une épaisse barbe ou moment où elle avait été prise. Même si Bella l’avait vu, elle ne pourrait probablement pas le reconnaître. J'espérai qu’elle ne le reconnaîtrait pas ; cela ne ferait que l’effrayer inutilement.
        - La couverture de cet évènement ici va être très faible. C’est trop loin pour être considéré d'intérêt local, me dit Alice. Tu as eu raison de laisser Carlisle l’emmener en dehors de l’état.
        J'acquiesçai. Bella ne regardait pas beaucoup la télévision de toute façon, et je n’avais jamais vu son père regarder autre chose que des chaînes de sports.
        J’avais fait ce que j’avais pu. Ce monstre ne chassait plus, et je n’étais pas un meurtrier. Pas récemment en tout cas. J’avais eu raison d’avoir confiance en Carlisle, même si j’aurais préféré que ce monstre ne s’en tire pas à si bon compte. Je me surpris à espérer que l’extradition se fasse au Texas, où la peine de mort était si populaire...

        Non. Cela n’avait pas d’importance. J’allais laisser ça derrière moi, et me concentrer sur ce qui importait.
        J’avais quitté la chambre de Bella voilà moins d'une heure. Je mourais déjà d’envie de la revoir.
        - Alice, ça ne te dérange pas si…
     â€¨    Elle m'interrompit.
        - Rosalie m'emmènera. Elle va faire comme si elle était énervée, mais tu sais à quel point elle adore trouver des excuses pour montrer sa voiture.
        Alice rit. Je lui adressai un grand sourire.
        - Je te vois au lycée.
        Alice soupira, et mon sourire se transforma en grimace.
        Je sais, je sais, pensa-t-elle. Pas encore. J'attendrai que tu sois prêt à ce que Bella me rencontre. Tu devrais savoir, pourtant, ce n’est pas du pur égoïsme de ma part. Bella va m’aimer aussi.
        Je ne lui répondis pas puisque je me précipitais vers la porte. Il y avait une autre façon de voir cette situation. Bella voudrait-elle rencontrer Alice ? Avoir un vampire comme amie ?
        Connaissant Bella... cette idée ne la dérangerait pas le moins du monde.

        Je fronçai les sourcils pour moi-même. Ce que Bella voulait et ce qui était bon pour elle étaient deux choses complètement différentes.
        Je commençai à me sentir agité en me garant dans l’allée devant chez Bella. L’adage humain voulait que les choses aient l’air différent le matin – qu'elles changeaient après une bonne nuit de sommeil. Apparaîtrais-je différent aux yeux de Bella dans la faible lumière de ce jour embrumé ? Plus sinistre ou moins sinistre que je l’étais dans la noirceur de la nuit ? La vérité l’avait-elle imprégnée durant son sommeil ? Serait-elle enfin effrayée ?

        Pourtant, ses rêves avaient été paisibles, la nuit dernière. Quand elle avait prononcé mon nom, encore et encore, elle avait souri. Plus d’une fois dans ses murmures elle avait supplié que je reste. Cela ne signifierait-il plus rien aujourd'hui ?
     â€¨    J'attendis nerveusement, écoutant les bruits qu'elle produisait dans la maison - les pas rapides déboulant l’escalier, le papier aluminium arraché rapidement, les choses dans le réfrigérateur s'entrechoquant à l'ouverture de la porte. À l’entendre, elle semblait en retard. Impatiente de retourner à l’école ? Cette pensée me fit sourire, plein d’espoir une nouvelle fois.
        Je regardai l’heure. Je supposai – en tenant compte de la vélocité de sa camionnette délabrée – qu’elle était effectivement en retard.

        Bella se précipita hors de la maison, le sac lui tombant de l’épaule, les cheveux complètement emmêlés. Le gros pull vert qu’elle arborait ne l'empêchait pas de rentrer les épaules sous l’effet produit par le froid.
        Le long pull était trop grand pour elle. Peu flatteur. Cela cachait sa fine silhouette, réduisant ses courbes délicates et ses doux traits à un fouillis sans forme. J’appréciai cela autant que si elle avait porté quelque chose ressemblant à ce corsage bleu qu’elle avait mis hier soir... Sa coupe avait collé à sa peau d’une façon si attrayante, coupé assez bas pour révéler la façon hypnotique dont ses clavicules se courbaient juste sous le creux sous sa gorge. Le bleu avait coulé comme de l’eau sur les formes subtiles de son corps...

        Il était mieux – essentiel – que je garde mes pensées loin, très loin de ses formes, j’étais donc reconnaissant qu’elle porte ce sweat inapproprié. Je ne pouvais plus me permettre de faire d'erreurs, et ce serait une erreur monumentale que de m’attarder sur la faim étrange que le pensée de ses lèvres... sa peau...son corps... faisait vibrer en moi. Faim qui s’était esquivée voilà cent ans. Mais je ne pouvais pas me permettre de penser à la toucher, parce que c’était impossible.
        Je la briserais.
        Bella se détourna de la porte, si vite qu’elle faillit rentrer dans ma voiture sans même la remarquer.
        Puis, elle s'arrêta, les genoux verrouillés sous l’effet de la surprise. Son sac descendit un peu plus le long de son bras, et ses yeux s'écarquillèrent, concentrés sur la voiture.
        Je sortis, ne me forçant pas à bouger à une vitesse humaine, et lui ouvris la porte côté passager. J’allais essayer de ne plus la décevoir – quand nous étions seuls, du moins, je serais moi-même.

        Elle me regarda, surprise de nouveau comme si je venais de me matérialiser dans un rideau de fumée. Puis la surprise dans ses yeux se changea en quelque chose d’autre, et je n’eus plus peur – je n'espérai plus non  plus – que ses sentiments envers moi aient changé au cours de la nuit. Chaleur, fascination, émerveillement, tout cela nageait dans le chocolat fondu de ses yeux.

        - Veux-tu que je t’emmène ? dis-je.
        Contrairement au dîner, je la laisserais choisir. A partir de maintenant, elle devrait toujours avoir le choix.

        - Oui, merci, murmura-t-elle, grimpant dans la voiture sans hésiter.
        Cela cesserait-il un jour de me faire frissonner de plaisir, de savoir que j’étais celui à qui elle disait oui ? J’en doutais.

        Je montai dans la voiture en un clin d’œil, pressé de la rejoindre. Elle ne montra aucun signe de choc face à ma réapparition soudaine.
        Le bonheur que je ressentis quad elle s'assit près de moi n’avait pas de précédent. Même si j’appréciais l’amour et la compagnie de ma famille, malgré toutes les distractions et divertissement que le monde avait à offrir, je n’avais jamais été heureux à ce point. Même le fait de savoir que c’était mal, que cela ne pourrait que mal finir, ne put m'empêcher de sourire plus longtemps.

        Ma veste était pliée sur l’appui tête au dessus de son lit. Je la vis y jeter un coup d’œil.

        - J’ai rapporté la veste pour toi, lui dis-je.
        C’était mon excuse, si j'avais eu besoin d’en inventer une, pour me pointer ce matin sans être invité. Il faisait froid. Elle n’avait pas de manteau. C’était sûrement une forme acceptable de galanterie.
        - Je ne voulais pas que tu tombes malade ou quoi que ce soit.

        - Je ne suis pas si fragile,
    dit-elle, fixant mon torse plutôt que mon visage, comme si elle hésitait à rencontrer mes yeux.
        Mais elle mit le blouson avant que je ne recoure au commandement ou à la flatterie.
        - Vraiment ? murmurai-je, plus pour moi que pour elle.
        Elle fixa la route tandis que j’accélérais vers le lycée. Je ne pus supporter le silence que quelques secondes. Je devais savoir vers quoi se dirigeaient ses pensées ce matin. Tellement de choses avaient changé entre nous depuis la dernière fois que le soleil avait été présent.
        - Quoi ? Aucune question aujourd’hui ? demandai-je, le ton léger.

        Elle sourit, semblant heureuse que je lance le sujet.
        - Est-ce que mes questions te dérangent ?

        - Pas autant que tes réactions,
    lui dis-je honnêtement, souriant pour répondre à son sourire.

        Le sien se perdit.
        - Je réagis mal ?

        - Non, c’est le problème. Tu prends tout de façon tellement détendue – ce n’est pas naturel.

        Pas un seul cri jusqu’à présent. Comment était-ce possible ?
        - Je me demande juste ce que tu penses vraiment.
        Bien sûr, je me posais toujours cette question, quoi qu’elle fasse ou ne fasse pas.
        - Je te dis toujours ce que je pense vraiment.
        - Tu éludes.

        Ses dents se pressèrent sur ses lèvres une nouvelle fois. Elle ne semblait pas remarquer qu’elle faisait cela - c’était une réponse inconsciente à la tension.
        - Pas tant que ca.
        Ces simples mots suffirent à enflammer ma curiosité. Quelle information retenait-elle intentionnellement ?
        - Assez pour me rendre fou, dis-je.

        Elle hésitait puis soupira.
         - Tu ne veux pas le savoir.
        Je dus réfléchir un moment, repasser toute notre conversation de la nuit dernière, mot par mot, avant que la connexion ne se fasse. Peut-être que cela me prit trop de concentration car je ne pouvais pas imaginer une seule chose que je n’eus pas voulu qu’elle me dise. Et puis - car le ton de sa voix était le même que la nuit dernière; soudainement une douleur y était apparue - je me souvins. Une fois je lui avais demandé de ne pas exprimer ses pensées. "Ne redis jamais ça." Je l’avais surprise. Je l’avais fait pleurer...

        Était-ce ce qu’elle refusait de me dire ? La profondeur de ses sentiments pour moi ? Que le fait que je sois un monstre lui importait peu, et qu’il était trop tard pour qu’elle change d’avis ?

        J’étais incapable de parler, parce que la joie et la douleur étaient trop fortes pour être exprimées avec des mots, le conflit entre eux était trop violent pour permettre une réponse cohérente. Le silence s’installa dans la voiture, excepté pour les rythmes égaux de sa respiration et des battements de son cœur.
        - Où est le reste de ta famille ? demanda-t-elle soudainement.
        Je pris une profonde inspiration - enregistrant le parfum dans la voiture sans véritable douleur pour la première fois ; je m’y habituais, réalisai-je avec satisfaction - me forçant à être décontracté une nouvelle fois.
        - Ils ont pris la voiture de Rosalie.
         Je me garai sur une place libre, juste à côté de la voiture en question. Je cachai mon sourire quand je vis ses yeux grands ouverts.
         - Ostentatoire, n’est ce pas ?

        - Hmm, wow. Si elle a ça, pourquoi est-ce qu’elle monte en voiture avec toi ?

        Rosalie aurait apprécié la réaction de Bella... si elle avait été objective avec Bella, ce qui n’arriverait probablement pas.

        - Comme je l’ai dit, c’est ostentatoire. Nous essayons de passer inaperçus.
        - C'est raté,
    dit-elle, puis elle rit timidement.
        Le son insouciant, paisible de son rire me réchauffa le cœur même si ma tête se remplissait de doutes.
        - Alors pourquoi Rosalie se conduit-elle de façon si ostentatoire ? demanda-t-elle.
        - Tu n’as pas remarqué ? J’enfreins toutes les règles maintenant.
     â€¨    Ma réponse aurait du être légèrement effrayante – et bien sûr Bella y sourit.
        
    Elle n’attendit pas que je lui ouvre la porte, comme la nuit dernière. Je devais feindre la normalité à l’école - donc je ne pouvais pas marcher assez vite pour empêcher ça - mais elle allait devoir s’habituer à être traiter avec plus de courtoisie, et vite.
        Je marchai aussi près d’elle que je l’osai, guettant consciencieusement le moindre signe démontrant que ma proximité la gênait. Deux fois sa main tressauta dans ma direction, puis elle la retint. C’est comme si elle voulait me toucher... ma respiration s'accéléra.
        - Pourquoi avez-vous de telles voitures? Si vous voulez passer inaperçus? demanda-t-elle en marchant.

        - C’est un péché mignon, admis-je. Nous aimons conduire vite.
        - J’avais compris, marmonna-t-elle, le ton amer.

        Elle ne leva pas les yeux pour voir mon sourire.

        Oh non ! Je ne peux pas y croire. Comment Bella a-t-elle fait ? Je ne comprends pas ! Pourquoi ?
    Les hésitations mentales de Jessica interrompirent mes pensées. Elle attendait Bella, à l’abri de la pluie, sous le toit de la cafétéria, avec le manteau d’hiver de Bella sur le bras. Ses yeux étaient grands ouverts d’incrédulité.

        Bella la remarqua, elle aussi, l’instant d'après. La joue de Bella vira légèrement au rose lorsqu’elle remarqua l’expression de Jessica. Les pensées de Jessica se dessinaient très bien sur son visage.
        - Hey Jessica. Merci de t’en être souvenue, la remercia Bella. Elle attrapa la veste que Jessica lui tendait, muette.
        Je devrai être poli envers les amis de Bella, qu’ils soient de bons ou de mauvais amis.
         - Bonjour Jessica.
     â€¨    Whoa...
        Les yeux de Jessica s'écarquillèrent encore un peu plus. C’était bizarre et amusant... et honnêtement un peu embarrassant... de réaliser à quel point la proximité de Bella m’avait adouci. Il semblait que plus personne n’avait peur de moi. Si Emmett s’en rendait compte, il en rirait durant au moins cent ans.

        - Euh...salut, marmonna Jessica, les yeux rivés sur le visage de Bella, plein de signification. Je pense qu'on se voit en maths.

        Toi, tu vas cracher le morceau. Tu vas y passer. Des détails. Je dois avoir les détails. Edward CULLEN, nom de Dieu ! La vie est tellement injuste.
        La bouche de Bella se tordit.
         - Oui, on se voit là-bas.
        Les pensées de Jessica s’agitèrent tandis qu’elle entrait dans son premier cours, nous jetant des regards furtifs de temps en temps.
        Toute l’histoire. Je n'accepterai rien de moins. Est-ce qu’ils avaient prévu de se retrouver hier soir ? Est-ce qu’ils sortent ensemble ? Depuis combien de temps ? Comment a-t-elle pu garder ça secret ? Pourquoi voudrait-elle le garder secret ? Ça ne peut pas être un truc de passage - elle doit être à fond sur lui. Y’a-t-il une autre option? Je vais le savoir. Je ne peux pas ne pas savoir. Je me demande s'ils l’ont déjà fait? Oh mon Dieu... Les pensées de Jessica disjonctèrent soudain, et elle laissa des fantasmes sans nom tourbillonner dans sa tête. Je grimaçai devant ses spéculations, et pas seulement parce qu’elle s’était mise à la place de Bella dans ces images mentales.
        Je ne pouvais pas être comme ça. Et pourtant je... je voulais...
     â€¨     Je résistai devant cette idée. De combien de mauvaises manières voulais-je Bella ? Laquelle finirait par la tuer ?
     â€¨    Je secouai la tête, essayant de l'éclaircir.
        - Que vas-tu lui dire ? demandai-je à Bella.

        - Hé ! murmura-t-elle férocement. Je pensais que tu ne pouvais pas lire dans mon esprit!
     â€¨    - Je ne peux pas.

         Je la fixai, surprise, essayant de comprendre le sens de mes paroles. Ah - nous avions dû penser la même chose au même moment. Hmmm... J’aimais plutôt ça.
         - Toutefois, lui dis-je, je peux lire dans le sien - elle attendra pour te tendre une embuscade en classe.
        Bella grogna, puis laissa la veste lui tomber des épaules. Je n’avais pas réalisé qu’elle me la rendait au début - je ne lui aurais pas demandé de le faire ; j’aurais préféré qu’elle la garde... comme un symbole - je fus donc trop lent à lui proposer mon aide. Elle me tendit la veste, puis glissa ses bras dans la sienne, sans même regarder mes mains tendues pour l’aider. Je fronçai les sourcils, puis contrôlai mon expression avant qu’elle ne s’en aperçoive.
     â€¨    - Alors, que vas-tu lui dire ? la pressai-je.
     â€¨    - Un petit coup de main ? Qu’est-ce qu’elle veut savoir ?
        Je souris, secouant la tête. Je voulais savoir ce qu’elle pensait sans avoir à lui souffler la réponse.
         - Ce n’est pas juste.
     â€¨    Ses yeux se plissèrent.
         - Non, c'est le fait que tu ne partages pas ce que tu sais qui est injuste.
        Bien sûr - elle n’aimait pas qu’il y ait deux poids deux mesures.
        Nous arrivions à la porte de sa salle de cours - où je devrais la laisser ; je me demandai machinalement si Mme Cope serait plus accommodante pour faire un échange d’emploi du temps durant mon heure d’anglais... Je me concentrai. Je pouvais être juste.
        - Elle veut savoir si nous sortons secrètement ensemble, dis-je lentement. Et elle veut savoir ce que tu ressens pour moi.
     â€¨    Ses yeux étaient grands ouverts - pas surpris, mais faussement innocents à présent. Ils étaient grand ouverts pour moi, lisibles. Elle jouait les ingénues.

        - Zut, murmura-t-elle. Comment pourrais-je qualifier notre relation ?
     â€¨    - Hmm.

         Elle essayait toujours de me faire dire plus que ce que je voulais. Je pondérai ma réponse.

        Une mèche volage de ses cheveux, légèrement humide à cause du brouillard, tomba sur son épaule, et s’enroula là ou sa clavicule était caché par ce sweater ridicule. Elle entraîna mes yeux... bien au-delà des autres courbes cachées...
     â€¨    Je l’attrapai précautionneusement, sans toucher sa peau - ce matin était déjà assez frisquet sans que je ne la touche - et la remis en place dans son chignon désordonné pour ne plus qu’il me distraie. Je me souvins du jour où Mike Newton avait touché ses cheveux, et mes mâchoires se serrèrent à ce souvenir. Elle l’avait repoussé. Sa réaction à présent n’avait rien de comparable ; à la place, ses yeux s'ouvrirent légèrement plus, le sang afflua sous sa peau, et soudain, son cœur eut un raté.
        J’essayai de cacher mon sourire en répondant à sa question.

        - Je suppose que tu pourrais répondre oui à la première question... si ça ne te dérange pas - le choix, je devais toujours lui laisser le choix - ce sera plus facile que n’importe quelle explication.
     â€¨    - Ça ne me dérange pas,
    murmura-t-elle ; son cœur n’avait pas encore retrouvé son rythme normal.
    
      - Et pour l’autre question...
         Je ne pouvais plus cacher mon sourire à présent.
         - Eh bien, j’écouterai la réponse à celle-ci moi même.
     â€¨    Voyons ce que Bella allait faire de ça. Je retins mon rire en voyant le choc apparaître sur son visage.
    Je me tournai rapidement, avant qu’elle ne me pose d’autres questions. J’avais eu du mal à ne pas lui donner ce qu’elle m’avait demandé. Et je voulais entendre ses pensées, pas les miennes.
        - Je te vois à la cafétéria, lui lançai-je par dessus mon épaule, en excuse pour voir si elle me fixait toujours, les yeux grands ouverts. Sa bouche aussi était grande ouverte. Je me retournai de nouveau et ris.
        En m'éloignant, j’avais vaguement conscience du choc et des pensées qui tourbillonnaient autour de moi - des yeux sautillant entre le visage de Bella et ma silhouette qui s’éloignait. Je leur accordai peu d’attention. Je ne pouvais pas me concentrer. C’était assez dur de faire bouger mes pieds à une vitesse acceptable en traversant la pelouse détrempée vers ma prochaine classe. Je voulais courir - vraiment courir, tellement vite que je disparaîtrais, tellement vite que j’aurais l’impression de voler. Une part de moi volait déjà.

        Je mis la veste en arrivant en classe, laissant son parfum flotter autour de moi. J’allais brûler - laisser l’odeur me désensibiliser - puis il serait plus facile de l’ignorer plus tard, quand je serais de nouveau avec elle au déjeuner...
     â€¨    C’était une bonne chose que les professeurs ne cherchent même plus à m’interroger. Aujourd’hui aurait été le jour où ils m’auraient attrapé, non préparé et sans réponse. Mon esprit était si dissipé ce matin ; mon corps seulement se trouvait en classe.
        Bien sûr, je regardai Bella. Cela me devenait naturel - aussi automatique que de respirer. J’entendis la conversation qu’elle eut avec un Mike Newton complètement démoralisé. Rapidement, elle dirigea la conversation sur Jessica, et je souris tellement que Rob Sawyer, assis à la table juste à ma droite, tressaillit visiblement et s'enfonça un peu plus dans sa chaise, loin de moi.
        Ugh. Horrible.
        Eh bien, je n’avais pas complètement perdu la main.

        J’avais aussi mis Jessica sous surveillance distraite, la regardant peaufiner ses questions pour Bella. Je ne pouvais plus attendre d’être au déjeuner, dix fois plus désireux et anxieux que cette fille humaine curieuse de se procurer de nouveaux potins.

        Et j’écoutais aussi Angela Weber.

        Je n’avais pas oublié la gratitude que je ressentais pour elle - pour ne penser que du bien de Bella, en premier lieu, et pour m’avoir aidé la nuit dernière. Je patientai donc toute la matinée, cherchant quelque chose qu’elle désirait. Je pensais que ce serait facile ; comme tous les autres humains, il y avait bien une babiole ou un jouet qu’elle voulait en particulier. Plusieurs peut-être. Je lui livrerais quelque chose, anonymement, et nous serions quittes.
        Mais Angela se révéla aussi peu accommodante que Bella dans ses pensées. Elle était étrangement épanouie pour une adolescente. Heureuse. Peut-être était-ce la raison de son inhabituelle gentillesse - elle faisait partie de ces rares personnes qui ont ce qu’elles veulent et veulent ce qu’elles ont. Si elle ne prêtait pas attention aux professeurs, et à ses notes, elle pensait à ses deux petits frères jumeaux qu’elle emmènerait à la plage ce week-end - anticipant leur excitation comme une mère. Elle s’occupait d’eux souvent, mais ne s’en plaignait pas... c’était très gentil de sa part.

        Mais ça ne m’aidait pas beaucoup.

        Il devait bien y avoir quelque chose qu’elle désirait. Je devrais seulement continuer à guetter. Mais plus tard. C’était l’heure de maths pour Bella et Jessica.
     â€¨     Je ne regardai même plus ou j’allais en me rendant en cours d’anglais. Jessica était déjà assise, ses deux pieds tapant impatiemment contre le sol en attendant que Bella arrive.
     â€¨    Inversement, une fois que je fus assis sur ma chaise, je devins parfaitement immobile. Je dus me souvenir de gesticuler de temps en temps. Pour sauver les apparences. C’était difficile, mes pensées étaient concentrées sur Jessica. J'espérai qu’elle prêterait attention à Bella, essayant de déchiffrer ses expressions pour moi.
     â€¨    Les battements de pieds de Jessica s’intensifièrent quand Bella entra dans la pièce.
        Elle a l’air... morose. Pourquoi ? Peut-être qu’il ne se passe rien avec Edward Cullen. Ce serait une déception. Sauf si... alors il serait libre... S'il est soudainement intéressé pour sortir avec quelqu’un. Ça ne me dérange pas de dépanner.
        Le visage de Bella ne paraissait pas morose, mais plutôt réticent. Elle était inquiète - elle savait que j’écouterais tout. Je me souris à moi-même.

        - Dis-moi tout ! demanda Jessica alors que Bella enlevait encore sa veste pour la pendre sur le dos de sa chaise. Elle bougeait avec mesure, de mauvaise grâce.

        Oh, elle est tellement lente. Allons directement au plus juteux!
        - Que veux-tu savoir ? temporisa Bella en prenant place.
        - Que s’est-il passé hier soir ?
     â€¨    - Il m’a emmenée dîner, puis il m’a ramenée à la maison.

        Et après ? Allez quoi, il doit bien y avoir plus que ça ! De toute façon, elle ment, je le sais. Je vais lui faire cracher le morceau.
     â€¨    - Comment es-tu arrivée chez toi si vite ?
        Je regardai Bella rouler les yeux devant la suspicion de Jessica.

        - Il conduit comme un dingue. C’était terrifiant.
        Elle fit un petit sourire, et je ris à haute voix, interrompant les annonces de M. Mason. J’essayai de transformer mon rire en toux, mais personne ne s’y laissa prendre. J’écoutai Jessica.

        Huh. On dirait qu’elle dit la vérité. Pourquoi est-ce qu’elle me fait lui tirer les vers du nez ? Je serais en train de hurler à m’en faire exploser les poumons si j’étais elle.
        - Est ce que c’était un rendez-vous - tu lui as demandé de te retrouver là-bas ?
        Jessica remarqua la surprise s’inscrire sur le visage de Bella, et fut déçue de la sincérité que cela dégageait.
        - Non - j’ai été très surprise de la voir là-bas, lui dit Bella.

        Qu’est ce qu’il se passe?
        - Mais il t’a emmené à l’école, aujourd’hui ? Il doit sûrement y avoir plus derrière cette histoire.
        - Oui - c’était une surprise aussi. Il a remarqué que je n’avais pas ma veste hier soir.
        Ce n’est pas très drôle, pensa Jessica, déçue une fois de plus.
        J’étais fatigué de sa suspicion - je voulais entendre quelque chose que je ne savais pas déjà. J'espérai qu’elle ne serait pas trop mécontente, et qu’elle continuerait à lui poser les questions que j'attendais.
        - Alors, est-ce que vous allez ressortir ensemble ? demanda Jessica.
        - Il a proposé de me conduire à Seattle ce week-end car il pense que ma camionnette ne fonctionne pas très bien – est-ce que ça compte ?
     â€¨    Hmm. Il essaye sûrement de... eh bien s’occuper d’elle, en quelque sorte. Il doit bien y avoir quelque chose de son côté à lui, si ce n’est celui de Bella. Comment c’est possible ? Bella est folle?
        - Oui, répondit Jessica à la question de Bella.

        - Alors oui, conclut Bella.
     â€¨    - Wow... Edward Cullen. Qu’elle l’aime ou pas, c’est déjà énorme.
        - Je sais, soupira Bella.

        Le ton de sa voix encouragea Jessica. Enfin - elle a l’air de réaliser. Elle doit réaliser...
        - Attends ! dit Jessica se souvenant soudain de sa question la plus vitale. Est-ce qu’il t’a embrassée ? S’il te plaît, dis oui. Puis décris-moi chaque seconde !
     â€¨    - Non, marmonna Bella, puis elle baissa le regarde sur ses mains, le visage défait. Ce n’est pas comme ça entre nous.
     â€¨    Merde. J'espérais... Ha. Elle aussi elle espérait.

        Je fronçai les sourcils. Bella avait l’air contrariée par quelque chose, mais ça ne pouvait pas être de la déception comme Jessica semblait le penser. Elle ne pouvait pas vouloir être aussi près de mes dents. D'après ce qu’elle savait, j’avais des crocs.
        Je frissonnai.

        - Tu penses que samedi... ? encouragea Jessica.
        Bella sembla encore plus frustrée en disant :
        - J’en doute.
     â€¨    Ouais, elle espère. Ça craint pour elle.
        Était-ce parce que je regardais tout cela à travers le filtre des perceptions de Jessica qu’il me semblait qu’elle avait raison ?
        Durant une demi-seconde, je fus distrait par l’idée, l’impossibilité, de ce que ce serait de l’embrasser. Mes lèvres contre ses lèvres, la pierre froide contre la chaleur souple de la soie...
    
    Puis elle mourrait.
    
    Je secouai ma tête, grimaçant, et me forçant à prêter attention.

        - De quoi est ce que vous avez parlé ? Est-ce que tu lui as parlé, ou est-ce que tu l’a laissé t'extirper la moindre information comme ça ?
     â€¨    Je souris, piteux. Jessica n’était pas si loin de la vérité.

        - Je ne sais pas, Jess, de pas mal de choses. Nous avons un peu parlé de la disserte d’anglais.
     â€¨    Un tout petit peu. Je souris un peu plus.
        Oh, allez, quoi.
        - S’il te plaît, Bella ! Donne-moi des détails.
     â€¨    Bella délibéra pendant un moment.
        - Eh bien... ok, j’en ai un. Tu aurais dû voir la serveuse flirter avec lui - c’était limite trop. Mais il ne l'a même pas regardée.
        Quel étrange détail à partager. Je fus surpris que Bella l’ait même remarqué. Cela semblait une chose très inconséquente.
        Intéressant...
        - C’est bon signe. Est-ce qu’elle était jolie ?
     â€¨    Hmm. Jessica y pensait plus que je ne l’avais fait. Cela devait être un truc de fille.

        - Très, lui dit Bella. En plus elle avait probablement 19 ou 20 ans.
     â€¨    Jessica fut momentanément distraite par un souvenir de Mike durant leur rendez-vous de lundi soir - Mike avait été un peu trop sympathique avec la serveuse que Jessica ne considérait même pas comme jolie. Elle chassa ce souvenir, et retourna, suffocant d’irritation, à sa quête de détails.
        - Encore mieux. Il doit t’aimer.
     â€¨    - Je pense, dit Bella lentement ; j’étais au bord de mon siège, mon corps rigide et immobile. Mais c’est difficile à dire. Il est tellement énigmatique.
     â€¨    Je n’avais pas du être aussi transparent et hors de contrôle que je ne le pensais. Mais tout de même... aussi observatrice qu’elle... Comment pouvait-elle ne pas réaliser que j’étais amoureux d’elle ? Je fouillai dans notre conversation, presque surpris de ne pas avoir dit ces mots à haute voix. C’était comme si cela avait été un sous-titre à chacun de nos mots ce soir là.
        
    Wow. Comment peut-on s'asseoir en face d'un top model masculin et lui faire la conversation?
        - Je ne sais pas comment tu es assez courageuse pour être seule avec lui, dit Jessica.
        Le choc s’inscrit en un flash sur le visage de Bella.
        - Pourquoi ?
        Réaction bizarre. Qu’est ce qu’elle pense que ça veut dire?
        - Il est tellement... Quel est le mot juste? Intimidant. Je ne saurais pas quoi lui dire. Je n’ai même pas pu lui répondre en anglais aujourd’hui, et tout ce qu’il m’a dit c’était bonjour. J’ai dû passer pour une idiote.
     â€¨    Bella sourit.
        - J’ai quelques problèmes d’incohérence quand il est dans les parages.
     â€¨    Elle devait essayer de rassurer Jessica. Elle était toujours anormalement maîtresse d’elle-même lorsque nous étions ensemble.
        - Oh, eh bien, soupira Jessica. Il est incroyablement magnifique.
     â€¨    Le visage de Bella fut soudainement froid. Ses yeux étincelaient de la même façon que lorsqu’elle ressentait de l’injustice. Jessica ne perçut pas le changement d’expression.
        - Il est bien plus que ça, lança Bella.
        Ooooh. Enfin quelque chose d’intéressant.
        - Vraiment ? Comment ça ?
     â€¨    Bella mordilla ses lèvres pendant un instant.
        - Je ne peux pas vraiment l’expliquer, dit-elle finalement. Mais il n’y a pas que son physique qui est extraordinaire.
        Elle détourna son regard de Jessica, les yeux légèrement distraits alors qu'elle semblait fixer quelque chose de très très loin.

        Le sentiment que je ressentais à présent était presque le même que lorsque Carlisle ou Esmée louaient des mérites que je n’avais pas. Similaire, mais plus intense, plus consumant.

        T’as qu’à le faire croire à quelqu’un d’autre - il n’y a rien de mieux que ce visage. À moins que ce ne soit son corps. Oh.
        - Est-ce que c’est possible ? ricana Jessica.
        Bella ne se tourna pas. Elle continuait à fixer ce point au loin, ignorant Jessica.

        Une personne normale serait en pleine exultation. Peut-être que je devrais lui poser des questions plus simples. Ha ha. Comme si je parlais à un enfant à la garderie.
        - Alors, il te plaît vraiment ?
        J’étais de nouveau rigide.
        Bella ne regarda pas Jessica.
        - Oui.
        - Je veux dire, il te plaît vraiment ?
        - Oui.

        Regardez moi ça, elle rougit.
        - Il te plaît comment ? demanda Jessica.
        La salle d’anglais aurait pu s’enflammer, je ne l’aurais même pas remarqué. Le visage de Bella était rouge vif à présent - je pouvais presque sentir la chaleur émanant de cette image mentale.

        - Trop, murmura-t-elle. Plus que je ne lui plais. Mais je ne sais pas si j’arriverai à changer ça.

        Mince ! Qu’est ce que M. Varner vient juste de me demander ?
        - Hmm… quel numéro, M. Varner ?
     â€¨    Il était bien que Jessica arrête d'interroger Bella. J’avais besoin d’une minute.

        Mais à quoi cette fille pouvait-elle bien penser maintenant ?

     

    Chapitre 11. Interrogations (Part. 2)

        Plus que je ne lui plais ? Comment en était-elle arrivée à cette conclusion ? Mais je ne sais pas si j’arriverai à changer ça ? Qu’est-ce que c’était censé vouloir dire ? Je ne trouvais pas d’explication rationnelle à ces mots. Ils n’avaient pratiquement aucun sens.
        Il semblait que je ne pouvais rien prendre pour acquis. Des choses évidentes, parfaitement logiques, se retrouvaient complètement déformées et inversées dans son cerveau bizarre. Plus que je ne lui plais ? Peut-être ne devrais-je plus me fier à cet établissement.
        Je jetai un regard furieux à l'horloge, grinçant des dents. Comment de simples minutes pouvaient-elles paraître si incroyablement longues à un immortel comme moi ? Où était passé mon don pour relativiser les choses ?
     â€¨    Mes mâchoires restèrent serrées durant tout le cours de mathématiques de M. Varner. J’entendis plus de son cours que du mien. Bella et Jessica ne parlaient plus, mais Jessica jeta plusieurs fois des regards vers Bella, voyant son visage devenir écarlate une nouvelle fois sans raison apparente.

        Le déjeuner se faisait attendre.
        Je n’étais pas sûr que Jessica puisse obtenir certaines des réponses que j’attendais avant la fin du cours, mais Bella fut plus rapide qu’elle.

        Dès que la sonnerie retentit, Bella se retourna vers Jessica.
        - En Anglais, Mike m’a demandé si tu m’avais dit quelque chose à propos de lundi soir, dit Bella, un sourire à la commissure de ses lèvres.
        Je savais ce qu’elle faisait – l'attaque était la meilleure des défenses.
     â€¨    Mike a posé des questions sur moi ? La joie envahit l’esprit de Jessica en un instant, douce, irréfléchie, sans cette pointe sournoise qu’elle avait d’habitude.
        - Tu déconnes ? Qu’est ce que tu lui as dit ?

        - Je lui ai dit que tu t’étais beaucoup amusée – il avait l’air ravi.
     â€¨    - Dis-moi exactement ce qu’il t’a dit, et ta réponse exacte !

        C’était tout ce que je tirerais de Jessica aujourd’hui, apparemment. Bella souriait comme si elle pensait la même chose. Comme si elle avait gagné cette manche.

        Eh bien, le déjeuner serait une autre histoire. Je m'assurerais de lui soutirer plus de réponses que Jessica.
        Je ne supportai plus de vérifier les pensées de Jessica durant la dernière heure. Je n’avais plus aucune patience pour ses pensées obsessionnelles envers Mike Newton. J’en avais plus qu’assez de lui depuis deux semaines. Il pouvait s'estimer heureux d’être encore en vie.
        Alice et moi nous contentâmes de nous mouvoir d'un pas apathique pendant le cours de gym ; nous marchions toujours ainsi lorsqu’il s’agissait d’activité physique impliquant des humains. Elle était ma partenaire, naturellement. C’était le premier jour de badminton. Je soupirai d’ennui, bougeant la raquette au ralenti pour renvoyer le volant. Lauren Mallory était de l’autre côté ; elle le rata. Alice faisait virevolter sa raquette comme une matraque, fixant le plafond.
        Nous détestions tous la gym, surtout Emmett. Truquer les matchs était un affront à sa philosophie personnelle. Le cours de gym semblait pire aujourd’hui que d’habitude – je me sentais aussi irrité qu'Emmett.

        Avant que ma tête n’explose sous l’effet de l'impatience, le coach Clapp arrêta les matchs et nous fit sortir plus tôt. J’étais ridiculement reconnaissant qu’il ait loupé son petit déjeuner – une nouvelle tentative de régime –, la faim qui en résultait le pressant à quitter le campus pour aller trouver un déjeuner bien gras quelque part. Il se promit de le retenter le lendemain...
        Cela me donna assez de temps pour arriver au bâtiment de sciences avant que le cours de Bella ne finisse.

        Amuse-toi bien, pensa Alice en partant retrouver Jasper. Plus que quelques jours à patienter. Je suppose que tu ne diras pas bonjour à Bella de ma part, n’est-ce pas ?
        Je secouai la tête, exaspéré. Depuis quand les voyants étaient-ils aussi suffisants ?

        Pour ton information, il va faire super beau ce week-end, tu ferais mieux de réarranger tes plans.
        Je soupirai en continuant dans la direction opposée. Elle était suffisante, mais définitivement utile.

        Je m’adossai au mur devant de la porte, attendant. J’étais assez près pour entendre la voix de Jessica à travers le mur, aussi bien que ses pensées.
        - Tu ne vas pas t'asseoir avec nous aujourd’hui, n’est ce pas ? Elle a l’air toute... gaie. Je parie qu’il y a une tonne de trucs qu’elle ne m’a pas dits.
        - Je ne crois pas, répondit Bella, bizarrement incertaine.
        Ne lui avais-je pas promis que je passerais le déjeuner avec elle ? À quoi pensait-elle ?

        Elles sortirent de la classe ensemble, et leurs yeux s’écarquillèrent lorsqu’elles me virent. Mais je ne pouvais entendre que Jessica.
        Sympa. Wow. Oh oui, il y beaucoup plus que ce qu’elle m'a raconté. Peut-être que je l'appellerai ce soir... Ou peut-être que je ne devrais pas l’encourager. Ouais. J'espère qu’il va se lasser d’elle rapidement. Mike est mignon, mais... wow.
        - On se voit plus tard, Bella.
        Bella s'avança vers moi, s'arrêtant à quelques pas, toujours aussi incertaine. Sa peau était rose au niveau des joues.

        Je la connaissais assez bien désormais pour être sûr que cela n’était pas une hésitation due à la peur. Apparemment, il s’agissait plus d’un fossé qu’elle imaginait entre ses sentiments et les miens. Plus que je ne lui plais. Absurde.
        - Bonjour, lui dis-je d'une voix légèrement brusque.
        Son visage s’éclaira
        - Salut.
     â€¨    Elle ne semblait pas encline à dire quoi que ce soit d’autre, alors je l'accompagnai jusqu’à la cafétéria, elle marcha silencieusement à mes côtés.

        Le coup de la veste avait fonctionné – son parfum ne me faisait plus l’effet d'une explosion à présent. C’était juste une intensification de la douleur que je ressentais déjà. Je pouvais l’ignorer plus facilement que je ne l’aurais jamais cru possible.
        Bella était agitée en faisant la queue, jouant distraitement avec sa fermeture éclair, se balançant d’un pied à l’autre. Elle me jetait souvent des coups d’œil, mais dès qu’elle rencontrait mon regard, elle regardait par terre, embarrassée. Était-ce parce que tant de gens nous regardaient ? Peut-être pouvait elle entendre les murmures bruyants – la rumeur étaient aussi bien verbale que mentale aujourd’hui.
        Ou peut-être se rendait-elle compte, au vu de mon expression, qu’elle allait avoir des problèmes.
        Elle ne dit rien jusqu’à ce que je récupère son déjeuner. Je ne savais pas ce qu’elle aimait – pas encore – alors je pris un peu de tout.

        - Qu’est ce que tu fais ? siffla-t-elle, la voix basse. Tu ne prends pas tout ça pour moi ?
        Je secouai la tête, et poussai le plateau jusqu’à la caisse.
        - La moitié est pour moi, bien sûr.
        Elle haussa un sourcil, sceptique, mais n'ajouta rien tandis que je payais pour la nourriture et l’escortais à la table où nous nous étions assis la semaine précédente, juste avant l'expérience désastreuse sur les groupes sanguins. Il me semblait que c'était plus que quelques jours auparavant. Tout était différent à présent.

        Elle s’assit en face de moi. Je poussai le plateau dans sa direction.
         - Prends ce que tu veux, lui dis-je, encourageant.
        Elle prit une pomme, et la tourna dans sa main, le regard spéculatif.

        - Je suis curieuse.
        Quelle surprise.
        - Que ferais-tu si quelqu’un te défiait de manger de la nourriture ? continua-t-elle, la voix basse pour ne pas être entendue des oreilles humaines.
        Les oreilles d’immortels étaient une autre histoire, si ces oreilles-là prêtaient attention. J’aurais probablement dû leur en toucher un mot auparavant...
     â€¨    - Tu es toujours curieuse, me plaignis-je.
         Oh, et puis tant pis. Ce n’était pas comme si je n’avais pas eu à manger avant. Cela fait partie de la mascarade. Une partie pas très plaisante. J’attrapai la chose la plus proche de moi, et soutins son regard en mordant un petit bout de cette chose. Sans regarder, je n’aurais su dire de quoi il s’agissait. C’était gluant, visqueux et repoussant, comme toute nourriture humaine. Je mâchai promptement et avalai, essayant de m'empêcher de grimacer. Le morceau de nourriture descendit lentement et inconfortablement le long de ma gorge. Je soupirai en pensant que j’allais m’étouffer plus tard en le recrachant. Répugnant.

        Bella était choquée. Impressionnée.
         Je voulus lever les yeux au ciel. Bien sûr, nous avions perfectionné notre petite supercherie.
        - Si quelqu’un te défiait de manger de la terre, tu pourrais le faire, n’est-ce pas ?
     â€¨    Son nez se fronça, et elle sourit.
       
    - Je l’ai fait une fois... c’était un pari. Ce n’était pas si horrible.
     â€¨    - J’imagine que je ne dois pas être surpris,
    ris-je.
        Ils ont l’air intimes, non ? Un bon langage corporel. Je donnerai mon opinion à Bella plus tard. Il se penche vers elle comme il devrait le faire s'il était intéressé. Il a l’air intéressé. Il a l’air... parfait. Jessica soupira. Mmm.
        Je croisai les yeux curieux de Jessica, elle se détourna nerveusement, gloussant avec la fille à côté d’elle.
        Hmm, c’est probablement mieux de me contenter de Mike. La réalité, pas de fantasmes...
        - Jessica est en train d’analyser tout ce que je fais, informai-je Bella. Elle te retranscrira le tout plus tard.
     â€¨    Je poussai l’assiette pleine de nourriture vers elle – de la pizza, réalisai-je – me questionnant sur le meilleur moyen d’entamer le sujet. Mon ancienne frustration resurgit lorsque les mots se répétèrent dans ma tête : Plus que je ne lui plais. Mais je ne sais pas si j’arriverai à changer ça.
        Elle mordit dans la même part de pizza. Cela m’étonna de voir à quel point elle avait confiance. Bien sûr, elle ne savait pas que j’étais venimeux – même si le fait de partager de la nourriture ne la tuerait pas. Tout de même, je m’attendais à ce qu’elle me traite différemment. Comme quelque chose d’autre. Elle ne le faisait jamais – du moins pas de façon négative...

        Je commencerais doucement.
        - Alors comme ça, la serveuse était jolie ?
     â€¨    Elle souleva un sourcil de nouveau.
        - Tu n’as vraiment pas remarqué ?
     â€¨    Comme si une femme pouvait espérer détourner mon attention de Bella. Absurde, une fois de plus.
        - Non. Je ne lui prêtais pas attention. J’avais autre chose en tête.
        Et le fin corsage qu'elle portait ce soir-là n'avait pas été la moindre de ces choses… Heureusement qu’elle avait cet horrible sweater aujourd’hui.
        - Pauvre fille, dit Bella en souriant.
        Elle aimait le fait que je n’aie pas du tout trouvé la serveuse à mon goût. Je pouvais le comprendre. Combien de fois avais-je souhaité paralyser Mike Newton en cours de biologie ?

        Elle ne pouvait pas réellement penser que ses sentiments humains, fruit de dix-sept courtes années de mortelle, puissent être plus forts que ces passions immortelles que j’avais bâties en moi en un siècle.
        - Il y a quelque chose que tu as dit à Jessica... (Je ne pouvais pas garder un ton décontracté.) Eh bien, ça me dérange.
     â€¨    Elle fut immédiatement sur la défensive.
        - Je ne suis pas surprise que tu aies entendu quelque chose qui ne t’a pas plu. Tu sais ce qu’on dit des oreilles indiscrètes.
     â€¨    Les oreilles indiscrètes n’entendent jamais de compliments, c’était ce qu'on disait.
        - Je t’avais prévenue que j’écouterais, lui rappelai-je.
        - Et je t’avais prévenu que tu ne voudrais pas savoir tout ce que je pense.
     â€¨    Ah
    , elle repensait au moment où je l’avais fait pleurer. Le remords durcit ma voix.

        - C’est vrai. Mais tu n’as pas tout à fait raison cependant. Je veux savoir tout ce que tu penses – tout. J’aimerais juste... que tu ne penses pas certaines choses.
     â€¨    Un autre demi-mensonge. Je savais que je ne devais pas vouloir qu’elle m’aime. Mais je le voulais. Bien sûr que je le voulais.

        - C’est une sacrée distinction, marmonna-t-elle, me regardant avec hargne.
        - Mais ce n’est pas exactement le sujet du moment.
     â€¨    - Alors c’est quoi ?

     â€¨    Elle se pencha vers moi, la main soutenant légèrement sa gorge. Cela attira mes yeux – me déconcentra. Combien cette peau devait être douce...
        Concentre-toi, m’ordonnai-je.
        - Crois-tu réellement que tu es plus attirée par moi que moi par toi ? demandai-je.
        La question me sembla ridicule, comme si les mots étaient brouillés.
        Ses yeux étaient grands ouverts, et sa respiration s'arrêta. Elle détourna le regard, clignant des yeux très vite. Sa respiration se transforma en faible halètement.
        - Tu le fais encore, murmura-t-elle.

        - Quoi ?

        - M’éblouir,
    admit-elle, rencontrant prudemment mes yeux.

        - Oh.
        Hmm. Je ne savais pas trop quoi faire à ce propos. Je ne savais pas non plus si je voulais ne plus l’éblouir. J’étais toujours excité de savoir que je le pouvais. Mais cela n’aidait pas la progression de la conversation.
        - Ce n’est pas ta faute, soupira-t-elle. Tu ne peux pas t’en empêcher.
     â€¨    - Est-ce que tu vas répondre à ma question ?
    demandai-je.

        Elle fixa la table.
        - Oui.
        Ce fut tout ce qu’elle dit.

        - Oui, tu vas répondre à ma question, ou oui c’est vraiment ce que tu penses ? demandai-je, impatient.
        - Oui, c’est vraiment ce que je pense, dit-elle sans lever les yeux.
        Il y avait une légère pointe de tristesse dans sa voix. Elle rougit de nouveau, ses dents bougeant inconsciemment pour tripoter se lèvres.
        Abruptement, je réalisai que cela lui coûtait de l’admettre, car elle y croyait vraiment. Et je n’étais pas meilleur que ce lâche de Mike, lui demandant de confirmer ses sentiments avant de confirmer les miens. Cela ne comptait pas que j'aie eu l'impression que mes sentiments étaient transparents. Je ne l’avais pas convaincue, je n’avais aucune excuse.
        - Tu as tort, promis-je.
        Elle devait entendre la tendresse dans ma voix. Bella leva des yeux opaques, ne laissant rien transparaître.
        - Tu ne peux pas le savoir, murmura-t-elle.
        Elle pensait que je sous-estimais ses sentiments pour moi parce que je ne pouvais pas entendre ses pensées. Mais, en réalité, le problème était qu’elle sous-estimait les miens.

        - Qu’est-ce qui te fait penser ça ? questionnai-je.
        Elle me fixa, une ride entre ses sourcils, se mordant toujours les lèvres. Pour la millionième fois, j'espérai désespérément pouvoir l’entendre.
        J’étais sur le point de la supplier de me dire avec quelles pensées elle se débattait, mais elle leva un doigt pour m'empêcher de parler.

        - Laisse-moi réfléchir, exigea-t-elle.
        Tant qu’elle organisait simplement ses pensées, je serais patient.
        Ou je pouvais faire semblant de l’être.
        Elle pressa ses mains l’une contre l’autre, croisant et décroisant ses doigts fins. Elle regarda ses mains comme si elles appartenaient à quelqu’un d’autre lorsqu’elle parla.
        - Eh bien, si on laisse de côté ce qui semble évident, murmura-t-elle, parfois... je ne suis pas sûre – je ne sais pas comment lire dans les esprits, moi – mais parfois on dirait que tu essaies de dire au revoir quand tu dis autre chose.
        Elle ne leva pas les yeux.
        Elle s'était aussi rendue compte de ça ? Avait-elle compris que seuls ma faiblesse et mon égoïsme me gardaient près d’elle ? Était-ce pour cela qu'elle se méprenait sur mon compte?
        - Perspicace, soufflai-je, puis je regardai avec horreur la douleur envahir son visage.
        Je me dépêchai de contredire cette supposition.
        - Pourtant, c’est exactement pour cela que tu as tout faux, commençai-je avant de faire une pause, me souvenant les premiers mots de son explication.
        Ils me dérangeaient, même si je n’étais pas sûr de complètement les comprendre.
        - Que veux-tu dire par évident ?
     â€¨    - Eh bien, regarde moi,
    dit elle.
        Je la regardai. Je ne faisais que la regarder depuis le début. Que voulait-elle dire?
        - Je suis absolument ordinaire, expliqua-t-elle. Enfin, sauf pour toutes ces mauvaises choses, comme frôler la mort, ou être si maladroite que j’en suis presque handicapée. Et regarde- toi.
        Elle éventa l’air de sa main en l'agitant dans ma direction, comme si elle présentait un argument tellement évident que cela n’avait pas besoin d’être dit à haute voix.
        Elle se trouvait ordinaire ? Bête, bornée, aveugle comme Jessica ou Mrs Cope ? Comment ne pouvait-elle pas se rendre compte qu’elle était la plus belle... la plus exquise... Ces mots n’étaient même pas assez forts.
        Et elle n’en savait rien.

        - Tu n’as pas une idée très juste de toi-même, tu sais, lui dis-je. J’admets que tu es irrécupérable en ce qui concerne les problèmes...
        Je ris sans humour. Je ne trouvais pas le destin maléfique qui la hantait amusant le moins du monde. Sa maladresse, par contre, était plutôt drôle. Attachante. Me croirait-elle si je lui disais qu’elle était magnifique, à l'intérieur comme à l'extérieur ? Peut-être trouverait-elle la corroboration plus persuasive.
        - Mais tu n’as pas entendu ce que tous les garçons humains pensaient de toi le tout premier jour.
     â€¨    Ah, l'espoir, le frisson, la ferveur de ces pensées. La vitesse à laquelle elles s’étaient transformées en impossibles fantasmes. Impossibles parce qu’elle ne désirait aucun d’eux.
        J’étais celui à qui elle avait dit oui.
        Mon sourire dut lui paraître trop sûr de lui.

        Son visage était plein de surprise.
        - Je ne te crois pas, marmonna-t-elle.
        - Crois-moi là-dessus – tu es l’opposé d’une personne ordinaire.
     â€¨    Son existence seule justifiait la création du monde entier.
        Elle n’était pas accoutumée à se faire complimenter, je pouvais le voir. Une autre chose à laquelle elle devrait s’habituer. Elle rougit puis changea de sujet.
        - En tout cas, moi, je ne te dis pas au revoir.
        - Ne vois-tu pas ? C’est ce qui prouve que j’ai raison. Je t’apprécie plus que toi, parce que si je peux le faire...

        Serais-je un jour assez altruiste pour faire ce qui était juste ? Je secouai ma tête de désespoir. Je devrais trouver la force. Elle méritait d’avoir une vie. Pas celle qu'Alice avait prévue pour elle.
        - Si partir est la bonne chose à faire...
        Et cela devait être la bonne chose, n’est ce pas ? Il n’y avait pas d’ange imprudent. Bella n'était pas à sa place avec moi.
        - Alors je pourrais souffrir pour m'empêcher de te faire du mal, pour que tu sois en sécurité.
        En disant ces mots, j'espérai qu’ils puissent être vrais.
        Elle me jeta un regard furieux. D’une certaine façon, mes mots ne l’avaient pas effrayée.
        - Et tu penses que je ne ferais pas pareil à ta place ? demanda-t-elle furieuse.
        Tellement furieuse – tellement douce et fragile. Comment pourrait-elle un jour faire du mal à quelqu’un ?
        - Tu n’auras jamais à faire ce genre de choix, lui dis-je, de nouveau déprimé par l’immense différence entre nous deux.
        Elle me fixa, l’inquiétude remplaçant la colère dans ses yeux, amenant son front à se plisser. Il y avait quelque chose de vraiment tordu dans l’ordre de l’univers si quelqu’un d’aussi bon et si fragile ne méritait pas un ange gardien pour la protéger.
        Eh bien, pensai-je avec humour noir, au moins elle a un vampire gardien.

        Je souris. Combien j’aimais cette excuse qui me permettait de rester.
        - Bien sûr, te garder en vie commence à être une occupation à part entière qui requiert ma présence constante.
     â€¨    Elle sourit aussi.
        - Personne n’a essayé d’en finir avec moi aujourd’hui, dit-elle à la légère, puis son visage se fit hésitant durant une demi-seconde avant que ses yeux ne redeviennent opaques.
        - Pas encore, ajoutai-je sèchement.
        - Pas encore, acquiesça-t-elle à ma surprise.
        Je m’attendais à ce qu’elle démente son besoin d’être protégée.
     â€¨    Comment peut-il ? Cet abruti égoïste ! Comment peut-il nous faire ça ? Les pensées perçantes de Rosalie brisèrent ma concentration tant elle paraissait les hurler.

        - Calme-toi, Rose, entendis-je Emmett murmurer de l’autre côté de la cafétéria.
        Son bras était autour des épaules de Rosalie, la serrant fort contre lui – la retenant. Désolée, Edward, pensa Alice, honteuse. Elle a deviné que Bella en savait trop à cause de votre conversation..., et puis ça aurait été pire si je ne lui avais pas dit la vérité tout de suite. Crois-moi là-dessus.
        Je tressaillis à l’image mentale qui suivit, à ce qui serait arrivé si j’avais dit à Rosalie que Bella savait que j’étais un vampire, à la maison, où Rosalie n’avait pas à sauver les apparences. Il faudrait que je cache mon Aston Martin quelque part hors de l’Etat si elle ne se calmait pas avant la fin des cours. Imaginer ma voiture préférée mutilée et brûlée était contrariant – mais je savais que je méritais cette vengeance.
        Jasper n’était pas très content non plus.

        Je m’occuperais des autres plus tard. Je n’avais pas beaucoup de temps à passer avec Bella, et je n’allais pas le gâcher. Et entendre Alice me rappela que j’avais quelques affaires à régler.

        - J’ai une autre question, dis-je, éteignant les pensées hystériques de Rosalie.
        - Mince, dit Bella en souriant.

        - Tu dois vraiment aller à Seattle ce samedi ou est-ce que c’est juste une excuse pour repousser tes admirateurs ?
     â€¨    Elle me fit une grimace.
        - Tu sais, je ne t’ai toujours pas pardonné pour le truc avec Tyler. C’est ta faute s'il se fait des illusions en se persuadant qu’il va m’emmener au bal de fin d’année.
        - Oh, il aurait bien trouvé un moyen de te demander sans que je ne l’aide – je voulais juste voir ta tête.

        Je riais à présent, me souvenant son expression effarée. Rien de ce que je lui avais raconté sur mon histoire sombre ne l’avait jamais fait paraître si horrifiée. La vérité ne l’effrayait pas. Elle voulait être avec moi. Stupéfiant.

        - Si je t’avais demandé, tu m’aurais repoussé ?
     â€¨    - Probablement pas,
    dit-elle. Mais j’aurais annulé plus tard – feignant une maladie ou une entorse à la cheville.
     â€¨    Bizarre.
        - Pourquoi ferais-tu ça ?
     â€¨    Elle secoua la tête, comme si elle était déçue que je n'aie pas saisi du premier coup.
        - Tu ne m’as jamais vue en gym, j’imagine, mais je pensais que tu aurais compris.
     â€¨    Ah.
        - Est-ce que tu fais référence au fait que tu ne peux pas traverser une surface plate et stable sans trouver un moyen de trébucher sur quelque chose ?

        - Evidemment.
        - Ça ne sera pas un problème. Tout est dans le cavalier.

     â€¨    Pendant une brève fraction de seconde, je fus envahi par l’idée de la tenir dans mes bras pour une danse – où elle porterait sûrement quelque chose de joli et délicat plutôt que ce sweater hideux.
        Avec une clarté parfaite, je me souvins de la sensation de son corps sous le mien après que j’ai écarté le van de son chemin. Plus fort que la panique, le désespoir ou la contrariété, je pouvais très bien me souvenir de cette sensation. Elle avait été si chaude et si douce, son corps épousant si bien la forme de mes bras de pierre…
        Je m’arrachai à ce souvenir.

        - Mais tu ne m’as répondu, dis-je rapidement, l'empêchant de se disputer avec moi sur sa maladresse, comme elle semblait prête à le faire. Es-tu résolue à aller à Seattle ou est-ce que ça t'irait que nous fassions quelque chose de différent ?
        Sournois – lui laisser le choix sans lui donner l’opportunité de se débarrasser de moi ce jour-là. C’était injuste de ma part. Mais je lui avais fait une promesse la nuit dernière... Et j’aimais assez l’idée de la remplir – presque autant que cette idée me terrifiait.

        Le soleil brillerait samedi. Je pourrais lui montrer le vrai moi, si j’étais assez fort pour supporter son horreur et son dégoût. Je connaissais l’endroit parfait pour prendre un tel risque...
     â€¨    - Je suis ouverte à toutes les options, dit Bella. Mais j’ai une faveur à te demander.
        Un oui nuancé. Qu’attendait-elle de moi ?

        - Quoi ?

        - Est-ce que je peux conduire ?
     â€¨    Était-ce une blague ?
        - Pourquoi ?
     â€¨    - Eh bien, surtout parce que quand j’ai dit à Charlie que j’allais à Seattle, il m’a spécifiquement demandé si j’y allais seule, et à ce moment-là, c’était le cas. S'il me redemande, je ne lui mentirai probablement pas, mais je ne pense pas qu’il le fera, et laisser ma camionnette à la maison ramènerait le sujet inutilement. Et en plus, ta façon de conduire m’effraie.

        Je levai les yeux au ciel.
        -  Parmi toutes les choses qui pourraient t’effrayer, tu te préoccupes seulement de ma conduite.
        Vraiment, son cerveau fonctionnait à l’envers. Je secouai la tête, dégoûté.
        Edward, appela Alice avec urgence.

        Soudain je vis à un halo de lumière, coincé dans une des visions d’Alice.
        Il s’agissait d’un endroit que je connaissais bien, l’endroit où je comptais emmener Bella – une petite clairière où personne n’allait jamais à part moi-même. Un jolie petit endroit au calme ou je pouvais compter me retrouver seul – assez loin des sentiers ou des habitations humaines, là où même mon esprit pouvait trouver paix et silence.

        Alice la reconnut elle aussi, parce qu’elle m’y avait vu peu de temps auparavant dans une autre de ses visions – une des visions indistinctes et vacillantes qu’elle m’avait montrées le jour où j’avais sauvé Bella du van.
        Dans cette vision vacillante, je n’avais pas été seul. Et maintenant, c’était clair – Bella était là-bas avec moi. Donc j’étais assez courageux. Elle me regarda, un arc-en-ciel dansant sur son visage, les yeux indescriptibles.

        C’est le même endroit, pensa Alice, l’esprit plein d’une horreur qui ne correspondait pas à la vision. De la tension à la limite, mais de l’horreur ? Que voulait-elle dire, le même endroit ?
        Puis je la vis.
        Edward ! protesta Alice avec virulence. Je l’aime, Edward !
     â€¨    J’éteignis brutalement sa voix mentale.
     â€¨    Elle n’aimait pas Bella comme moi je l’aimais. Sa vision était impossible. Fausse. Elle était aveuglée par quelque chose, voyant l’impossible.
        À peine une demi-seconde s’était écoulée. Bella avait l’air curieuse, attendant que j’approuve sa requête. Avait-elle remarqué le flash d'appréhension ou avait-il été trop rapide pour elle ?
        Je me concentrai sur elle, sur notre conversation inachevée, repoussant Alice et ses mauvaises visions loin de mes pensées. Elles ne méritaient pas mon attention.
        Je n’étais pas capable de garder un ton joueur, toutefois.
        - Ne veux-tu pas dire à ton père que tu passeras la journée avec moi ? demandai-je, les ténèbres envahissant ma voix.
        Je repoussai les visions une nouvelle fois, essayant de les éloigner au maximum, les empêcher de clignoter dans ma tête.
        - Charlie, moins il en sait, mieux il se porte dit Bella, sûre de cette déclaration. Où va-t-on de toute façon ?
     â€¨    Alice avait tort. Complètement tort. Il n’y avait aucune chance que cela se produise. C’était juste une vieille vision, invalide à présent. Les choses avaient changé.
        - Il fera beau, dis-je doucement, luttant contre ma panique et mon indécision.
        Alice avait tort. J’allais continuer comme si je n’avais rien vu, rien entendu.
        - Donc, je ne peux pas être vu en public... et tu peux rester avec moi si tu veux.
     â€¨    Bella comprit tout de suite ce que cela impliquait ; ses yeux étaient brillants et enthousiastes.
        - Et tu me montreras ce que tu m’as expliqué, à propos du soleil ?
     â€¨    Peut-être, comme bien des fois auparavant, que réactions seraient-elles à l’opposé de ce que j'attendais. Je souris devant cette possibilité, luttant pour retourner à ce moment léger.
        - Oui. Mais... (Elle n’avait pas dit oui.) Si tu ne veux pas être... seule avec moi, je préférerais encore que tu n’ailles pas toute seule à Seattle. Je tremble en pensant aux problèmes que tu pourrais rencontrer dans une ville de cette taille.
        Ses lèvres se pressèrent l’une contre l’autre ; elle était vexée.

        - Phoenix fait trois fois la taille de Seattle – juste par sa population. En terme géographique…
        - Mais apparemment, ton compte n’était pas encore bon à Phoenix,
    dis-je coupant ses justifications. Donc, je préférerais que tu restes avec moi.
     â€¨    Même si elle restait pour l'éternité, ce ne serait jamais assez long.

        Je ne devais pas penser ainsi. Nous n’avions pas tout ce temps. Chaque seconde qui passait comptait plus que jamais ; chaque seconde la changeait alors que je restais le même.
        - Il se trouve que ça ne me dérange pas d’être seule avec toi, dit-elle.

        Non – parce que ces instincts étaient complètement inversés.
     â€¨    - Je sais, soupirai-je. Mais tu devrais quand même le dire à Charlie.
     â€¨    - Mais pourquoi diable ferais-je ça ? demanda-t-elle, l’air horrifiée.

        Je la fixai, les visions que je ne pouvais plus vraiment réprimer tourbillonnant dans ma tête.
     â€¨    - Pour m’inciter à te ramener, sifflai-je.
        Elle pourrait au moins faire ça – m'offrir un témoin pour me pousser à être prudent. Pourquoi Alice m’avait-elle forcé à prendre en compte cette information ?

        Bella déglutit bruyamment, puis me fixa durant un long moment. Que voyait-elle ?
     â€¨    - Je pense que je vais prendre le risque, dit-elle.
        Hou ! Est-ce qu’elle trouvait du plaisir à mettre sa vie en danger ? Sous le besoin d'une poussée d'adrénaline ?
     â€¨    Je regardai Alice d’un air renfrogné, elle rencontra mon regard, l’air alertée. À côté d’elle, Rosalie fulminait, mais je m’en moquais. Qu’elle détruise ma voiture. Ce n’était qu’un jouet.
     â€¨    - Parlons de quelque chose d’autre, suggéra soudainement Bella.
        Je la regardai de nouveau, me demandant comment elle pouvait être si inconsciente de ce qui avait vraiment de l’importance. Pourquoi ne me voyait-elle pas pour le monstre que j’étais ?

        - De quoi veux-tu parler ?
     â€¨    Ses yeux balayèrent rapidement les alentours du regard, comme si elle vérifiait que personne ne nous écoutait. Elle devait prévoir de me présenter un autre sujet relatif à la mythologie. Ses yeux se glacèrent durant une seconde et son corps se raidit, puis elle me regarda de nouveau.
        - Pourquoi êtes-vous allés à Goat Rocks le week-end dernier... Pour chasser ? Charlie dit que ce n’est pas un bon endroit pour faire de la randonné, à cause des ours.
        Tellement inconsciente. Je la fixai, levant un sourcil.

        - Des ours ? haleta-t-elle.
        Je souris sèchement, la regardant digérer l’information. Allait-elle me prendre au sérieux à présent ? Quelque chose la ferait-elle jamais me prendre au sérieux ?
        Elle se reprit.
        - Tu sais, ce n’est pas la saison des ours, dit-elle sévèrement, plissant les yeux.

        - Si tu lis attentivement les textes, la loi n'interdit que la chasse armée.
     â€¨    Elle ne parvint pas à contrôler ses expressions durant un moment. Sa mâchoire se décrocha.
        - Des ours ? dit-elle de nouveau ; c’était une plus une tentative de question qu’une affirmation cette fois.

        - C’est ce qu’Emmett préfère.
     â€¨    Je regardai ses yeux, et la vis essayer d'assimiler cette découverte.

        - Hmm, murmura-t-elle.
        Elle prit un bout de pizza en regardant vers le bas. Elle mâcha pensivement, puis but un peu.

        - Donc, dit-elle finalement en levant les yeux. C’est quoi ton préféré ?
     â€¨    J’aurais dû m’attendre à quelque chose dans le genre, mais ce n’était pas le cas. Du moins, Bella était toujours intéressante.

        - Le puma, répondis-je brusquement.

        - Ah, dit-elle d’un ton neutre.
        Son rythme cardiaque restait calme et égal, comme si nous parlions de notre restaurant préféré. Très bien, dans ce cas. Si elle voulait se comporter comme si tout cela était naturel…
        - Bien sûr, nous devons faire attention à notre impact sur l’environnement en chassant judicieusement, lui dis-je, la voix froide et détachée. Nous essayons de nous concentrer sur des zones surpeuplées par les prédateurs – même si nous devons parfois aller très loin. Il y a toujours beaucoup de cerfs et d’élans, cela suffirait, mais où serait le plaisir ?
     â€¨    Elle écoutait avec un intérêt poli, comme si j’étais un professeur lui faisant la leçon. Je fus obligé de sourire.
     â€¨    - Où, en effet, murmura-t-elle calmement en prenant une autre bouchée de pizza.

        - Le début du printemps est le moment qu’Emmett préfère pour chasser les ours, dis-je, continuant ma leçon. Ils sortent tout juste de leur hibernation, ils sont tellement irritables.
     â€¨    Soixante-dix années avaient passé, et il ne se résignait toujours pas à manquer cette première rencontre.
        - Rien de tel qu’un grizzly furieux, acquiesça Bella en dodelinant solennellement de la tête.

        Je ne pus réfréner un gloussement en secouant ma tête devant son calme illogique. Je devais le dire.
        - Dis-moi vraiment ce que tu penses, s’il te plaît.
     â€¨    - J’essaie de l’imaginer, mais je n’y arrive pas, dit elle, la ride apparaissant entre ses yeux. Comment chassez-vous, sans armes ?
     â€¨    - Oh, nous avons des armes, lui dis-je en lui faisant un large sourire.
        Je m'attendais à ce qu’elle recule, mais elle était toujours immobile, à me regarder.
        - Simplement ce ne sont pas celles qui sont prises en compte dans les textes de lois sur la chasse. Si tu as déjà vu une attaque d’ours à la télévision, tu devrais avoir une assez bonne idée de ce à quoi ressemble Emmett quand il chasse.
     â€¨    Elle jeta un coup d’œil vers la table à laquelle les autres étaient assis, et frissonna. Enfin. Puis, je ris pour moi-même, car je savais que quelque part, son inconscience me manquerait.
        Ses grands yeux sombres et profonds me fixaient à présent.
        - Toi aussi, tu ressembles à un ours ? dit-elle dans un demi-murmure.

        - Non, plus à un puma, du moins c’est ce que les autres disent, lui dis-je, m'efforçant de paraître détaché de nouveau. Peut-être que nos préférences son révélatrices.
     â€¨    Les coins de ses lèvres se soulevèrent.
        - Peut-être, répéta-t-elle.
        Puis sa tête se pencha sur le côté, et la curiosité sembla briller dans ses yeux.
        - Est-ce une chose à laquelle je pourrais assister un jour ?
     â€¨    Je n’avais pas besoin d’images d’Alice pour m’illustrer l’horreur – mon imagination suffisait amplement.
        - Certainement pas, grognai-je.

        Elle tressaillit en se détournant, les yeux déconcertés et effrayés.

        Je me reculai sur ma chaise, moi aussi, essayant de mettre un maximum d’espace entre nous. Elle ne comprendrait jamais, n’est ce pas ?  Elle n’allait rien faire pour m’aider à la garder en vie.
     â€¨    - Trop effrayant pour moi ? demanda-t-elle, la voix calme de nouveau. Son cœur, par contre, battait toujours la chamade.
        - Si ce n’était que ça, je t'emmènerais dès ce soir, rétorquais-je à travers les dents. Tu as besoin d’une bonne dose de peur. Rien ne pourrait t’être plus bénéfique.
        - Alors quoi ? demanda-t-elle sans se laisser démonter.
        Je la regardai furieusement, les yeux vides, attendant qu’elle prenne peur. Mais c’était moi qui avais peur. Je ne pouvais que trop bien imaginer Bella proche de moi alors que je chassais...

        Ses yeux se firent curieux, impatients, rien de plus. Elle attendait une réponse, elle ne lâcherait pas.
        Mais il était l’heure d’aller en cours.

        - Plus tard, dis-je sautant sur mes pieds. Nous allons être en retard.
     â€¨    Elle regarda autour d’elle, désorientée, comme si elle avait oubliée que nous étions en plein déjeuner. Comme si elle avait même oublié que nous étions au lycée – surprise que nous ne soyons pas seuls dans quelque endroit privé. Je comprenais parfaitement ce sentiment. Il était dur de me souvenir du reste du monde lorsque j’étais avec elle.
     se leva rapidement, vacilla un peu et jeta son sac sur ses épaules.
        - Plus tard alors, dit-elle, et je pus voir sa détermination ; elle allait me retenir là-dessus.


    votre commentaire
  • Chapitre 10. Théorie (part.1)


        - Puis-je juste te demander une dernière chose ? entama-t-elle au lieu de répondre à ma demande.
    
    J’étais tendu, anxieux d’entendre la suite. Et pourtant, combien il était tentant de prolonger ce moment. Avoir Bella avec moi, de son plein pour quelques secondes supplémentaires. Je soupirai devant le dilemme.
        - Juste une.
        - Eh bien...

        Elle hésita durant un court moment, comme si elle se demandait quelle question poser.
        - Tu as dit que tu savais que je n’étais pas rentrée dans la librairie, et que j’étais allée vers le sud. Je me demandais juste comment as-tu fait pour le savoir?
     â€¨   
    Je regardai à travers la fenêtre. Voilà une autre question qui ne révélait rien de ses suppositions, et beaucoup trop sur moi.

        - Je pensais qu’on avait dépassé le stade où tu te défilais ? dit elle, la voix pleine de sarcasme et de déception.
        Quelle ironie. Elle-même se défilait sans même le savoir.

        Eh bien, elle voulait que je sois direct. Et cette conversation ne menait à rien de toute façon.
        - Très bien, tu l’auras voulu, dis-je. Je t’ai flairée.

       
    Je voulus regarder son visage, mais j’avais peur de ce que j’allais y voir. A la place, j’écoutai sa respiration s’accélérer puis se stabiliser. Elle parla de nouveau après un moment, et sa voix fut plus contrôlée que je ne l’aurais cru.

        - Et puis, tu n’as pas répondu à l’une de mes premières questions... dit-elle.
        Je la regardai, fronçant les sourcils. Elle ne bougeait plus.
        - Laquelle ?

        - Comment ça marche – pour lire dans les pensées ?
    demanda-t-elle, réitérant sa question du restaurant. Est-ce que tu peux lire les pensées de tout le monde, partout ? Comment fais-tu ? Est-ce que le reste de ta famille...?
        Elle enchaîna tout, rougissant de nouveau.

        - Ça fait plus qu’une question, dis-je.
    
    Elle me regarda, attendant ses réponses.
    
    Pourquoi ne pas tout lui dire ? Après tout, elle avait deviné une grande partie, et c’était un sujet plus facile que celui qui allait suivre.
   
        - Non, je suis le seul. Et je ne peux pas entendre tout le monde partout. Je dois être assez près. Plus la voix est... familière, plus je peux l'entendre de loin. Mais pas plus que quelques kilomètres.
        J’essayai de penser à un moyen de le décrire pour qu’elle puisse comprendre. Une analogie à laquelle elle pourrait s'accrocher.
        - C’est un peu comme être dans un grand hall rempli de gens qui parlent tous en même temps. C’est un brouhaha – des voix en arrière-plan. Il faut que je me concentre sur une voix, et ce que cette personne pense devient clair. La plupart du temps, j’éteins tout – c'est très perturbant sinon. Et puis c’est plus facile de me comporter normalement ainsi (Je grimaçai.) quand je réponds aux mots des gens plutôt qu'à leurs pensées.

        - À ton avis, pourquoi ne peux-tu pas m’entendre ?
    demanda-t-elle.

        J’allais lui dire la vérité grâce à une autre analogie.
   
         - Je ne sais pas, admis-je. Ma seule supposition c’est que ton esprit ne fonctionne pas comme ceux des autres. Comme si tu était sur ondes courtes alors que je ne capte que les ondes longues.
        Je réalisai qu’elle n’aimerait pas cette analogie là. L'anticipation de sa réaction me fit sourire. Elle ne me déçut pas.
          - Mon esprit ne fonctionne pas correctement ? demanda-t-elle, la voix remplie de chagrin. Est-ce qu’il y a un problème avec moi ?
          Ah, encore l’ironie.
         - Je lis dans les pensées, et tu penses que tu as un problème.
         Je ris. Elle comprenait les moindres petits détails, et pourtant, les choses évidentes lui échappaient. Elle avait de mauvais instincts...
     â€¨    Bella mordillait ses lèvres, et le creux entre ses yeux se plissa.
         - Ne t’inquiète pas, la rassurai-je. C’est juste une théorie...
         Et il y avait une théorie bien plus importante dont nous devions discuter. J’étais anxieux d’en finir.  Chaque seconde qui passait me semblait de plus en plus comme la dernière.
   
         - Ce qui nous ramène à toi,
    dis-je, divisé en deux, anxieux et réticent.
   
         Elle poussa un soupir, mordant toujours sa lèvre - je me demandai si allait se faire mal. Elle fixa mes yeux, le visage crispé.
   
         - Est-ce que tu te défiles ?
    dis-je doucement.
   
         Elle baissa le regard, luttant avec elle même. Soudainement, elle ouvrit grand les yeux. La peur s’inscrivit sur son visage pour la première fois.
         - Oh mon Dieu ! hurla-t-elle.
         Je paniquai. Qu’avait-elle vu ? Comment l’avais-je effrayée ?
         Puis elle lança
         - Ralentis !
         - Qu’est ce qui ne va pas ?
     
        Je ne comprenais pas d’où venait sa terreur.
         - Tu roules à 160 kilomètres heure ! hurla-t-elle.
         Elle jeta un regard par la fenêtre, en direction des arbres sombres qui filaient sur le côté. C’était ça, un petit peu de vitesse qui l’avait terrorisée ?
         Je levai les yeux au ciel.
         - Relax, Bella.
         - Est-ce que tu essaies de nous tuer ?
    demanda-t-elle, sa voix haute et aiguë.
         - On ne va pas avoir d’accident, lui promis-je.
         Elle reprit sa respiration puis dit un peu plus fort.
         - Pourquoi vas-tu si vite ?
         - Je conduis toujours ainsi.
        
    Je rencontrai son regard, amusé par son expression choquée.
         - Garde tes yeux sur la route, me cria-t-elle.
         - Je n’ai jamais eu d’accidents, Bella. Je n’ai même jamais eu d’amendes.
         Je lui fis une grimace en me touchant le front. Cela fut encore plus drôle - l’absurdité de pouvoir lui faire une blague sur un sujet aussi secret et bizarre.
         - J’ai un détecteur de radar intégré.
         - Très drôle,
    dit-elle sur un ton sarcastique, sa voix plus effrayée qu'énervée.
         - Charlie est un flic, tu te souviens ? J’ai le code de la route dans le sang. Et puis, si tu écrasais ta petite Volvo contre un tronc d’arbre, tu t’en sortirais probablement indemne.
         - Probablement,
    répétai-je, riant sans humour.
         Oui, nous nous en sortirions différemment dans un accident de voiture. Elle avait raison d’avoir peur, malgré ma conduite...
         - Mais toi non.
         En soupirant, je réduisis la vitesse de la voiture.
         - Contente ?
         Ses yeux se fixèrent sur le compteur.
         - Presque.
        
    C’était encore trop rapide pour elle ?
         - Je déteste conduire lentement, murmurai-je, laissant l’aiguille s'abaisser un peu plus.
         - C’est lent pour toi, ça ? demanda-t-elle.
         - Assez de commentaires sur ma façon de conduire, dis-je impatiemment.
        
    Combien de fois avait-elle éludé ma question ? Trois ? Quatre ? Ses spéculations étaient-elles si horribles ? Je devais le savoir – immédiatement.
         - J’attends toujours ta dernière théorie.
         Elle mordilla ses lèvres une fois de plus, et son expression passa de l’embarras à la douleur.
         Je retins mon impatience, adoucissant ma voix. Je ne voulais pas qu’elle soit anxieuse.
         - Je ne rigolerai pas, promis-je, espérant que seul l'embarras l'empêchait de parler.
         - J'ai un peu peur que tu sois énervé après moi, murmura-t-elle.
         Je m'efforçai de garder une voix neutre.
         - Est-ce si horrible ?
         - Je crois que oui.
        
    Elle baissa le regard, refusant de rencontrer mes yeux ; les secondes défilaient.
         - Vas-y, l’encourageai-je.
        
    Sa voix était très basse.
         - Je ne sais pas par où commencer.
         - Pourquoi ne commences-tu pas par le début ?
        
    Je me souvins de ce qu’elle avait dit pendant le dîner.
         - Tu as dit que tu n’avais pas trouvé cette théorie seule.
         - C’est vrai,
    acquiesça-t-elle, puis le silence revint.
         Je pensai à ce qui avait pu l’inspirer.
         - Qu’est-ce qui t’as mise sur la voie – un livre ? Un  film ?
        
    J’aurais dû fouiller dans ses collections lorsqu’elle n’était pas chez elle. Je ne savais pas si Bram Stoker ou Anne Rice en faisait partie...
         - Non, rajouta-t-elle. C’était samedi à la plage.
         Je ne m’attendais pas à ça. Les rumeurs locales qui nous concernaient n’avaient jamais rapporté de faits trop étranges – ou trop précis. Y avait-il une nouvelle rumeur que j’avais loupée ? Bella me regarda rapidement, découvrant la surprise sur mon visage.
         - Je suis tombée sur un vieil ami de la famille, Jacob Black, continua-t-elle. Son père et Charlie sont amis depuis que je suis bébé.
        
    Jacob Black – le nom ne m’était pas familier, et pourtant me rappelait quelque chose... il y a longtemps... Je regardai à travers la fenêtre, cherchant à travers mes souvenirs pour établir une connexion.
         - Son père est un des Anciens de la tribu Quileute, dit-elle.
         Jacob Black. Ephraïm Black. Sans doute un descendant.
         Ça n'aurait pas pu être pire.
         Elle connaissait la vérité.
         Mon esprit se perdit en suppositions tandis que la voiture se perdait dans les virages, mon corps crispé par l’angoisse – immobile, à part un léger mouvement pour conduire la voiture.
         Elle connaissait la vérité.
         Mais... elle l’avait apprise samedi... donc elle l’avait su toute la soirée... et pourtant...
         - Nous sommes partis nous balader, continua-t-elle. Et il me racontait de vieilles légendes, pour me faire peur, je suppose. Il m’en a raconté une sur...
         Elle s'arrêta, mais son hésitation ne servait à rien. Je savais ce qu’elle allait dire. Le seul mystère qui persistait était de savoir pourquoi elle restait avec moi maintenant.
         - Continue, lui dis-je.
         - Sur les vampires.
        
    Elle souffla ces mots dans un murmure.
         D’une certaine façon, c’était pire que de savoir qu’elle savait, l’entendre prononcer ce mot à voix haute. Je frémis à ce son, puis repris le contrôle.
         - Et tu as immédiatement pensé à moi ? lui demandai-je.
         - Non. Il a mentionné ta famille.
         Comme c’était ironique que la propre descendance d’Ephraïm viole le traité que lui-même avait instauré. Son petit-fils, ou arrière-petit-fils peut-être. Combien d’années avaient passé ? Soixante-dix ?
         J’aurais dû me rendre compte que ce ne serait pas les vieux hommes qui croyaient aux légendes qui poseraient un problème. Bien sûr, la jeune génération – ceux qui auraient été prévenus, mais qui riaient des anciennes superstitions – bien sûr c’est de là que viendrait le danger.
         Je supposais que cela signifiait que je pouvais désormais m’attaquer à la petite tribu sans défense.
         Ephraïm et sa troupe de protecteurs étaient tous morts…
         - Il a juste pensé que c’était une superstition débile, dit Bella, sa voix pleine d'anxiété. Il ne pensait pas que j’y croirais.
        
    Du coin de l’œil, je la voyais se tordre les mains.
         - C’était ma faute, en fait, dit-elle après une courte pause, baissant la tête comme sous le poids le la honte. Je l’ai forcé à me le dire.
         - Pourquoi ?

         Il m’était plus facile de contrôler ma voix maintenant. Le pire était derrière moi. Alors que nous parlions des détails de cette révélation, nous éludions les conséquences.
         - Lauren a dit quelque chose à propos de toi – elle essayait de me provoquer.
        
    Elle fit une grimace. J’étais un peu perturbé, me demandant comment Bella pouvait se sentir provoquée par quelqu’un qui parlait de moi...
         - Un garçon plus âgé de la tribu a dit que ta famille ne venait pas à la réserve, mais on aurait dit qu’il disait quelque chose d’autre. Donc j’ai isolé Jacob, et je l’ai piégé.
        
    Sa tête se baissa encore un peu plus en admettant cela. Son expression ressemblant à de la... culpabilité.
         Je tournai mon regard, puis ris à pleine voix. Elle se sentait coupable. Qu’avait-elle pu faire pour mériter ce sentiment ?
         - Tu l’as piégé comment ? demandai-je
         - J’ai essayé de le draguer – ça a marché, et bien mieux que je ne l'espérais, expliqua-t-elle, sa voix incrédule devant le succès.
         Je pouvais déjà imaginer – considérant l’attraction qu’elle déclenchait chez tous les hommes, complètement inconsciemment – combien elle devait être irrésistible quand elle essayait d'être attrayante. J'éprouvai soudain une vague de pitié pour ce jeune garçon, sur lequel elle avait lâché un tel potentiel.
         - J’aurais aimé voir ça, dis-je, en proie à l'humour noir.
         J’aurais aimé voir les réactions de ce jeune garçon, être témoin de cette déchéance.
         - Et tu m’accuses d’éblouir les gens – pauvre Jacob Black.
         J
    e n’étais pas énervé après lui, la source de mon exposition, comme je pensais l’être. Il ne savait pas.  Et comment pouvais-je attendre de quelqu’un qu’il repousse cette fille? Non, j’avais juste de la sympathie pour tous les dégâts qu’elle avait dû occasionner à sa tranquillité d'esprit.
         Je sentis qu’elle rougissait, la chaleur émanait de ses joues. Je lui jetai un regard, elle regardait par la fenêtre. Elle ne parlait pas.
         - Qu’as tu fait après ?
        
    Il était temps de retourner à l’histoire d'horreur.
         - J’ai fait quelques recherches sur Internet.
        
    Toujours pratique.
         - Est-ce que ça t’a convaincue ?
         - Non,
    dit-elle. Rien ne correspond. Ce sont des bêtises pour la plupart. Et puis...
        
    Elle s'arrêta de nouveau, et j’entendis ses mâchoires se verrouiller.
         - Quoi ? demandai-je.
         Qu’avait-elle trouvé ? Est ce que ce cauchemar avait pris un sens pour elle ?
         Il y eut une courte pause, puis elle chuchota :
         - J’ai décidé que ça n’avait pas d’importance.
        
    Le choc gela mes pensées pendant une demi-seconde, puis je me ressaisis. Je vis clairement pourquoi elle avait quitté ses amies ce soir au lieu de s’échapper avec elles. Pourquoi elle était montée en voiture avec moi au lieu de partir en courant, appelant la police...
         Ses réactions étaient toujours mauvaises – totalement mauvaises. Elle attirait le danger. Elle l’invitait.
        - Pas d’importance ? fis-je les dents serrées, plein de rage.
         Comment pouvais-je protéger quelqu’un de si... si... si déterminé à ne pas l’être ? 
         - Non, dit-elle d’une voix basse et inexplicablement tendre. Ça n’a pas d’importance pour moi.
        
    Elle était impossible.
         - Tu t’en fiches que je sois un monstre ? Que je ne sois pas humain ?
         - Oui.

         Je la regardai pour m’assurer qu’elle avait tous ses esprits.
         Je suppose que je pourrais m’arranger pour qu’elle ait les meilleurs traitements possibles... Carlisle avait des relations avec les meilleurs médecins, les psychiatres les plus talentueux.  Peut être que quelque chose pouvait être fait pour réparer ce qui n‘allait pas chez elle, ce qui faisait qu’elle pouvait rester assise à côté d’un vampire, avec un rythme cardiaque stable. Je surveillerais l’institut, et lui rendrais visite aussi souvent que possible...
         - Tu es énervé. Je n’aurais rien dû dire.
         Comme si le fait qu’elle me cache ce genre de choses allait nous aider elle comme moi.
         - Non. Je préfère savoir ce que tu penses – même si c’est quelque chose de complètement fou.
         - Alors, j’ai encore tort ?
    demanda-t-elle, légèrement agressive.
         - Ce n’est pas ce que j’ai dit !
         
    Mes dents s’entrechoquèrent.
         - Ça n’a pas d’importance ! répétai-je, blessé.
         Elle sursauta.
         - J’ai raison ?
         - Est-ce que c’est important ?
    contrai-je.
         Elle prit une grande inspiration. J’attendais sa réponse, énervé.
         - Pas vraiment, dit-elle, la voix calme une nouvelle fois. Mais je suis curieuse.
         Pas vraiment. Ça  n’avait pas d’importance. Elle s’en moquait. Elle savait que j’étais inhumain, un monstre, et ça ne la dérangeait pas.
         Mis à part mes interrogations sur sa santé mentale, je commençais à me sentir plein d’espoir. J’essayai de ne pas y penser.
         - Curieuse de quoi ? demandai-je.
         Il n’y avait plus de secrets, juste quelques petits détails non dévoilés.
         - Quel âge as-tu ? demanda-t-elle.
         Ma réponse fusa automatiquement.
         - Dix-sept ans.
         - Depuis combien de temps as-tu dix sept ans ?

         J’essayai de ne pas rire à son ton sérieux.
         - Un bout de temps, admis-je.
         - D’accord, dit-elle, enthousiaste.
         Elle me sourit. Quand je la regardai, anxieux une nouvelle fois concernant son état mental, son sourire s'agrandit. Je grimaçai.
         - Ne ris pas, prévint-elle. Mais comment se fait-il que tu sortes en plein jour ?
        
    Je ris malgré sa requête. Ses recherches ne lui avaient rien appris d'inhabituel.
         - Mythe, lui assurai-je.
         - Le soleil vous réduit en cendre ?
         - Mythe.
         - Vous dormez dans des cercueils ?
         - Mythe.
      
       Dormir n’avait pas fait partie de ma vie depuis longtemps – jusqu’à ces dernières nuits, alors que je regardais Bella rêver...
         - Je ne dors pas, murmurai-je, répondant un peu plus à sa question.
         Elle resta silencieuse un moment.
         - Jamais ? demanda-t-elle
         - Jamais, soufflai-je.
         Je regardai ses yeux, si grands derrière ses cils, et priai pour pouvoir dormir. Pas pour oublier, pas pour échapper à l'ennui, mais parce que je voulais rêver. Peut-être, si je pouvais être inconscient, si je pouvais rêver, pourrais-je vivre quelques heures dans un monde ou elle et moi pouvions être ensemble. Elle rêvait de moi. Je voulais rêver d’elle.
         Elle me fixa à son tour, son expression pleine de questionnements. Je dus détourner le regard.
         Je ne pouvais pas rêver d’elle. Elle ne devait pas rêver de moi.
         - Tu ne m’as pas encore posé la question la plus importante, dis-je, mon cœur plus lourd et froid qu’avant.
         Je me devais de lui faire comprendre. Jusqu'à un certain point, elle devait se rendre compte de ce qu’elle faisait. Je me devais de lui faire comprendre que tout cela avait de l’importance – plus que tout le reste. Le reste comme le fait que je l’aimais.
         - Laquelle ? demanda-t-elle, surprise.
         Cela rendit ma voix plus dure encore.
         - Tu ne te demandes pas ce que je mange ?
         - Oh. Ça.

          Elle parla d’un ton calme que je ne pouvais pas interpréter.
         - Oui. Ça. Ne veux-tu pas savoir si je bois du sang ?
        
    Elle prit un peu de distance face à ma question. Enfin. Elle comprenait.
         - Eh bien, Jacob a dit quelque chose là dessus dit-elle.
         - Qu’a-t-il dit ?
         - Il a dit que vous ne... chassiez pas les gens. Il a dit que ta famille n’était pas supposée être dangereuse car vous chassiez seulement les animaux.
         - Il a dit que nous n’étions pas dangereux ?
    répétai-je cyniquement.
         - Pas exactement, clarifia-t-elle. Il a dit que vous n’étiez pas supposés être dangereux. Mais les Quileute ne vous veulent toujours pas sur leurs terres, juste au cas où.
        
    Je regardai la route, mes pensées désespérées, ma gorge luttant contre cette soif féroce.
         - Alors, il avait raison ? demanda-t-elle, aussi calmement que si je venais de lui confirmer des prévisions météorologiques. Sur le fait que vous ne chassiez pas les hommes ?
         - Les Quileute ont bonne mémoire.
       
      Elle acquiesça légèrement, perdue dans ses pensées.
         - Ne soit pas trop confiante cependant, dis-je rapidement. Ils ont raison de garder leurs distances avec nous. Nous sommes très dangereux.
         - Je ne comprends pas.
        
    Bien sûr qu'elle ne comprenait pas. Comment lui faire voir ?
          - Nous essayons, lui dis-je. Nous y arrivons la plupart du temps. Parfois nous faisons des erreurs. Moi, par exemple, en étant seul avec toi.
        
    Son parfum était toujours une entité à part entière dans la voiture. Je m’y habituais, je pouvais presque l’ignorer, mais je ne pouvais pas renier que mon corps était attiré par elle pour de mauvaises raisons. Ma bouche nageait dans le venin.
         - C’est une erreur ? demanda-t-elle, comme si elle avait le cœur brisé.
          Cela me désarma. Elle voulait être avec moi – malgré tout cela, elle le voulait.
         L'espoir revint de nouveau et me je m'obligeai à l'étouffer.
         - Une erreur très dangereuse, lui dis-je honnêtement, espérant que la vérité cesse d’être importante.
         Elle ne répondit pas pendant un moment. Je pouvais entendre sa respiration changer – dans une direction qui n’indiquait cependant pas la peur.
         - Dis m’en plus, dit-elle soudainement, sa voix tordue de douleur.
         Je l’examinai attentivement.
         Elle souffrait. Comment avais-je permis cela ?
         - Que veux-tu savoir de plus ? demandai-je, essayant de trouver un moyen pour ne pas qu’elle souffre.
         Elle ne devait pas souffrir. Je ne pouvais pas la laisser souffrir.
         - Dis-moi pourquoi vous chassez des animaux au lieu des hommes, dit-elle, toujours souffrante.
         N'était-ce pas évident ? Ou peut-être s’en moquait-elle aussi.
         - Je ne veux pas être un monstre, murmurai-je. 
         - Mais les animaux ne te suffisent pas ?
         Je recherchai une autre comparaison, une manière de lui faire comprendre.
         - Je ne suis pas bien sûr, mais disons c’est comme vivre de tofu et de lait de soja pour toi ; nous nous considérons comme végétariens, une petite blague entre nous. Cela ne satisfait jamais complètement notre faim – ou plutôt notre soif. Mais cela nous donne assez de force pour résister. La plupart du temps.
         Ma voix s’abaissait ; j’avais honte du danger dans lequel je la mettais. Un danger que je continuai d’accepter...
         - Parfois, c’est plus difficile que d’autres.
         - Est-ce que c’est très difficile maintenant ?

         Bien sûr, elle posait la question à laquelle je n’avais pas envie de répondre.
         - Oui, admis-je.
         Cette fois la réaction que j'attendais fut la bonne : sa respiration resta régulière, son rythme cardiaque resta stable ; je me doutais qu'elle réagirait ainsi, mais ne compris pas pourquoi. Comment pouvait-elle ne pas être effrayée ?
         - Mais tu n’as pas faim maintenant, déclara-t-elle, parfaitement sûre d’elle-même.
         - Qu’est-ce qui te laisse penser ça ?
         - Tes yeux,
    dit-elle calmement. Je t’ai dit que j’avais une théorie. J’ai remarqué que les gens – les hommes en particulier – sont plus maussades lorsqu’ils ont faim.
        
    Je souris à sa description : maussade. C’était bien en dessous de la vérité. Mais elle avait raison sur toute la ligne. Comme d’habitude.
        - Très observatrice, n’est pas ?
         Je ris de nouveau.
         Elle sourit légèrement, la ride entre ses yeux réapparaissant comme si elle était concentrée sur quelque chose.
         - Tu chassais, ce week-end avec Emmett ? demanda-t-elle après que mon rire se soit évanoui.
    Sa façon de parler si détendue était aussi fascinante que frustrante. Pouvait-elle vraiment accepter tout cela sans ciller ? J’étais plus choqué qu’elle.
         - Oui, lui dis-je.
         Et, alors que j’allais la laisser là-dessus, je ressentis le même besoin que dans le restaurant ; je voulais qu’elle me connaisse.
         - Je ne voulais pas partir, continuai-je doucement, mais c’était nécessaire. Il m’est plus facile d’être avec toi quand je n’ai pas soif.
         - Pourquoi ne voulais-tu pas partir ?

         Je pris une grande inspiration, puis me tournai pour la regarder droit dans les yeux. Ce genre d'honnêteté était difficile à dire, mais pour d'autres raisons.
         - Ça me rend... anxieux… 
        
    Je pensais que ce mot suffirait, pourtant, il n’était pas assez fort.
         - …d'être loin de toi. Je ne plaisantais pas, jeudi dernier, quand je t’ai demandé de faire attention de ne pas tomber dans l’océan ou te faire écraser. J’ai été distrait tout le week-end, m’inquiétant pour toi. Et après ce qui est arrivé ce soir, je suis surpris que tu aies réussi à survivre tout le week-end sans une écorchure.
        
    Puis je me souvins de ses blessures aux mains.
         - Enfin, presque sans écorchure.
         - Quoi ?
         - Tes mains,
    lui rappelai-je.
         Elle les regarda en grimaçant.
         - Je suis tombée.
         J’avais eu raison.
         - C’est bien ce que je pensais, dis-je, incapable de réprimer un sourire. J’imagine qu’avec toi ça aurait pu être pire – et cette possibilité m'a tourmenté tout le temps où j’étais parti. Ce furent trois jours très longs. J’ai rendu Emmett complètement fou.
         
    Il était inutile de parler au passé. J'énervais probablement toujours Emmett et le reste de la famille.  Excepté Alice...
         - Trois jours ? dit-elle, la voix aiguë. Je croyais que tu étais rentré aujourd’hui seulement ?
         Je ne comprenais pas son ton.
         - Non, nous sommes revenus dimanche.
         - Alors pourquoi n’étais-tu pas au lycée ?
    demanda-t-elle.
         Son irritation me déboussola. Elle ne semblait pas réaliser que cette question avait un rapport avec ma mythologie.
         - Eh bien tu as demandé si le soleil nous blessait, et ce n’est pas le cas. Mais nous ne pouvons pas sortir en pleine lumière, pas si il y a du monde autour.
        
    Je la distrayais de ce qui la contrariait mystérieusement.
         - Pourquoi ? demanda-t-elle, penchant la tête sur le côté.
         Je doutais de trouver une analogie appropriée pour expliquer cela. Donc je décidai de simplement lui dire :
         - Je te montrerai un jour.
        
    Puis je me demandai si je tiendrais cette promesse. La reverrais-je après ce soir ? L’aimais-je assez pour m’éloigner d’elle ?
         - Tu aurais pu m’appeler, dit-elle.
         Quelle conclusion étrange.
         - Mais je savais que tu allais bien.
         - Mais moi je ne savais pas où tu étais. Je...
         
    Elle s'arrêta soudainement, regardant ses mains.
         - Quoi ?
         - Je n’ai pas aimé,
    dit-elle timidement, la peau de ses joues rougissant. Ne pas te voir. Ça me rend anxieuse aussi.
        
    Es-tu heureux, maintenant ? me demandai-je à moi-même. Et bien, là était ma récompense pour avoir espéré.
         J’étais perplexe, exalté, horrifié – surtout horrifié – que tous mes rêves les plus fous se trouvassent si proche d’être exaucés. Voilà pourquoi ça ne la dérangeait pas que je sois un monstre. C'était pour l'exacte même raison que je me fichai complètement des règles à présent. Que le bien et le mal n’avaient plus d’influence sur moi. Que toutes mes priorités s’étaient éclipsées pour laisser cette fille seule en haut de ma liste.
         Bella m’appréciait aussi.
         Je savais que ça n’était rien en comparaison de combien moi je l’aimais. Mais c’était assez pour qu’elle risque sa vie en étant assise à côté de moi. Et qu'elle y prenne plaisir.
         Assez pour la blesser si je faisais enfin la bonne chose, c’est à dire, m’éloigner d’elle.
         Y avait-il quoi que ce soit que je puisse faire à présent sans la blesser ?
         J’aurais dû garder mes distances. Je n’aurais jamais dû revenir à Forks. Je ne lui apporterais que de la souffrance.
         Cela m’empêcherait-il de partir ? Empirant la situation?
         Cette sensation à présent, sa chaleur sur ma peau...
         Non. Rien ne pourrait m'arrêter.
         - Ah, grognai-je pour moi-même. Ça devient compliqué.
         - Qu’est-ce que j’ai dit ?
    demanda-t-elle, ramenant tout de suite la faute sur elle.
         - Ne vois-tu pas, Bella ? C’est une chose que je souffre, mais c’est totalement différent si toi tu commences à être impliquée. Je ne veux pas que tu souffres ainsi.
        
    C’était un mensonge, c’était la vérité. L'égoïste en moi planait de savoir qu’elle me voulait autant que je la voulais.
         - C’est mal. C’est risqué. Je suis dangereux, Bella – s'il te plaît, rentre-toi ça dans le crâne.
         - Non.

         Elle fit la moue.
         - Je suis sérieux.
         Je luttai avec moi même si fort – à moitié désespéré qu’elle accepte mes avertissements, à moitié qu’elle ne s’échappe pas – que les mots sortirent de ma bouche en un grognement.
         - Moi aussi je suis sérieuse, insista-t-elle. Je te l’ai dit, ça n’a pas d’importance ce que tu es. C’est trop tard.
        
    Trop tard ? Le monde fut désespérément noir et blanc durant une seconde interminable tandis que je regardais les ombres ramper vers la silhouette de Bella endormie. Inévitable, inéluctable. Elles volèrent la couleur de sa peau, la plongeant dans les ténèbres. 
         Trop tard ? La vision d’Alice tourbillonna dans mon esprit, les yeux rouge sang de Bella me fixant, impassibles. Sans expression – mais il était impossible qu’elle ne me haïsse pas pour ce futur. Pour lui avoir tout volé. Volé sa vie et son âme.
         Il ne pouvait pas être trop tard.
         - Ne redis jamais ça, sifflai-je.
         Elle regarda à travers la fenêtre, se mordant les lèvres de nouveau. Ses mains étaient serrées en poings sur ses cuisses. Sa respiration s’accéléra puis se perdit.
         - À quoi penses-tu ?
        
    Je devais savoir.
         Elle secoua la tête sans se retourner. Je vis quelque chose briller, comme du cristal, sur sa joue.
         Agonie.
         - Est-ce que tu pleures ?
        
    Je l’avais fait pleurer. Je lui avais fait mal à ce point.
        - Non, mentit-elle, la voix cassée.
         Un instinct enfoui me poussa à tendre la main vers elle – à cet instant je me sentais plus humain que je ne l’avais jamais été. Puis je me souvins que... je ne l’étais pas.
         - Je suis désolé, dis-je, les mâchoires crispées.
         Pourrais-je un jour lui dire à quel point j’étais désolé ? Désolé pour toutes ces erreurs stupides que j’avais commises. Désolé pour mon égoïsme sans bornes. Désolé qu’elle soit assez malchanceuse pour être l’objet de mon premier et tragique amour. Désolé, aussi, pour les choses qui n’étaient pas de mon ressort – que je fusse le monstre choisi par le destin pour mettre un terme à sa vie, en premier lieu.
    Je pris une profonde inspiration – ignorant ma réaction méprisable au parfum dans la voiture – et essayai de me ressaisir.
         Je voulais changer de sujet, pour penser à quelque chose d’autre. Heureusement pour moi, ma curiosité à propos de cette fille était insatiable. J’avais toujours une question en réserve.
         - Dis-moi quelque chose… dis-je.
         - Oui ? demanda-t-elle sèchement, les larmes inondant toujours sa voix.
         - A quoi pensais-tu ce soir, juste avant que je ne débarque ? Je n’ai pas compris ton expression – tu n’avais pas l’air effrayée, c’est comme si tu étais concentrée sur quelque chose.
         Je me souvins de son visage – essayant d’oublier à travers les yeux de qui je la regardais – et de sa  détermination.
          - J’essayais de me rappeler comment immobiliser un adversaire, dit-elle, la voix calme. Tu sais, self-défense. J’allais lui écraser le nez jusqu’à le lui rentrer dans le crâne.
         Son calme disparut avant la fin de son explication. Son ton se transforma en haine. Ce n’était pas une hyperbole, et sa furie de petit chat n'était plus drôle du tout. Je pouvais voir sa silhouette frêle – la peau sur les os – dominée par ces hommes baraqués aux gros poings prêts à lui faire du mal. La furie bouillait au fond de ma tête.
         - Tu allais te battre avec eux ?
        
    Je voulais grogner. Ses instincts étaient mortels – pour elle-même.
         - Tu n’as pas pensé à courir ?
         - Je tombe souvent quand je cours,
    dit-elle, embarrassée.
         - Et appeler à l’aide ?
         - J’allais le faire.
       
      Je secouai la tête, incrédule. Comment avait-elle réussi à survivre avant d’arriver à Forks ?
         - Tu avais raison, lui dis-je, la voix amère. Je combats vraiment le destin en essayant de te garder en vie.
        
    Elle soupira, regardant à travers la vitre. Puis elle me regarda de nouveau.
         - Te verrai-je demain ? demanda-t-elle abruptement.
         Puisque j’allais droit en enfer – autant profiter du voyage.
         - Oui. J’ai d’un devoir à rendre aussi.
        
    Je lui souris, ça faisait du bien.
         - Je te garde une place à la cantine.
        
    Son cœur s’emballa, et mon cœur mort sembla soudain se réchauffer.
         J'arrêtai la voiture en face de la maison de son père. Elle ne fit aucun mouvement pour sortir, et me  quitter.
         - Tu me promets que tu seras là demain ? insista-t-elle.
         - Je te le promets.
        
    Comment pouvais-je retirer autant de bonheur à faire le mauvais choix ? Il y avait quelque chose d'inapproprié là-dedans.
         Elle acquiesça pour elle même, et commença à retirer ma veste.
         - Garde-la, lui assurai-je rapidement.
         Je préférais qu’elle garde quelque chose qui m’appartenait. Un symbole, tout comme la capsule de bouteille au fond de ma poche...
         - Tu n’as pas de veste pour demain.
        
    Elle me la tendit, souriant d’un air piteux.
         - Je ne veux pas avoir à expliquer ça à Charlie, me dit-elle.
         J’imaginais bien que non. Je lui souris à mon tour.
         - Ah oui, bien sûr.
        
    Elle posa sa main sur la poignée, puis arrêta son geste. Elle ne désirait pas partir, et je ne voulais pas la laisser s’en aller.
         La savoir sans protection, même pour quelques instants...
         Peter et Charlotte était loin déjà, au-delà de Seattle, sans aucun doute. Mais il y en avait toujours d’autres. Ce monde n’était pas un endroit sûr pour quelque humain que ce soit, et pour elle, il semblait encore plus dangereux que pour les autres.
         - Bella ? demandai-je, surpris pas le plaisir que j’avais à simplement dire son nom.
         - Oui ?
         - Est-ce que tu peux me promettre quelque chose ?
         - Oui,
    accepta-t-elle facilement ; puis ses yeux se plissèrent comme si elle imaginait une raison d’objecter.
         - Ne vas pas dans les bois toute seule, l’avertis-je, me demandant si cette requête était digne de l’objection dans ses yeux.
         Elle cligna des yeux, surprise.
         - Pourquoi ?
        
    Je jetai un regard noir aux ténèbres. Le manque de lumière n’était pas un problème pour mes yeux, mais cela ne gênerait aucun autre traqueur. L'obscurité aveuglait seulement les humains.
         - Je ne suis pas toujours la chose la plus dangereuse ici, lui dis-je. Restons-en là.
         
    Elle frissonna mais retrouva rapidement son calme, et sourit même en me répondant : 
         - Si tu le dis.
        
    Son haleine toucha mon visage, si douce et parfumée.
         J’aurais pu rester ici toute la nuit, mais elle avait besoin de dormir. Les deux désirs semblaient d'égal importance alors qu’ils continuaient de se faire la guerre : la vouloir pour moi contre vouloir sa sécurité.
         Je soupirai devant cette impossible situation.
         - Je te vois demain, dis-je, sachant que je la reverrais bien avant cela.
         Mais elle ne me verrait pas avant le lendemain.
         - Ok, à demain, acquiesça-t-elle en ouvrant la portière.
         L’agonie, à nouveau, tandis que je la regardais s’éloigner.
         Je me penchai vers elle, désireux de la retenir avec moi.
         - Bella ?
        
    Elle se retourna, et se figea, surprise que nos visages se retrouvent si proches.
         Moi aussi j’étais submergé par cette proximité. Le chauffage m’envoyait des effluves de son parfum par vague, caressant mon visage. Je pouvais sentir la douceur de sa peau…
         Son cœur se mit à battre frénétiquement et ses lèvres s’entrouvrirent.
         - Dors bien, murmurai-je, me reculant avant que l’urgence dictée par mon corps – soit la soif familière, ou la toute nouvelle et bizarre faim que je ressentais soudainement – ne me fasse faire quelque chose qui pourrait la blesser.
         Elle resta assise sans faire un mouvement pendant un petit moment, les yeux stupéfaits et grand ouverts. Éblouie, j’imagine.
         Tout comme moi.
         Elle reprit ses esprits – son visage restant toutefois un peu perplexe – tomba à moitié de la voiture, s'emmêlant les pieds, se rattrapant à la portière pour se relever.
         Je gloussai – trop bas pour qu’elle m’entende.
         Je la regardai marcher en trébuchant jusqu’au porche. En sécurité pour le moment. Je reviendrais vite pour m’en assurer.
         Je pouvais sentir ses yeux me suivre tandis que je conduisais dans la rue sombre.
         C’était une situation tellement différente de ce à quoi je m’étais habitué. D’habitude, je pouvais simplement me regarder m’éloigner à travers les yeux de quelqu’un. C’était étrangement excitant – cette sensation insaisissable de se sentir épié. Je savais que c’était simplement parce qu’il s'agissait de ses yeux.
         Un millions de pensées se chassèrent les unes les autres dans mon esprit tandis que je conduisais sans but dans la nuit.
         Pendant un long moment je fis des cercles dans les rues, sans direction fixe, pensant à Bella et au soulagement incroyable de savoir qu’elle connaissait la vérité. Je n’avais plus à me soucier qu’elle découvrît qui j’étais réellement. Elle savait. Et ça ne la dérangeait pas. Même si c’était évidemment une mauvaise chose pour elle, c’était étonnamment libérateur pour moi.
         Plus que ça, je pensai à Bella et l’amour qui me récompensait. Elle ne pouvait pas m’aimer comme moi je l’aimais – une chose si irrésistible, dévorante, cet amour écrasant aurait probablement brisé son corps fragile. Mais elle se sentait assez forte. Assez forte pour repousser la peur instinctive. Assez pour vouloir être avec moi. Et être avec elle était le plus grand des bonheurs que j'avais jamais connus.
         Pendant un moment – alors que j’étais seul, sans risque de blesser personne pour une fois – je me permis de ressentir ce bonheur sans la notion tragique. D'être juste heureux qu’elle m’apprécie. De simplement exulter du triomphe d’avoir acquis son affection. Imaginant être près d’elle jour après jour, entendant sa voix, gagnant ses sourires.
         Je rejouai ce sourire dans ma tête, voyant les coins de ses lèvres se soulever, les fossettes se dessiner sur ses joues, ses yeux chauds... Ses doigts avaient été si chauds et doux sur ma main ce soir.
       Je m’imaginai touchant sa peau délicate, caressant ses joues – soyeuses, chaudes... tellement fragiles.
        De la soie sur du verre... affreusement aisé à briser.
         Je ne vis pas où mes pensées m’emmenaient jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Alors que je m’attardais sur sa vulnérabilité dévastatrice, de nouvelles images de son visage firent irruption dans mes fantaisies.
         Perdue dans l’ombre, pâle sous l’effet de la peur – pourtant les mâchoires fermes et déterminées, les yeux féroces, pleins de concentration, son corps fin tendu pour attaquer les imposantes formes rassemblées autour d’elle, des cauchemars dans l’obscurité...
         - Ah, grognai-je, plein de la haine que j’avais momentanément perdue face à cette joie, mais désormais prête à éclater de nouveau dans un accès de rage.
         J’étais seul. Bella était, j'en étais certain, en sécurité chez elle ; pour un moment j’étais furieusement content que Charlie Swan – chef de la Police locale, entraîné et armé – soit son père. Cela voulait forcément dire quelque chose, procurer un bouclier à Bella.
         Elle était en sécurité. Cela ne ralentirait pas ma vengeance...
         Non. Elle méritait mieux. Je ne la laisserais pas s’enticher d’un meurtrier.
         Mais... que faire pour les autres ?
         Bella était en sécurité, certes. Angela et Jessica l’étaient aussi, sûrement, au fond de leurs lits.
         Et pourtant un monstre était libre dans les rues de Port Angeles. Un monstre humain – cela en faisait-il un problème exclusivement humain ? Commettre le meurtre que je désirais commettre ce soir était mal.   Je le savais. Mais le laisser en liberté, libre d’attaquer de nouveau ne pouvait pas être bien non plus.
         L'hôtesse blonde du restaurant. La serveuse que je n’avais pas vraiment regardée. Les deux m’avaient irrité d’une façon très triviale, mais cela ne voulait pas dire qu’elles méritaient d’être mises en danger.
         N’importe laquelle d’entre elles pouvait être la Bella de quelqu’un.
         Le fait de réaliser cela me décida.
         Je dirigeai la voiture vers le nord, accélérant, maintenant que j’avais un but. Dès que j’avais un problème qui me dépassait – quelque chose comme celui-ci – je savais où aller pour trouver de l’aide.
         Alice était assise sous le porche, m’attendant. Je me garai en face de la maison plutôt que de faire le tour du garage.
         - Carlisle est dans son bureau, dit Alice avant même que j’aie demandé.
         - Merci, dis-je, ébouriffant ses cheveux au passage.
          Merci de m’avoir rappelée, pensa-t-elle, sarcastique.
         - Oh.
         Je m'arrêtai près de la porte, sortant le téléphone et l’ouvrant au passage.
         - Désolé, je n’ai même pas vérifié qui m’avait appelé. J’étais...occupé.
         - Oui, je sais. Je suis désolé moi aussi. Quand j’ai vu ce qui se tramait, tu étais déjà en chemin.
         - C’était juste,
    murmurai-je.
         Désolée, répéta-t-elle, honteuse.
         Il m’était facile d’être généreux, sachant Bella en sécurité.
         - Ne le sois pas. Je sais  que tu ne peux pas tout voir. Personne ne s’attend à ce que tu sois omnisciente, Alice.
         - Merci.
         - J’ai failli t’inviter à dîner ce soir – est-ce que tu as vu ça avant que je ne change d’avis?
        
    Elle me fit un grand sourire.
         - Non, j’ai loupé ça aussi. J’aurais aimé savoir. Je serais venue.
         - Sur quoi te concentrais-tu pour manquer tant de choses ?
         Jasper pense à notre anniversaire de mariage.
    Elle rit. Il essaie de ne pas prendre de décision pour mon cadeau, mais je pense avoir un bonne idée...
         - Tu es scandaleuse.
         - Ouaip.
        
    Elle pressa ses lèvres puis me fixa, une pointe d’accusation dans son expression. Je ferai plus attention plus tard. Vas-tu leur dire qu’elle sait ?
         Je soupirai.
         - Oui, plus tard.
        Je ne dirai rien. Fais-moi une faveur et attends que je ne sois pas dans le coin pour le dire à Rosalie, ok ?

         Je tressaillis.
         - Bien sûr.
         Bella l’a bien pris.
         - Trop bien.

         Alice me sourit de nouveau.
         Ne la sous-estime pas.
         J’essayai de bloquer l’image que je ne voulais pas voir – Bella et Alice, meilleures amies.
         Impatient à présent, je soupirai bruyamment. Je voulais en finir avec la prochaine étape de la soirée.   Mais j’étais inquiet de quitter Forks...
         - Alice... commençai-je.

         Elle vit ce que je prévoyais de lui dire. Tout ira bien pour elle ce soir. Je surveille à présent. Elle a vraiment besoin d’une surveillance 24h/24, n’est ce pas ?
         - Au moins.
         - De toute façon, tu seras bientôt avec elle.
        
    Je pris une grande inspiration. Ces mots étaient si beaux.
         - Vas-y – finis-en avec ça pour que tu puisses être là où tu veux être.
        
    J'acquiesçai, et me dépêchai de monter dans la chambre de Carlisle.
         Il m’attendait, les yeux sur la porte plutôt que sur le gros livre posé sur son bureau.
         - J’ai entendu Alice te dire où me trouver, dit-il en souriant.
         C’était un soulagement d’être avec lui, de voir son empathie et cette profonde intelligence dans ses yeux. Carlisle saurait quoi faire.
         - J’ai besoin d’aide.
         - Ce que tu veux, Edward,
    promit-il.
         - Est ce qu'Alice t’a dit ce qui est arrivé à Bella ce soir ?
         Ce qui a failli arriver,
    corrigea-t-il.
         - Oui, failli. J’ai un dilemme Carlisle. Tu vois, je veux... vraiment... le tuer.
       
      Les mots sortirent vite et avec passion.
         - Tellement. Mais je sais que c’est mal, parce que c’est de la vengeance, pas de la justice. De la haine sans impartialité. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas juste de laisser un violeur et tueur en série déambuler dans les rues de Port Angeles ! Je ne connais pas d’humains là bas, mais je ne peux pas laisser quelqu’un prendre la place de Bella comme victime. Ces autres femmes – quelqu’un pourrait ressentir pour elles ce que je ressens pour Bella. Ils pourraient souffrir autant que moi si elle avait été blessée. Ce n’est pas juste -
         Son sourire aussi large qu'imprévu m'arrêta dans mon flot de paroles.
         Elle est bien pour toi n’est ce pas ? Tellement de compassion, tellement de contrôle, je suis impressionné.
         - Je ne suis pas parti à la pêche aux compliments, Carlisle.
         - Bien sûr que non. Mais je ne peux pas retenir mes pensées, n’est ce pas ?
        
    Il sourit de nouveau.
         - Je vais m’en occuper. Tu peux te relaxer. Personne ne sera blessé à la place de Bella.
        
    Je vis son plan dans sa tête. Ce n’était pas exactement ce que je voulais, cela ne satisferait pas ma soif de brutalité, mais je pouvais voir que c’était la bonne chose à faire.
         - Je vais te montrer où le trouver, dis-je.
         - Allons-y.
        
    Il attrapa son sac noir au passage. J’aurais préféré une forme de sédation plus agressive – comme lui briser le crâne – mais je laisserais Carlisle gérer cela à sa façon.
         Nous prîmes ma voiture. Alice était toujours sur les marches. Elle fit un grand sourire et nous salua de la main tandis que nous nous éloignions. Je savais qu’elle avait regardé le futur pour moi ; nous n’aurions aucune difficulté.

    Chapitre 10. Théorie (part.2)

       Le voyage fut rapide sur la sombre route déserte. J'éteignis mes phares pour ne pas attirer l’attention. Cela me fit sourire d’imaginer comment Bella réagirait à la vitesse à laquelle nous roulions à présent. J'étais déjà en train de rouler plus lentement que d’habitude - pour prolonger le temps passé avec elle – quand elle avait objecté.
        Carlisle pensait à Bella aussi.

        Je n’avais pas prévu qu’elle serait aussi bénéfique pour lui. C’est inattendu. Peut-être que cela devait se dérouler ainsi. Peut-être qu’il y a quelque chose derrière tout ça. Seulement...
        Il s’imagina Bella avec la peau froide, les yeux rouges sang, puis fit disparaître cette image.
        Oui. Seulement. Bien sûr. Qu'y aurait-il de bon à détruire quelque chose de si pur et adorable?
        Je jetai un regard dehors, toute la joie de cette soirée détruite par ses pensées.
        Edward mérite le bonheur. Il l’a acquis. Cette férocité dans les pensées de Carlisle me surprit. Il doit y avoir un moyen.
           J’aurais aimé croire à ses paroles - n’importe laquelle des deux. Mais il n’y avait rien derrière ce qui arrivait à Bella. Juste le destin, vicieux, horrible, amer, qui ne voulait pas donner à Bella la vie qu’elle méritait.

        Je ne m’attardais pas à Port Angeles. J’amenai Carlisle dans la rue ou la créature dénommée Lonnie noyait sa déception avec ses amis - deux d'entre eux s’étaient déjà évanouis. Carlisle pouvait voir à quel point cela était dur pour moi d’être aussi près - d’entendre les pensées de ce monstre, de voir ses souvenirs, les souvenirs de Bella mélangés à ceux d’autres filles pas assez chanceuses pour être sauvées.
    
   Ma respiration s’accéléra. Je serrai le volant.

        Va-t-en, Edward, me dit-il gentiment. Je vais m’en occuper. Rejoins Bella.
        C’était exactement ce qu’il fallait me dire. Son nom était la seule chose qui pouvait me distraire à ce moment.
        Je le laissai dans la voiture et courus jusqu’à Forks, tout droit, à travers la forêt endormie. Cela me prit moins de temps qu’à l’aller dans la voiture. Quelques minutes après, j'escaladais le flanc de sa maison, me glissant à travers la fenêtre.
        Je soupirai silencieusement, soulagé. Tout était en place. Bella était en sécurité dans son lit, rêvant, ses cheveux mouillés, emmêlés tels des algues sur son oreiller.
        Mais, contrairement aux autres nuits, elle était recroquevillée dans ses draps, les coins de sa couette bien calés sous ses épaules. Elle avait sûrement froid. Avant que je puisse m'asseoir dans ma chaise habituelle, elle frissonna dans son sommeil, et ses lèvres tremblèrent.
        Je réfléchis durant un moment, puis me glissai dans le couloir, explorant une nouvelle partie de sa maison pour la première fois.
        Les ronflements de Charlie étaient assez forts. Je pouvais presque attraper ses rêves. Quelque chose concernant la force de l’eau, une attente patiente... une partie de pêche, peut-être?
        Là, en haut des escaliers se trouvait un placard prometteur. Je l’ouvris, plein d'espoir, et trouvai ce que je cherchais. Je pris la plus grosse des couvertures de la toute petite étagère, et la ramenai dans sa chambre. Je la rangerais avant qu’elle ne se réveille, et personne n’en saurait jamais rien.

        Retenant ma respiration, j’étalai précautionneusement la couverture sur elle ; elle ne réagit pas à l’excédent de poids. Je retournai dans la chaise à bascule.
        Tandis que j'attendais anxieusement qu’elle se réchauffe, je pensai à Carlisle, me demandant ce qu’il faisait en ce moment. Je savais que son plan se déroulerait sans problèmes - Alice l’avait vu.
        Penser à mon père me fit soupirer - Carlisle me faisait trop confiance. J’aurais aimé être la personne qu’il pensait que j’étais. Cette personne, celle qui méritait d’être heureux, qui pourrait espérer être digne de cette fille endormie. Combien les choses seraient différentes si je pouvais être cet Edward-là.

        Alors que je méditais là-dessus, une image étrange surgit dans mon esprit.

        Pendant un moment, le destin maléfique que j’avais imaginé, celui qui annonçait la destruction de Bella, fut remplacé par le plus fou et téméraire des anges. Un ange gardien - quelque chose qui ressemblait à la version de Carlisle me concernant. Avec un sourire insouciant sur ses lèvres, ses yeux bleu ciel pleins d'espièglerie, l’ange représenta Bella d’une telle façon qu’il m’était impossible de la négliger. Un parfum d’une puissance ridicule demandant mon attention, un esprit silencieux enflammant ma curiosité, une beauté silencieuse retenant mes yeux, un esprit altruiste gagnant mon estime. Enlever l’instinct naturel de survie - pour que Bella puisse accepter de rester auprès de moi - et finalement, ajouter un don pour s'attirer des ennuis.
        Avec un rire imprudent, l’ange irresponsable propulsa sa fragile création directement sur mon chemin, croyant allègrement que ma moralité défectueuse suffirait à maintenir Bella en vie.
        Dans cette vision, je n’étais pas la punition de Bella, elle était ma récompense.
        Je secouais ma tête devant la fantaisie cet ange sans jugeote. Il n’était pas mieux que le destin maléfique. Je ne pouvais pas m’incliner devant un pouvoir supérieur qui agirait de manière si stupide et dangereuse. Au moins, le destin, je pouvais le combattre.

        Et je n’avais pas d’ange. Ils étaient réservés aux bonnes gens - les gens comme Bella. Où donc était passé son ange ? La surveillait-il?
        Je ris en silence, surpris de réaliser qu’à ce moment précis, je remplissais ce rôle.

        Un ange vampire - c’était contradictoire.
        Environ une demi-heure plus tard, Bella se relaxa sous son cocon. Sa respiration s'approfondit et elle commença à murmurer. Je souris, satisfait. C’était une petite chose, mais au moins, elle dormirait mieux ce soir, parce que j’étais là.
        - Edward, soupira-t-elle, et elle sourit, elle aussi.
Je repoussai la tragédie pour le moment, me laissant être de nouveau heureux.


    votre commentaire